Le Nanotechnology Innovation Summit qui s’est tenu en décembre 2010 a été l’occasion de mettre en évidence les avancées nanotechnologiques qui marqueront les dix prochaines années.

La relance américaine ne peut passer que par les nanotechnologies. Tel est la tonalité qui a prévalu lors du Nanotechnology Innovation Summit qui s’est tenu à Washington, en décembre 2010, et qui a été exprimé à nouveau au Kavli Futures Symposium, tenu par le Caltech, en janvier 2011.

Les nanos ? Un enjeu à forte consonance nationale que les Américains n’hésitent pas à placer en priorité de leur politique de science et d’innovation en l’accompagnant d’un effort en amont sans précédent dans le domaine de la formation des étudiants en sciences. Aux yeux des participants au sommet de Washington, la course en R&D devient mondiale et le choc risque d’être brutal entre les trois pôles économiques (Europe, Etats-Unis et Asie). « Or l’Amérique, soutiennent les promoteurs de cette relance ne prend pas conscience du danger ». De nombreux chercheurs en sont convaincus, les nanotechnologies vont permettre, dans cinq secteurs clés, l’environnement, les sciences de la vie, les technologies de l’information, l’énergie et les transports, des sauts technologiques majeurs. En outre, pour pouvoir réaliser nombre de ces innovations, il est, selon eux, nécessaire d’améliorer les capacités de fabrication des nanomatériaux. Cela reste l’objectif global pour les dix prochaines années.

D’après le Consulting Resources Corp (CRC) de Lexington , dans le Massuchusetts, les plus importantes percées se feront dans les biomatériaux, les catalyseurs, l’électronique et le diagnostic médical. Déjà, la mise au point d’une électronique à basse consommation avec des Memristors, la communication optique, l’ordinateur quantique, les NEMS (nanos MEMS), l’amélioration des thérapeutiques prenant en compte les données génétiques de l’individu, sont jugées essentielles.
Les applications potentielles de recherche ne cessent de toucher de nouveaux secteurs d’activité. Certaines d’entre elles ont été classées prioritaires, en raison de leurs intérêts stratégiques, mais aussi avancent les experts présents au Sommet, en raison de la prise en compte du changement climatique.

Parmi elles, figurent l’indépendance énergétique.

Dans le domaine de la production et du stockage de l’énergie, les pistes les plus prometteuses se trouvent dans l’énergie solaire. Elle attise toutes les convoitises. C’est une ressource abondante que les Américains qui disposent de vastes étendues non agricoles peuvent valoriser pour développer des centrales solaires. Les recherches sont menées dans deux directions: la production d’électricité et la photosynthèse artificielle.

La consommation d’énergie peut être modifiée en profondeur grâce aux larges apports des nanotechnologies. Sans parler des matériaux plus légers et résistants qui pourraient venir abaisser le poids des véhicules de transport et réduire ainsi leur consommation. Un très grand nombre d’applications se multiplieront dans le domaine du stockage embarqué d’électricité et des batteries. L’essor des voitures électriques bute encore sur les batteries qui, malgré de réels progrès, ne sont encore trop faibles en énergie pour pouvoir rouler sur de longues distances. Elles demandent en outre de longs temps de rechargement.

Plusieurs recherches dans le monde se concentrent sur des nanocondensateurs électrostatiques, qui augmentent par dix la capacité de stockage du classique condensateur électrostatique. Avec ce dispositif, il sera bientôt possible de stocker et de distribuer efficacement l’électricité récoltée grâce aux moyens alternatifs (solaire, vent etc.). Et cela dans l’optique d’une production de masse, soutient Gary Rubloff, directeur du NanoCenter de l’Université du Maryland. Pour ce dernier, cette technologie offre « une haute densité d’énergie, d’une forte puissance et d’un rechargement rapide qui sont essentiels pour notre énergie future ». Le but étant de réussir à appliquer des milliards de nanostructures dans une batterie.

Bientôt, charger des batteries en quelques secondes au lieu d’y passer la nuit permettra d’envisager sereinement de longs voyages ; encore faut-il, bien entendu, que le réseau électrique fournisse une puissance suffisante pour permettre cette charge rapide. Cela suppose l’utilisation de stations services d’énergie électrique pour recharger les voitures hybrides. Certains industriels ont déjà investi dans des batteries à charges rapide. Utilisant la technologie d’Altair Nanotechnologies, Phoenix Motorcars a construit un prototype de voiture électrique, autonome sur 160 km, pouvant être rechargée en seulement 10 minutes. Selon Ceder, de telles batteries pourraient être sur le marché d’ici trois ans. Dans l’avenir, on prévoit aussi que la même nanotechnologie sera utilisée pour l’alimentation énergétique des usines.

Autre grand secteur prioritaire : la santé.

Le marché des technologies médicales est riche de promesses. Il est le plus immédiatement perceptible par les citoyens. Des recherches importantes se développent sur les implants, l’ingénierie tissulaire, le traitement thermique ciblé de tumeurs, la fabrication de valves cardiaques, l’aide aux tests par usage de puces à ADN, l’aide au diagnostic précoce des maladies, la neuroprothèse. Les développements nanométriques laissent entrevoir la possibilité de prévenir les maladies et soigner en agissant au moyen de capteurs, de principes actifs vectorisés, de tissus synthétiques, ou de systèmes de visualisation. On peut sans effort imaginer des laboratoires de la taille d’une puce capable de faire le bilan de santé détaillé d’un patient à partir d’une goutte de sang.

Dans le traitement des cancers, pour améliorer les diagnostics et le développement de thérapeutiques ciblées, l’objectif est de valider une médecine adaptée à la personne, capable de prendre en compte les données génétiques de l’individu afin de pouvoir renforcer la prévention et développer le traitement qui convient. Comme les phénomènes de conversion énergétique, les phénomènes biochimiques se déroulent à l’échelle nano.

La possibilité de disposer de matériaux à cette échelle assure une meilleure compréhension des phénomènes biologiques mais aussi la possibilité d’interagir directement avec eux. Il est ainsi possible de créer des marqueurs qui viennent se positionner sur les cellules malades exclusivement et ainsi permettent de diagnostiquer les tumeurs bien avant que celles-ci soient visibles avec les technologies actuelles. D’autres matériaux peuvent alors de la même manière cibler ces cellules pour entrainer leur destruction sélective, là où les traitements actuels s’attaquent aussi aux cellules saines. Avant de pouvoir appliquer ces traitements, il faudra s’assurer que les interactions des nanomatériaux avec le milieu biologique ne posent pas de risques. Pour cela, le développement des simulations pour évaluer la toxicité – l’avènement du in silico en plus du in vivo et in vitro – est nécessaire, tant les matériaux sont divers et les possibilités d’interactions sont nombreuses limitant la possibilité des études cliniques complètes. Un des autres objectifs essentiels est le développement de méthodes de séquençage de l’ADN rapides et économiques, domaine que les nanotechnologies devraient révolutionner rapidement

L’environnement et l’eau.

Les applications sont non moins généreuses dans ce domaine. Pièges nanostructurés pour éliminer les polluants provenant des rejets industriels, capteurs minuscules susceptibles de repérer une pollution atmosphérique, membranes sélectives capables de filtrer les contaminants, détection et neutralisation de pesticides, dépollution des sols, possibilités nouvelles pour le recyclage… les nanotechnologies peuvent faire des prouesses. Si nous arrivons par exemple à fabriquer les équivalents robots des insectes des champignons ou des micro-organismes nécrophages et coprophages, qui recyclent les cadavres ou les excréments et les réintroduisent dans le circuit des nutriments, les nanos devraient alors pouvoir nous débarrasser des déchets.

Un autre domaine dans lequel le rôle des nanotechnologies est salutaire pour contribuer à une baisse de la consommation d’énergie est celui de la purification de l’eau. Isoler la présence d’une substance chimique ou d’un agent bactériologique dans l’eau ou les produits alimentaires est une opération coûteuse, lourde en énergie et qui demande du temps. Demain les activités confrontés à la pollution ou à toute sorte de menace pourraient pallier à ces inconvénients, grâce à des capteurs chimiques et biologiques.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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