Frédéric Mitterrand lui-même le reconnaît : il faudra attendre au moins l’été pour mesurer l’impact économique de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).

Pas de champagne pour le premier anniversaire de l’Hadopi ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Haute Autorité lancée pour lutter contre le téléchargement illégal peine à convaincre. La contestation provient de deux fronts opposés : ses partisans initiaux lui reprochent son incapacité à endiguer le flux du téléchargement illicite et ses opposants historiques jugent le dispositif liberticide.

Force est de constater que la mise en place du système de « riposte graduée »-basé sur des avertissements aux contrevenants avant la saisie de la justice- s’est opérée à un rythme de sénateur. Il a fallu attendre des mois pour voir paraître les décrets d’application et l’envoi des premiers messages d’avertissement.

« Hadopi n’est pas en fonctionnement parfait. Quand il y aura 100 000 mails par mois, ce qui est prévu, à partir de ce moment là, je pense qu’il y a aura des résultats », a admis le ministre de la culture. Et de prévoir que les premiers effets économiques se feront sentir d’ici l’été. Un pronostic contesté par une responsable de l’Hadopi qui parle d’une échéance « d’au moins 18 mois d’activité à plein régime », soit 2013. Un avis partagé par les professionnels de l’industrie de la musique qui ne cachent pas leur déception quant à l’impact actuel du dispositif global : des mesures de sanctions inefficaces et une offre légale, destinée à séduire les amateurs de musique, encore trop modeste. Certains même souhaitent d’ores et déjà un nouveau dispositif…

Dévoilé au Midem, fin janvier, une étude de l’Hadopi, réalisée à l’automne dernier, est éclairante : près d’un Français sur deux ( 49 %) avouait télécharger illégalement des biens culturels (musique, films, jeux vidéo, etc.).Un aveu en forme de pied de nez à l’Hadopi. Pourquoi se priver de télécharger quand on ne risque pas d’être pris ? Les plus gros pirates se sont adaptés et se tournent maintenant vers le streaming ou des systèmes de téléchargement direct, difficilement détectables par l’Hadopi. Le piratage ne passe plus par des partages de fichiers (peer to peer) mais de plus en plus par des fichiers hébergés sur des serveurs à l’étranger.

Devant ce maigre bilan chiffré, les autorités officielles vantent l’impact psychologique de l’Hadopi : les Français auraient pris conscience que le téléchargement illégal pénalisait les auteurs-compositeurs et nuisait aux créateurs de musique. En attendant, les ventes physiques de disques en France continuent leur inexorable chute avec une nouvelle baisse de 10 % en 2010. Un producteur indépendant de jazz nous confiait récemment que la vente moyenne de ses albums, était aujourd’hui inférieure de plus de 50 % au niveau de la fin des années 90 et que la dépression n’épargnait même pas les grosses pointures.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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