Accusé de génocide et de crimes contre l’humanité, mais aussi des violences perpétrées pendant la guerre en Bosnie, l’ex-chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, s’est vu le 8 décembre 2016 signifié par le procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) une condamnation à perpétuité.

« Le bras armé du nettoyage ethnique »

Jugé depuis 2012, aujourd’hui âgé de 74 ans, le général Mladic a entrepris entre 1992-1995 le « nettoyage ethnique » d’une grande partie de la Bosnie qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés. Il fut pendant cette guerre le bras armé de Radovan Karadzic, le président de la Republica Serbska (l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine) et l’idéologue de la purification ethnique du pays. Ce dernier a été condamné à 40 ans de détention par le TPIY en mars 2015.

Mladic avait été inculpé avant même la fin de la guerre en juillet 1995. Mais il a vécu en cavale pendant près de 16 ans, d’abord au grand jour puis dans la clandestinité jusqu’à son arrestation dans la maison d’un membre de sa famille en Serbie, le 26 mai 2011, et son transfert à La Haye en mai 2011. Son acte d’accusation est lourd de deux chefs de génocide, cinq chefs de crimes contre l’humanité et quatre chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre. Au cours de son procès qui a démarré en mai 2012, 377 personnes sont venues témoigner, plus à décharge (208) qu’à charge (169). Le chef militaire des Serbes de Bosnie répond entre autre du siège de Sarajevo, long de 44 mois, au cours duquel 10 000 civils ont été trouvé la mort, fauchés par des tirs de mortiers et de snijpers effectués des hauteurs qui entourent la ville.

Le réquisitoire

Le procureur Alan Tieger a expliqué devant le TPIY, à La Haye, que Ratko Mladic n’était pas cette « figure marginale » qu’a tenté de défendre son avocat mais qu’il avait été l’un des organisateurs de ces massacres dont celui de Srebrenica, le pire massacre commis en Europe depuis 1945. On sait que 8000 hommes et garçons de Srebrenica, des garçons dont certains avaient douze ans, ont été systématiquement assassinés par les forces serbes. « Ne craignez rien, vous serez évacués en toute sécurité », avait promis Mladic aux musulmans fuyant l’enclave de Srebrenica avant de les exterminer. « Les frontières ont toujours été tracées avec du sang et les États délimités par des tombes » s’était-il vanté lors de la guerre.
« Mladic est arrivé à Srebrenica et a promis que l’heure était venue de prendre une revanche sur les Turcs », a tenu à souligner le procureur. « Ce qu’il s’est passé de municipalité en municipalité n’était pas un effet accidentel de la campagne militaire mais son objectif même», a poursuivi Alan Tiegler. «Le nettoyage ethnique ne semble pas être la conséquence de la campagne militaire mais son but ». « La campagne de nettoyage ethnique a déchiré des familles et des communautés non serbes et laissé derrière elle des mosquées et des églises détruites, des villages musulmans bosniaques calcinés et en ruines, et des charniers », a précisé pour sa part le procureur Arthur Traldi. Pour Alan Tiegler, « il serait irresponsable et un affront à la justice de le condamner à toute autre peine qu’à la prison à vie …/…Le temps est venu pour le général Mladic d’être tenu responsable pour les crimes commis contre chacune de ses victimes et la communauté qu’il a détruite ».

Le mandat du TPIY touche à sa fin

Avec le procès Mladic, le Tribunal Pénal international ex-Yougoslavie met la dernière main à son dernier grand procès. Depuis sa création par l’ONU pour répondre aux atrocités de masse commises en ex-Yougoslavie au début des années 1990, le tribunal a mis en accusation 161 personnes. Outre le procès Mladic, une seule décision reste à attendre de la part du TPIY. Elle concerne le procès en appel de six anciens responsables de l’entité croate de Herceg-Bosna, jugés coupables de crimes contre l’humanité en mai 2013. Les deux autres procès en appel, ceux de Radovan Karadzic (condamné à 40 ans de prison), et Vojislav Šešelj, (acquitté), ont été transférés auprès du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (le MTPI), créé par le conseil de sécurité de l’ONU en 2010 pour achever les travaux du TPIY. Enfin, sept affaires ont été renvoyées vers des juridictions nationales (cinq vers la Bosnie-Herzégovine, une vers la Croatie et une vers la Serbie).

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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