C’est toujours la même antienne, le verre à moitié vide et le verre à moitié plein. On connait la musique. Mais quand le verre est très vide, on ne peut que se réjouir des efforts qui ont été accomplis depuis Copenhague et satisfait du durcissement des objectifs de l’Union Européenne en faveur du climat. Aujourd’hui, le nombre d’accords climatiques est sans précédent et le nombre de pays engagés pour la COP21 ne cesse de grandir.

Quelque chose semble avoir changé sous le ciel chargé des gaz à effet de serre.

D’abord l’opinion. Le grand public semble prendre acte des menaces. Même les Chinois et les Américains ne semblent plus minimiser la gravité du problème. Le président Obama, longtemps discret sur la question est en phase. Il a même déclaré que « nous sommes la première génération qui vit les effets du changement climatique et sans doute la dernière qui peut agir pour en atténuer les conséquences ». Ce dernier a ainsi utilisé la voie réglementaire plutôt que la voie législative, ruinant les velléités du camp républicain opposé à tout traité climatique.

A vrai dire, à part quelques idéologues et conservateurs, plus personne aujourd’hui ne conteste le bien fondé des conclusions du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). Les climato-sceptiques n’osent plus se montrer. Le diagnostic du GIEC est clair : les gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère ont atteint la concentration la plus importante depuis 800 000 ans et la température moyenne à la surface de la planète a augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012.

Autre motif de satisfaction, les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Ces secteurs deviennent peu à peu rentables et compétitifs face aux énergies fossiles et au nucléaire. Les investissements affluent et les producteurs d’électricité sont peu à peu conquis. Tandis que les énergies fossiles elles connaissent des temps plus difficiles avec la réduction du rôle du charbon et la stagnation de la consommation de pétrole.

Reste que le processus de négociation onusien semble épuisé.

Certains pays continuent de poser problème. Si la Chine est devenue le champion du « renouvelable » elle demeure malgré tout accrochée au charbon qu’elle compte utiliser autant que nécessaire et même vouloir augmenter. Mais il lui faudra alors résoudre la pollution de ses villes devenues irrespirables. L’empire du milieu est ainsi responsable de 29% des émissions de gaz à effets de serre. Se pose aussi la question de l’action démocratique sur le climat. Or de nombreuses associations et ONG qui militent pour les initiatives climatiques ont souvent maille à partir avec la Russie et la Chine si elles ne font pas allégeance. La première considère les ONG comme des espions et la seconde emprisonne les avocats des droits de l’homme. Or ces deux nations sont indispensables pour la réussite de la Conférence.

D’autres pays rechignent à contribuer au financement nécessaire chaque année pour endiguer le réchauffement, soit 100 Milliards de dollars. Et puis admettent les troisièmes, il y a d’autres chats à fouetter : le terrorisme, en particulier. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : les ¾ des émissions de Gaz à effet de serre sont le fait de dix pays seulement, les plus puissants en l’occurrence. C’est à eux de faire le gros des efforts.

Une paix climatique universelle?

Toutes ces considérations ne facilitent pas l’édification d’une gouvernance mondiale que souhaite en particulier l’Europe, partisan d’une « Paix climatique universelle » ainsi que le souligne le document « Good Cop21, Bad Cop21 ». La Conférence de Paris sera pour l’UE l’occasion de faire valoir sa position Kantienne de raison et d’universalisme. Un impératif qu’elle n’avait pas su ou pu exprimer lorsqu’elle s’était vue « reléguée au rôle de simple spectateur de l’accord Politique de Copenhague, en décembre 2009, accord rédigé à la dernière minute par les Etats-Unis, la Chine et une poignée de pays en l’absence de Connie Hedegaard, qui était pourtant la représentante de l’UE et présidente de la Conférence », précise Albert Bressand.

Pourtant il faudra bien que l’objectif d’une limitation à 2°C du réchauffement climatique soit tenu. Les modèles indiquent que le réchauffement du climat pourrait s’élever de 1,1 à 6,4°C supplémentaires au cours du XXIème siècle. Autrement dit : catastrophe annoncée. La Conférence du COP21 le 30 novembre, à Paris revêt donc une importance toute particulière. Certains parlent du sommet de la dernière chance. Nous avons peu de temps devant nous. Et pas de plan B à l’horizon.

Un mot résume notre époque : la « transition ».

L’ONG Global Footprint Network et le World Wildlife Fund ainsi que nombre d’experts estiment qu’il faut changer totalement de registre car les processus humains impactent désormais des processus de régénération que l’on croyait immuables. Un autre mot qualifie cet état de fait : « anthropocène ». En plein milieu du mois d’août 2015 nous sommes passés à un stade de l’humanité où nous produisons davantage de carbone que les cycles naturels ne peuvent en recycler pendant l’année en cours. « Il nous faudrait aujourd’hui 1,6 planète pour un développement en phase avec les capacités naturelles ».

Comme le relève un document édité par la Fondation pour l’innovation politique ( Good Cop 21, Bad Cop 21 (Albert Bressand. Octobre 2015) « le changement climatique est aujourd’hui une dimension incontournable de toute analyse du monde. Incendies, inondations et multiplication d’évènements extrêmes d’ont fait entrer dans les préoccupations quotidiennes »

Les citoyens en première ligne

Les citoyens, qui se sont exprimés abondamment depuis quelques mois sur la COP21 représentent un pilier essentiel d’une gouvernance globale plus démocratique. En Europe et en France les initiatives se multiplient pour combattre le réchauffement climatique au niveau des associations, des territoires et des entreprises.

Dans un rapport récent établi par Bernard Guirkinger et Céline Mesquida ( Réussir la conférence climat Paris 2015), le CESE (Conseil économique, social et environnemental) encourage les acteurs de la société civile à aller plus loin dans les efforts pour réduire les consommations d’énergie, consommer différemment et œuvrer en faveur de produits bas carbone. Le Conseil prône le renforcement de la diplomatie climatique, la mesure et la vérification des émissions de GES et le soutien aux populations les plus vulnérables, par l’utilisation plus efficace du Fonds Vert et l’intégration du défi climatique aux politiques d’aide au développement. « Il faut impulser une régulation économique et bancaire à la hauteur du défi climatique, pousser à une plus grande mobilisation des financements privés et préparer une sortie progressive des subventions aux énergies fossiles ». La gouvernance ne sera efficiente, aux yeux des auteurs du rapport, que dans le cadre d’un dialogue social renforcé et le développement d’accords cadre internationaux. Le CESE rappelle aussi le sort des réfugiés climatiques. Il prône le recours aux outils existants en matière de gouvernance des migrations internationales et une gestion anticipée des déplacements et non sous la pression de l’urgence d’une crise, comme c’est le cas aujourd’hui.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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