Personne n’en doute, c’est la maladie qui fait le mal vieillir. « On a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller », écrit Jacques Prévert. La crainte de se trouver en mauvaise santé est omniprésente pour 90 % des Français. Mais l’évolution de la médecine montre que devenir un vieillard cacochyme et grabataire n’est donc pas une fatalité.

(Ce texte est extrait du dernier livre de Yan de Kerorguen, publié en avril 2015, aux Editions Yves Michel, dans la collection Place Publique)

Tout le monde sait bien qu’à partir de 60 ans, le corps se met à penser de travers. La négligence, la génétique, l’accident et voilà que la santé vous joue des tours. Chacun se doute que de grosses tuiles peuvent vous tomber dessus: l’infarctus, le diabète, Parkinson, le cancer. Et puis, telle une épée de Damoclès, la maladie d’Alzheimer ! Les Français espèrent vivre en pleine santé jusqu’à 72 ans1. Ils sont plus de la moitié à estimer que les actions de prévention peuvent retarder l’âge d’entrée en dépendance. Selon qu’on est un jeune senior ou un nonagénaire, évidemment, le sentiment éprouvé à l’égard du vieillissement n’est pas le même. A la crainte de mourir des aînés, s’oppose la vitalité des plus jeunes qui font le nécessaire pour surveiller leurs taux. Au-delà d’une certaine philosophie de l’existence qu’ils affichent dans les pratiques du bien être, leur sérénité s’explique en partie par les immenses espoirs scientifiques. Grâce aux bienfaits de la médecine et surtout à la prévention et au dépistage, la durée d’activité chez les personnes âgées et l’allongement de la durée de vie ont considérablement progressé. La mortalité recule.

Les + 80 ans passeront de 3 millions en 2007 à 6,1 millions en 2035

A vrai dire, le progrès n’est pas tant dans la possibilité que quelques uns atteignent des âges très avancés que dans le fait d’élargir la palette de vieux en bonne forme, mais aussi de réduire les inégalités devant la santé. Un ouvrier vit moins longtemps après 65 ans qu’un cadre. Les agriculteurs et les employés d’usines, usés par un labeur plus pénible, ont une espérance de vie plus courte de six à sept ans que les fonctions d’encadrement. On a peine à le croire : les gens vivaient 25 ans à tout casser sous Louis XIV. Aujourd’hui, on peut atteindre 85 ans sans trop de dommages et avec intérêt. L’espérance de vie a plus que triplé. Après le départ à la retraite, un homme a encore en moyenne une durée de vie de 23 ans, et une femme de 27 ans. Grâce aux progrès dans le domaine sanitaire et social, notre longévité a presque doublé en un siècle. Et cela va continuer. Les projections de l’INSEE font apparaître une nette augmentation de la population des Français de plus de 80 ans qui passera de 3 millions en 2007 à 6,1 millions en 2035 (+104%). Cerise sur le gâteau : les octogénaires de 2035 seront dans l’état de verdeur des septuagénaires d’aujourd’hui. La France est plutôt vernie en cette matière. Imaginez un peu, ces enfants de 3, 4 ans que vous voyez jouer dans les squares. Eh bien, un sur deux vivra centenaire ! Il y a actuellement, dans l’hexagone, 16 200 centenaires. Ils sont encore plus nombreux au Japon. On compte 55 000 obâchan. Mais aucun n’a, jusqu’aujourd’hui, réussi à dépasser le record de longévité détenue par la Française Jeanne Calment, décédée en 1997, à l’âge de 122 ans. Seul, un japonais s’en est approché mais s’est incliné, avant le poteau, à 119 ans! Si les centenaires qui arrivent à des âges canoniques au-delà de 110 ans, restent tout de même rares, ils sont cependant de plus en plus nombreux à franchir la barre des 100 ans. Mourir à 90 ans devient presque banal.

La perspective de vivre longtemps dans une société de centenaires en fauteuil roulant n’est pas forcément un projet réjouissant aux yeux de certains, comme le soutient un ami octogénaire anglais, très angoissé à l’idée de devenir gâteux. Cela lui évoque le Voyage de Lemuel Gulliver chez les Struldbruggs, cette société d’indigents qui ne meurent jamais mais écopent de tous les défauts supposés des vieillards : acariâtres, vaniteux, radoteurs, méchants, envieux, sans compassion. « Ils perdent leurs cheveux, et leurs dents, et le goût de manger. Ils oublient ce qu’ils veulent dire et jusqu’au nom de leurs parents. Leur vue est faible et ils ne peuvent plus lire. Ils connaissent le terrible châtiment de vivre en étranger dans leur propre pays. Bienheureux ceux qui, nés avant la science, avaient le privilège de mourir dès leur première maladie.» L’ami anglais n’est pas le seul à s’inquiéter. Il y a quelques années, un démographe, Jacques Dupâquier, déclarait à l’occasion d’un discours à l’Académie des sciences morales et politiques, « en 2050, la France ressemblera beaucoup plus à un hospice qu’à un gymnase-club.» Faut-il s’alerter de cette prévision pessimiste?

« Il n’a pas d’inquiétude à avoir », conteste Jean-Marie Robine, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Pour ce dernier, la durée de vie sans incapacité est en constante augmentation.2 Nous gagnons en France, trois mois supplémentaires par an. Autant dire que, contrairement aux idées reçues, l’apparition de carences est de plus en plus tardive. L’importance accordée à l’information et à la prévention rend optimiste. La prévention permet de soigner à temps de nombreuses personnes atteintes d’un cancer qui, il y a seulement quelques années, étaient promises à une issue fatale. Une équipe de recherche a récemment pu, à partir d’un examen sanguin, dépister un cancer du poumon naissant d’un patient, sans avoir eu à attendre in extrémis la sanction du scanner. Une application smartphone est aujourd’hui capable de détecter le risque d’un infarctus et de prévenir à temps. Dans tous ces domaines, la marge de progrès est considérable. Quand les ¾ des Français s’estimant mal informés sur les géronto-technologies seront éclairés, alors sans doute la dynamique collaborative naissante sera-t-elle propice au renforcement des investissements nécessaires ? Mais, concrètement, quelles sont les raisons qui permettent d’espérer une vieillesse heureuse ?
Régénérer, cloner les organes, freiner l’usure de l’organisme

Les dépenses de recherche dans le domaine des maladies chroniques telles que les troubles du cerveau, les faiblesses respiratoires, le diabète, les maladies cardio-vasculaires et le cancer sont soutenues, même si on n’en fait jamais assez. Elles devraient favoriser la croissance du marché de la santé dans les années à venir. Tout le monde est sur le pont : ingénieurs, chercheurs, industriels, mais aussi investisseurs. Malgré le manque de moyens chronique, jamais la science n’a été si fertile en découvertes, jamais les technologies n’ont été si prometteuses pour allonger l’espérance de vie.

La génétique joue un rôle important dans la longévité

On comprend désormais mieux les processus de la senescence. Un chercheur américain, Cynthia Kenyon, a fait vivre quatre semaines des vers qui normalement ne vivent que quinze jours, simplement en modifiant certains gènes. Avec le même ver C Elegans, lequel est capable de s’autoféconder et de se reproduire très rapidement, des expériences développées par une équipe scientifique lyonnaise sont parvenues à rendre compte de ce modèle animal, permettant de mieux comprendre le vieillissement et d’envisager de nouvelles manières de lutter contre. Des observations effectuées sur le gène Klotho, découvert par des chercheurs japonais, ont montré que cette protéine est capable de ralentir les effets du vieillissement. Si on augmente l’expression du gène chez des souris transgéniques, l’espérance de vie croit significativement.

Ces leviers génétiques débouchent sur de nouvelles voies thérapeutiques permettant de diminuer les effets négatifs du vieillissement. Grâce à la connaissance du génome humain les avancées sont très rapides. Le génome permet de mieux comprendre le fonctionnement du corps, et donc de mieux déterminer les pathologies existantes. Avec le séquençage de l’ADN, rendu possible par les données informatiques et la biologie, le cancer qui nécessite un nombre incalculable de data à analyser, devrait être maîtrisé d’ici 2030. C’est du moins ce qu’affirme un médecin entrepreneur, Laurent Alexandre, président de DNA Vision, un laboratoire de séquençage de l’ADN. Un point de vue très discuté mais qui créé l’espoir que les générations futures pourraient profiter pleinement des avancées des thérapies géniques. Dans un autre domaine, tout aussi contesté mais plein d’espoir, aux yeux de certains, est le rôle bénéfique potentiel de la fameuse DHEA. Cette hormone découverte par Etienne-Emile Baulieu, en 1960, et secrétée par les glandes corticosurrénales, situées au niveau des reins, pourrait changer la vie de nombreux seniors sans risque pour la santé. Les gens qui bénéficient d’un bon taux de DHEA vieillissent moins vite, ont une peau et des os en meilleur état et leur libido est améliorée. Considérée comme un véritable élixir de jeunesse, elle est vendue à l’heure actuelle aux Etats-Unis et sur internet en tant que complément nutritionnel, mais ses vertus ne sont pas encore véritablement prouvés scientifiquement. Autre source de jouvence controversée, l’alimentation à base d’antioxydants (qu’on trouve dans des légumes, des fruits, certaines huiles, céréales, etc.). Ils peuvent freiner l’usure de l’organisme en le faisant fonctionner au ralenti. Ces antioxydants constituent une véritable défense contre le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc., car ils s’attaquent à l’excès de radicaux libres, ce stress oxydant qui endommage les parois de nos cellules et de nos protéines.

Des molécules mises au point dans les laboratoires sont capables de neutraliser le vieillissement des tissus. Grâce à la médecine régénérative, les chercheurs espèrent assez vite remplacer des organes humains défectueux à partir de cellules souches et de traiter des pathologies qu’on pensait ne pas pouvoir guérir. Il est en effet désormais envisageable de « reprogrammer » des cellules adultes en cellules souches ce qui permettrait une « auto-réparation » des organes. A l’Inserm, des médecins chercheurs français ont ainsi reprogrammé des cellules de personnes âgées en gommant les traces du vieillissement. Une équipe américaine a récemment réalisé l’exploit de régénérer partiellement la moelle épinière de malades victimes d’un AVC (accident vasculaire cérébral). Le stockage des cellules souches est déjà en cours. L’entreprise française Cellectis offre déjà cette possibilité. Avec la découverte des cellules souches dites « pluripotentes », (parce qu’elles sont capables de générer tous les types de cellules présentes dans l’organisme : cardiaques, hépatiques, pulmonaires), il devient théoriquement possible de fabriquer un être humain entier à partir d’un morceau de peau. Cultivées en laboratoire depuis plus de quinze ans, il est déjà possible de « fabriquer » des muscles, des cartilages, des cellules rétiniennes, et même un foie entier en bon état de marche.

Electronique et internet au service de la santé

Stimuler la mémoire, augmenter les capacités musculaires, transfuser du sang « jeune » pour « inverser » le processus de vieillissement, rétablir le sens du toucher, débarrasser l’organisme des parasites, remplacer des morceaux d’ADN déficients, nettoyer les artères encrassées de cholestérol, prévenir des allergies par l’analyse de la nourriture en train d’être consommée… le champ des possibles offert par les technologies est large. Les prothèses électroniques peuvent désormais remplacer les membres défaillants. Déjà, certaines personnes à handicap profitent de bras artificiels, qu’on peut contrôler par la pensée via des électrodes directement implantées dans les muscles et les nerfs. Le cœur profite de ces formidables progrès. La première implantation d’un cœur artificiel bio-prothétique, fabriqué par la société Carmat, a été effectuée récemment sur deux patients à l’hôpital parisien Georges Pompidou. Les appareils comme l’IRM ou les scanners rendent possibles des opérations de plus en plus complexes avec une précision impensable il y a seulement vingt ans. Un réel intérêt s’est focalisé autour de la nano-médecine qui devient le fer de lance de la médecine de demain. Désormais, à l’aide de nano-moteurs, on peut se déplacer in vitro à l’intérieur du corps, et cibler des tumeurs pour injecter des doses d’insuline. Grâce à la technique appelée nanoXray qui permet de renforcer l’action des rayons X sur les cellules cancéreuses, le dosage et le ciblage de la radiation permet d’éviter les dégâts collatéraux sur les tissus sains. Cette innovation pourrait prolonger le taux de survie des malades atteint du cancer du colon, du foie ou de la prostate. D’ici 2016, le secteur de la nano-médecine pourrait s’élever à environ 130 milliards de dollars.


Autre secteur en plein boom ce qu’on appelle la M-santé.

Ce marché qui comprend la téléassistance, la surveillance et la collecte de données à distance, le suivi des épidémies, le diagnostic et le traitement de soutien, et plus généralement tous les services et produits de santé disponibles en permanence, via des objets connectés, commence à se structurer. Le recours à ces nouvelles solutions mobiles se démocratise de plus en plus. D’après un rapport publié par le cabinet Pricewaterhouse Coopers3, l’Union Européenne pourrait augmenter son PIB de 93 milliards d’euros en 2017, grâce au déploiement de la technologie mobile dans le domaine de la prévention des problèmes de santé et l’amélioration des soins. Cela permettrait à la France d’économiser 11,5 milliards d’euros. En 2015, un demi-milliard d’individus dans le monde bénéficieront des applications de l’assistance santé comme, par exemple, le contrôle de son activité physique, de son pouls, de son sommeil, mais aussi le diagnostique de ses symptômes ou l’évaluation des calories ingérées, grâce à l’accès internet sur petit écran disposé à proximité ou sur smartphone.

Le partage de données informatiques de santé suscite l’adhésion d’une large majorité d’opinion favorable. Quatre Français sur cinq y voient un facteur d’amélioration de la qualité du traitement du patient, ainsi qu’une aide à une prise en charge plus rapide et à une meilleure efficacité administrative. Selon le Baromètre Santé 2013 Deloitte / Harris Interactive (op.cit.), près d’un Français sur deux (49%) accepterait, par ailleurs, la consultation et la prescription par internet. 35% des Français sont prêts à augmenter leurs cotisations à l’Assurance Maladie. La prise de conscience et la maturité des publics en matière de santé seraient-elles en train de se faire ?

Pour les Français, la relation entre santé et objet connecté est ainsi devenue une évidence. 11 % des Français possèdent au moins un objet connecté. La moitié d’entre eux l’utilisent principalement pour surveiller ou améliorer leur santé. On estime à 15 milliards le nombre d’objets connectés aujourd’hui et à 80 milliards en 20204. Cet ensemble d’avancées sur les objets connectés liées à la santé, parmi lesquels le smartphone, la tablette et autres applications, permettent, en tous les cas, d’entrevoir une redéfinition du rôle de l’hôpital. La M-santé, les réseaux d’hospitalisation à domicile, les traitements prescrits grâce aux technologies telles que les implants de puces, les vêtements thérapeutiques, les bracelets électroniques transforment le champ de l’administration de la médecine. Du fait de cette multiplication des réseaux et des objets intelligents, « l’hôpital deviendra un pôle spécialisé avec une centralisation des plateaux techniques. La technologie permettra de sortir certains actes de l’hôpital. Les structures et processus de prise en charge seront davantage segmentés »5 indique l’European Institute for Heath, association internationale à vocation prospective dans le domaine de la santé.

L’accompagnement santé n’est pas que médical, il est sociétal.

Si par nécessité, on peut afficher un certain optimisme sur l’avenir de la santé, le « vieillir bien » a encore d’importants combats à mener. On l’a évoqué plus haut, la hantise des personnes qui arrivent à un certain âge porte un nom: la maladie d’Alzheimer. Elle est sans doute le mal le plus déroutant car elle représente l’archétype médiatique du vieillard, un symbole de déchéance et d’isolement social dont les contraintes et l’image négative dans la société font souffrir les familles autant que les malades eux-mêmes. Alzheimer se caractérise par la destruction progressive des neurones et donc la perte de mémoire, la perte de liberté de mouvement et la disparition progressive des repères d’identité pour la personne qui en est atteinte. 850 000 personnes en France et 35 millions dans le monde sont atteints par cette maladie neuro-dégénérative.

Un véritable phénomène de société qui implique non seulement la médecine mais aussi l’éducation, la culture, la solidarité, comme le montre un magnifique film récemment diffusé dans les salles. « Flore » raconte l’histoire d’une femme qui subit de lourds traitements à base d’anxiolytique et de somnifères dont les effets sont inefficaces. La placer en psychiatrie, en milieu fermé, dans une chaise roulante ? Non, cela sera pire encore, se résoud son fils qui décide d’installer cette mère aimante et gaie dans la maison familiale en Corse. Les médicaments sont supprimés et Flore retrouve la joie de vivre et l’appétit. Belle leçon d’humanité ! Ce récit émouvant montre que si cette terrible maladie d’Alzheimer ne se guérit pas, on peut cependant essayer de vivre avec. Mais qu’en disent les malades eux-mêmes ? Comment perçoivent-ils leur vie, leurs activités, et qu’en pensent les proches qui les entourent ? Comment les aider?

« Un des problèmes de notre société, observe Annie de Vivie (Voir Interview dans la partie Eclairages), créatrice du site internet Agevillage, dont les réseaux d’aidants apportent des messages d’espoir, c’est que tout le monde est persuadé qu’il va finir avec un Alzheimer ». Pourtant, à y regarder de près, on s’aperçoit que huit vieux sur dix vivent bien, sans Alzheimer. Nous avons tous des petits handicaps, des petits soucis. Nous sommes certes moins performants, plus lents, mais huit sur dix sont debout, autonomes, et ont une vie sociale. Pour Agevillage, comme pour la Croix-Rouge française qui a réalisé une enquête sur le vécu quotidien des personnes atteinte d’Alzheimer, il est essentiel de reconnaître l’identité de la personne malade dans sa dignité, d’assurer la sécurité des personnes sans restreindre leur liberté, et ainsi d’améliorer la qualité de vie au quotidien de la personne et de ses proches. Le développement des Halte Répit Détente Alzheimer et des Equipes Soins Alzheimer mis en place par la Croix Rouge française vont dans ce sens. Un autre témoignage illustre cette démarche, celui de Colette Roumanoff, metteur en scène et directrice de troupe de théâtre. Suite au diagnostic de son mari, elle ne se résigne pas. Elle témoigne que l’affectif, l’émotion, l’intelligence, ne sont pas affectées par la maladie, au contraire. Elle prouve, par l’exemple, qu’en donnant à son mari la possibilité de rendre service, d’être utile, qu’ « il est possible de vivre et de bien vivre avec cette maladie ». Il demeure, comme l’indique la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau (FRC) que faute de moyens, « les innovations thérapeutiques concernant les maladies du cerveau, telles que la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, restent au point mort depuis trop longtemps ». D’où la nécessité affirmée d’aider la recherche pour favoriser une meilleure compréhension du cerveau et de son fonctionnement, permettre la découverte de nouveaux traitements et médicaments, mieux soigner et à terme guérir les maladies du cerveau.

Vivre 120 ans ou plus ?

Cet ensemble d’évolutions conduisent certains à penser, comme le sociologue Yves Michaud que « Vivre 120 ans pourrait devenir banal »6. Penser cela est-il raisonnable? La vie humaine est-elle devenue extensible à merci ? Avons- nous les moyens de devenir immortels ? Pourra-t-on vivre tant d’années? « Ma conviction est que certains d’entre vous vont vivre mille ans » n’a pas hésité à annoncer Laurent Alexandre, le président de DNAVision (op. cit. lors d’une Conférence TED). « Oui » affirment de concert, le bio-informaticien britannique Aubrey de Grey, qui a mis au point un catalogue de recettes anti-senescence, ainsi qu’un expert en intelligence artificielle de chez Google, Ray Kurzweil, qui affirme tout de go que « nous aurons les moyens d’arrêter et même d’inverser le processus de vieillissement dans les deux prochaines décennies ». Échapper à la mort, est une quête prométhéenne vieille comme le monde. D’autres vont encore plus loin en prédisant, comme Martine Rothblatt, fondatrice de l’entreprise biomédicale United Therapeutics, que « nous allons pouvoir transcender la biologie » et « sortir de notre condition humaine», par une fusion de l’homme avec la machine pour devenir un bioelectric human dont l’ADN serait remplacé par un composant électronique contenant son identité mentale (pensées, états d’âme, souvenirs..). La démographie devra-t-elle revoir à la hausse ses calculs ?

On n’en est pas là. Ces spéculations sur l’immortalité et le rallongement de l’existence sont extrêmement décriées par la communauté scientifique. Cinquante scientifiques, parmi les plus réputés, ont publié un manifeste dans la revue Scientific American pour rappeler qu’« aucun traitement ne peut se targuer de ralentir ou d’inverser le processus de vieillissement ». Même ceux qui ont, durant leur vie entière, entretenu leur forme, tels les sportifs, aucun n’a, à ce jour, dépassé les 110 ans. Pour la médecine gérontologique, ce plafonnement signifie qu’il existe une barrière physiologique en voie d’être atteinte, à la croisée des interactions entre un patrimoine génétique constant et un environnement qui se dégrade. C’est ce que révèle une étude publiée par des scientifiques de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport7. Leur découverte confirme les arguments en faveur d’une durée de la vie limitée. Eric Le Bourg (op. cit.) va dans le même sens. « Il serait temps d’accepter que nous entrons dans une période historique où les gens vivent vieux et de s’y adapter de bonne grâce, car voilà peut-être le défi de la vieillesse : l’âge de la vieillesse reculant constamment, il faut « gérer notre société en acceptant que la population comptera bientôt autant de vieux que de jeunes. Cela implique de ne pas licencier les salariés à la cinquantaine, de ne pas condamner les futurs retraités à la pauvreté qui était leur lot dans les années d’après-guerre, et de considérer comme une évidence le fait que les anciens ont et auront droit à une vie normale » (op. cit. Eric Le Bourg)

Le coût de la longévité

De nombreuses personnes âgées vivront une partie de leur vieillesse avec des soins à prendre. Et cela a un coût. En raison de l’importance de prise en charge des personnes dépendantes et fragiles, la santé est le premier poste de dépense en Europe. En France, plus de 12% du Produit National Brut est formé par les investissements en santé. Les dépenses de santé représentent 10%. Ils représenteront 25% en 2050. Les soins de santé vont s’accroître de manière significative prévoit la commission européenne. L’Union Européenne estime que, d’ici 2060, l’augmentation des dépenses s’élèvera à 5,5% du PIB en Allemagne, 3,7% en France et 3,3% en Grande Bretagne. Les spécialistes du vieillissement ne cessent de le répéter : c’est le capital santé constitué et accumulé tout au long de son existence qui prépare au bien vieillir. L’attention croissante qu’accordent les ménages européens à la préservation de leur « capital santé », et les investissements qu’ils sont prêts à consentir pour conserver la forme constitueront de plus en plus une composante importante du « vieillir bien ». Beaucoup d’efforts demeurent à entreprendre. Il y a plus de 70 ans, en 1930, un chercheur de l’Institut Pasteur, Serge Métalnikoff, prônait déjà la création d’un Institut de recherche spécialement dédié au vieillissement. Ce n’est qu’en 2002, qu’en France, un tel centre de recherche a été créée.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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