Les objets constituant « l’Internet des objets », qualifiés de « connectés », « communicants » ou « intelligents », pourraient être entre 50 et 80 milliards dans le monde d’ici 2020.

On en dénombre aujourd’hui près de 15 milliards.
Internet est devenu en quelques années le vecteur principal de diffusion de l’information.
Il s’est imposé dans de nombreux domaines comme une infrastructure essentielle pour les individus, les entreprises et les institutions. Toutefois, ses capacités d’extension, au-delà des seuls ordinateurs et terminaux mobiles, sont encore considérables car il devrait permettre l’interaction d’un nombre croissant d’objets entre eux ou avec nous-mêmes. Internet se transforme progressivement en un réseau étendu, appelé « Internet des objets », reliant plusieurs milliards d’êtres humains mais aussi des dizaines de milliards d’objets.

Des domaines encore relativement peu affectés par Internet, comme la santé, l’habitat,
l’automobile, l’assurance, seront bouleversés par cette mutation du réseau : une compétition
économique redoutable devrait avoir lieu dans les prochaines années, non seulement pour la
maîtrise des plateformes, mais aussi pour le partage de la valeur entre acteurs économiques
traditionnels et nouveaux venus issus du secteur numérique.

Cette évolution soulève de nombreuses questions relatives à la croissance économique
et aux mutations sociales qu’elle entraînera, mais aussi aux libertés individuelles et à la souveraineté nationale. Pour que la France et l’Europe soient pleinement acteurs de cette révolution, il faut faciliter l’expérimentation de projets, créer une plateforme ouverte dédiée
aux services publics pour l’Internet des objets, faire de la sécurité et de la protection de la vie privée un avantage concurrentiel, soutenir les industriels européens dans la standardisation
de leurs technologies et renforcer la présence européenne au sein des instances de normalisation.

Le développement récent des objets connectés grand public montre que nous sommes parvenus à un point de basculement : dans certains secteurs, la « restructuration par l’usage » conduit les acteurs du numérique à capter une partie de plus en plus importante de la valeur ajoutée du produit ou du service. Cette mutation est déjà en cours dans la culture, le tourisme, l’audiovisuel et elle se dessine dans les transports ainsi que dans la santé. Même si la France est actuellement bien positionnée en termes de conception des objets connectés, l’absence de plate- formes numériques européennes autour desquelles articuler leur diffusion et leur utilisation va poser rapide- ment la question du partage de la valeur et de la survie des activités historiquement établies en Europe.

L’internet des objets de quoi s‘agit-il précisément ?

Il s’agit de capteurs d’information interconnectés qui se déploient dans plusieurs types d’environnement : l’espace professionnel, l’espace public, l’espace privé.

1. Dans l’espace professionnel

Les chaînes de logistique et de distribution ont été les premières à intégrer des puces électroniques dans les produits afin d’en assurer la traçabilité et d’optimiser leur activité, notamment les opérations de maintenance et les consommations d’énergie. Certaines testent même la mise en place de balises communicantes en magasin (iBeacon) pour transmettre à un client des informations personnalisées et le guider dans son achat.
Plus généralement, l’Internet des objets est un moyen pour les entreprises de rationaliser leurs processus internes : les informations collectées sur les motivations d’achat, le niveau de satisfaction du service rendu, ou les déplacements du client en magasin, par exemple, guideront la stratégie commerciale. Dans le domaine de la production, les « usines connectées », désignées en Allemagne comme « l’Industrie 4.0 », aux États-Unis comme la Smart Manufacturing, ou appelées en France « l’usine du futur », deviendront une référence incontournable au cours des prochaines années.

2. Dans l’espace public

Plusieurs villes (Songdo en Corée du Sud ; I-City en Malaisie) déploient des technologies de l’Internet des objets pour répondre aux défis énergétiques et d’aménagement urbain. Dans ces villes, l’éclairage, le trafic, la collecte des déchets, la qualité de l’air, la distribution des fluides sont analysés et optimisés en permanence. La gestion des services publics se conçoit de manière plus prédictive et automatisée, grâce aux informations collectées par les capteurs introduits dans l’espace public, puis transmises aux systèmes d’information de la ville. Les services urbains gagnent ainsi en efficacité : les transports deviennent plus fluides, l’éclairage urbain optimisé et l’exposition à la pollution moindre.

3. Dans l’espace privé

La diffusion des objets dans l’espace privé est plus incertaine : les objets connectés commencent à s’insérer dans la vie courante individuelle, soit pour mesurer les paramètres individuels de santé, à travers les « dispositifs prêt-à-porter », soit pour aider à mieux appréhender l’environnement — domicile, automobile, bureau, etc. Mais une majorité de personnes voit pour l’instant peu d’utilité pratique à ces objets connectés.
Les bracelets et les montres connectés illustrent particulièrement cette faible attractivité des usages, les utilisateurs les délaissant car rapidement jugés désuets3. Les objets connectés dans la maison ont aussi fait l’objet d’initiatives jusqu’à présent peu concluantes, tel que le réfrigérateur connecté. La clef sera certainement de rendre l’usage attractif et simple d’accès.

La forme exacte que prendra le secteur de l’Internet des objets est loin d’être écrite.

La convergence avec les nanotechnologies, les biotechnologies, l’intelligence artificielle et la robotique aura un impact non négligeable sur son évolution. De nombreuses PME françaises cherchent à prendre position comme le montre la forte présence des start-up françaises au CES de Las Vegas. Les moyens financiers mis en œuvre aux États-Unis ou en Chine sont néanmoins considérables.

Le développement récent des objets connectés grand public montre que nous sommes parvenus à un point de basculement : dans certains secteurs, la « restructuration par l’usage » conduit les acteurs du numérique à capter une partie de plus en plus importante de la valeur ajoutée du produit ou du service. Cette mutation est déjà en cours dans la culture, le tourisme, l’audiovisuel et elle se dessine dans les transports ainsi que dans la santé. Même si la France est actuellement bien positionnée en termes de conception des objets connectés, l’absence de plate- formes numériques européennes autour desquelles articuler leur diffusion et leur utilisation va poser rapide- ment la question du partage de la valeur et de la survie des activités historiquement établies en Europe.

En France, si de nombreuses actions ont déjà été engagées, elles doivent être amplifiées, coordonnées et prolongées à l’échelle européenne, pour assurer le développement d’un Internet des objets ouvert, interopérable et répondant aux besoins en matière de protection des données personnelles et de sécurité.
Afin de favoriser le développement large et souverain de l’Internet des objets en France, mais aussi en Europe, France Stratégie propose de :

 faciliter les expérimentations à travers la mise en place d’un « droit à l’expérimentation » dans le domaine de l’Internet des objets ;

 créer une plateforme ouverte dédiée aux services publics utilisant l’Internet des objets ;

 faire de la sécurité et la protection de la vie privée un avantage concurrentiel ;

 soutenir les industriels européens dans la standardisation de leurs technologies ;

 renforcer la présence européenne au sein des instances de normalisation.

* Ces éléments sont extraits de la Note d’analyse 22 de France Stratégie – Demain, l’Internet des objets. Auteur: Mehdi Nemri

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ETUDE, Le Magazine, Sciences et société

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