Nos sociétés connaissent plusieurs types de propriété. D’une part la propriété publique (entreprises publiques, patrimoine national,…) qui est un élément de cohésion sociale. D’autre part, la propriété privée dans toute sa pluralité (collective ou individuelle). A l’heure où se pose avec âpreté la question de l’appropriation collective des ressources et des biens communs (eau, terre, ressources naturelles…), la manière de les faire évoluer constitue l’un des défis majeurs du futur. Cette nécessaire évolution implique une rupture radicale avec le système traditionnel, actionnarial ou patrimonial. L’enjeu consiste à mettre en place une forme de propriété universelle des biens communs, à la fois privée et collective, que l’on trouve dans les formes de propriété coopérative et mutualiste reposant sur les réserves impartageables qui définissent l’économie sociale.

Concrètement, il s’agit de repenser un nouveau code de la propriété reposant sur une nouvelle conception de la propriété privée incluant la propriété collective L’intérêt de cette approche juridique est de pouvoir présenter une panoplie de formes de propriétés offrant un véritable choix. Cette nouvelle propriété ou propriété choisie renvoie à la liberté de choix.

Le prospectiviste Jeremy Rifkin parle du passage d’une économie de la propriété à ce qu’il appelle « un âge de l’accès » dont internet est le véhicule et dont les générations qui ont grandi avec le web font l’expérience naturelle quotidienne. Sur ce modèle des logiciels libres et de l’ open source, l’objectif consiste à étendre la notion de propriété collective à de nouveaux secteurs d’activité, comme par exemple les semences libre, les biens communs et les services d’intérêt général comme le contrôle collectif des eaux dans les villes (SCIC), …../….ou encore le partage de la créativité, du savoir et des compétences, et même des biens et services en vue de l’intérêt commun.

Cette notion de propriété choisie débouche à fortiori sur une nouvelle conception des modèles de financement dont les rendements ne seraient plus spéculatifs (les fameux 15%) mais incitatifs. Des libertés seraient ainsi offertes pour des placements équitables ou à rendement social, à des taux moindres dont la contrepartie serait par exemple de payer moins cher. Plusieurs expériences témoignent pour cette propriété choisie et laissent entrevoir un avenir prometteur.

Exemple : Terre de Liens. Cette association qui acquiert et transmet des terres sous forme collective favorise une implication forte de la société civile, en réinventant de nouvelles formes de gouvernance territoriale basées sur la responsabilité et la collecte d’épargne solidaire, dans laquelle la spéculation foncière ne peut se développer. L’association permet aux agriculteurs de conserver leur terre et d’alléger le poids du foncier dans un système de partage. Ces derniers s’engagent à avoir des prix équitables ou acceptables et de soustraire les terres à des usages impropres au niveau écologique et social dans ce système.

Cette propriété choisie est susceptible de redéfinir des nouveaux liens d’échange monétaire mais aussi bancaire. Un autre exemple est fourni par le « banking social ». Mêlant l’internet social et le prêt entre particuliers, le marché des prêts « de pair à pair » dans lequel prêteurs et emprunteurs se retrouvent sur une plateforme en ligne pour y concrétiser un accord, forme un exemple de propriété choisie, permettant à des particuliers de s’affranchir de toute intermédiation bancaire. L’économie sociale à travers la mutualisation et la coopérative a généré de tels systèmes de propriété privée partagée. Le développement d’internet offre à ces coopérations un instrument de développement de grande ampleur. Mais pour qu’elles acquièrent leur légitimité, il faudra toutefois que ces coopérations numériques ouvertes, écartent toute naïveté et mettent en place des instruments de régulation et de confiance permettant d’assurer la transparence et d’apporter des règles de garantie.

* Ce texte est un chapitre extrait d’un livre écrit en collaboration avec Yan de Kerorguen : « Sociétale démocratie : un nouvel horizon » . Editions Lignes de Repères

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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