Des objectifs en attendant les moyens ? Les sentiments sont partagés après le vote en première lecture au Palais-Bourbon du projet de loi « relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ».

Enfin… Un certain soulagement est indéniable chez les tenants du changement sur le terrain énergétique. Il est vrai que le projet de loi voté facilement par l’Assemblée Nationale à la mi-octobre constitue une victoire –fait appréciable sur le plan strictement politique- pour le gouvernement après tant de tergiversations depuis que la transition énergétique avait été affichée comme une grande cause dès l’élection de François Hollande en mai 2012. Le débat devant le Parlement avait été repoussé au-delà des échéances électorales du printemps pour éviter –ou au moins amenuiser- l’impact d’un texte trop timide sur le vote écologiste.

Aménagé avec une réelle habileté par Ségolène Royal- troisième ministre de l’Ecologie depuis 2012- le texte a réussi à emporter globalement l’assentiment des alliés Verts du Parti Socialiste sans pour autant décevoir les partisans du nucléaire et les industriels des énergies renouvelables. Une autre façon d’analyser ce résultat serait de dire que le réalisme et le sens politique de l’ex-candidate à l’Elysée l’ont emporté sur son militantisme écologiste (on se souvient peut-être qu’elle détenait ce maroquin ministériel voici 20 ans). Une autre illustration de ce « réalisme » a d’ailleurs été donnée par la ministre avec l’abandon de l’écotaxe –mesure adoptée par l’ensemble des formations politiques en 2007- annoncé le jour-même du vote positif du projet sur la transition énergétique.

Quid des moyens ?

Force est de constater que le projet tel qu’il a été voté par les députés en première lecture –le texte passera au Sénat en février- retient des objectifs relativement précis en termes de réduction de la consommation énergétique (baisse de moitié entre 2012 et 2050), de croissance des énergies renouvelables ( leur part dans la consommation globale monterait de 14 % en 2012, année de référence, à 23 % en 2020 et 32 % en 2030), et enfin, sujet des plus sensibles, le repli de 75 % à 50 % en 2025 de la contribution du nucléaire dans la production d’électricité. Sur ce dernier point, on se doit de relever que, pour ne pas brusquer les pro-nucléaires, le gouvernement a ajouté un autre engagement, celui de respecter un plafond de la production nucléaire installée à son niveau actuel de 63,2 Mégawatts.

Peut-on avancer pour autant que la France « se donne les moyens d’être un pays d’excellence environnementale » et prépare l’après-pétrole en instaurant, pour reprendre toujours les termes officiels, un modèle « plus robuste et plus durable » ? Si les objectifs semblent ambitieux-et apparaissent comme une volonté de Paris de faire bonne figure avant d’accueillir le Sommet mondial sur le climat à la fin 2015- les moyens de les atteindre restent à définir. Ex-fidèle de Ségolène Royal et également ex-ministre de l’écologie, Delphine Batho n’a pas manqué de le relever. L’accent mis sur la rénovation de l’habitat et l’isolation des nouveaux logements nécessite à l’évidence des mesures financières (allègements fiscaux, subventions…) qui ne semblent guère dans l’air du temps. Or c’est bien là une des clés de la réussite de cette sobriété énergétique qui est au centre de cette stratégie pour le changement. Quant au nucléaire, rien ne semble indiquer aujourd’hui que la responsabilité finale de fermer (Fessenheim) ou de prolonger des centrales puisse être ôtée à l’exploitant (EDF).

Des citoyens sensibilisés

Reste que sur le terrain la sensibilisation des citoyens aux idéaux écologistes progresse de jour en jour. Le débat organisé en 2013 dans les régions, première étape de la préparation de la loi de transition énergétique, avait bien mis à jour ces préoccupations et révélé aussi la profusion de projets locaux engagés ou envisagés. Sur le terrain, les initiatives portées par des associations, soutenues par des collectivités, construisent à petites touches, un nouveau paysage énergétique. Là réside peut-être la chance d’un changement.

Le marché, lui aussi, pourrait jouer un rôle positif. Le renforcement des normes de sécurité pour les centrales nucléaires, conséquence directe de la catastrophe de Fukushima, tend à entamer sérieusement l’avantage financier dont dispose le nucléaire par rapport aux énergies renouvelables dans le processus de production de l’électricité. Il est ainsi permis d’espérer que la France échappera au « modèle » allemand qui se traduit notamment –en résumant à gros traits-par une électricité plus chère pour les ménages- pénalisés par rapport aux entreprises- et une explosion des émissions de gaz à effet de serre, résultante de l’arrêt décrété du nucléaire et du retour des centrales au charbon.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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