L’ascenseur social est-il définitivement bloqué ? Non, et le réparateur viendra probablement de l’industrie numérique. C’est une réalité : le baromètre PISA de l’OCDE a déposé le bonnet d’âne de l’inégalité scolaire sur la tête de notre pays. L’école est une organisation coûteuse et malheureusement parfaitement organisée pour accentuer les inégalités sociales (voir le rapport accablant du CEREQ: Refondons l’école de la République).

En toute bonne foi, nous avons collectivement cru au principe du concours républicain. Le résultat est là : le niveau général s’abaisse continuellement. Serons-nous plus compétitifs à l’avenir avec des citoyens de moins en moins bien formés ? Le marché du travail est-il en état de délabrement avancé ? Il faut ici y voir une opportunité, et non un problème. Le « One size fits all » (taille ou pensée unique) a vécu : ajustons éducation et formation aux spécificités des enfants d’aujourd’hui, et du monde de demain. Trente ans d’entêtement, cela suffit !

La révolution de la Donnée a besoin de jeunes formés et passionnés. Peut-elle se dérouler sans la France ? Il est sûr que non. Mais la vitesse des évolutions numériques ne nous permet pas de tergiverser. Il est vital de prendre ce virage afin de ne pas laisser la place aux seuls géants américains. La bataille qui se joue au niveau mondial impose que nous donnions aux managers du secteur les moyens de leur ambition. À eux de faire preuve de pugnacité, d’inventivité et de compétences. À la société dans son ensemble de former les jeunes talents dont nous aurons besoin demain. L’excellence mathématique française, et sa kyrielle de Médailles Field, constitue notre atout majeur. Mais cela ne sera pas suffisant ! Les enjeux sont tels que personne (et encore moins les géants de web) ne nous fera de cadeau. Nous disposons enfin d’un secteur où nous avons les moyens de les affronter à armes égales, avec même un léger avantage.

Les principales innovations du traitement des données massives vont très rapidement voir le jour. Les premiers ingénieurs européens, formés par l’unique Chaire européenne de Big Data, vont sortir sur le marché du travail, et pas n’importe où, à Paris ! La commission INNOVATION 2030, dirigée par Anne Lauvergeon, a immédiatement identifié le Big Data comme une des ambitions capitales pour notre pays. Le Big Data va améliorer notre compétitivité, bousculer le modèle de création de valeur des années 2000, et nous faire entrer dans un nouveau régime de croissance forte. Il s’agit donc d’une occasion rêvée pour notre pays de « reprendre la main », et de retrouver la place qui lui revient.

Certaines industries en perte de vitesse pourraient devenir leaders. Les entreprises du Big Data sont par exemple à même de redonner à la France un avantage dans le domaine du marketing, de la santé ou même du déplacement automobile. Rien que dans ces secteurs, nous pourrions réaliser d’énormes économies, réduire l’impact écologique et même révolutionner la sécurité routière. Générer, en France, des leaders mondiaux est à portée de main ! Pour ce faire, nous aurons besoin de bras, d’imagination, de compétences et d’esprit d’entreprise, ce dont nous ne manquons pas. Nous parlons ici, uniquement pour ce domaine (l’automobile), de dizaines de milliers de vies sauvées et d’emplois pérennes.

Les recettes qui ont fait la preuve de leur inefficacité doivent être remisées au « Musée des Spécificités Françaises ». Recentrons maintenant la formation et l’approche administrative, non plus sur la norme, mais plutôt sur le respect de situations particulières et sur la quantification de nos décisions sur le monde réel (grâce aux « Data Driven Decisions » par exemple). Ce pragmatisme doit s’imposer partout où des principes généraux (et faussement généreux) ont démontré leur inefficacité, voire leur dangerosité.

Alors de grâce, apôtres de la « décroissance », gourous du « ça ne marchera jamais » ou déprimés chroniques de la « croissance molle », taisez-vous ! Nos chances de reprise économique ne sont pas minces. La foi en l’innovation, l’acceptation de la culture du risque et un système éducatif clairement orienté vers l’émergence de talents de l’industrie numérique font et feront de la France une zone majeure d’innovation. De surcroît, l’Education Nationale retrouvera sa fonction de creuset national, d’espoir réel pour la jeunesse et nous forgera ainsi un destin commun.

Les jeunes générations savent que la technologie permet, avec peu de moyens financiers, de créer rapidement une entreprise, et une entreprise rentable. Venez donc visiter les accélérateurs, les pôles de compétitivité, les rencontres d’entrepreneurs… Vous y découvrirez des raisons de sourire et d’y croire! Nous avons déjà perdu des batailles cruciales. Perdre celle-ci serait assurer la poursuite de la dégringolade de notre pays, au niveau mondial, pendant encore de nombreuses années.

Le Big Data est une chance, il peut réparer l’ascenseur social. Alors, n’hésitons plus et saisissons-la !

*co-fondateurs d’Ellis-Car

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ECONOMIE

Etiquette(s)

, , , ,