Le 25 mai prochain, 380 millions d’électeurs européens des 28 pays membres devront renouveler dans les urnes les 751 députés européens du Parlement de Strasbourg. Ces premières vraies élections européennes sont décisives car c’est de l’avenir de la stabilité en Europe dont il s’agit. C’est l’année du renouvellement de toutes les institutions européennes. Et surtout, le Parlement européen va voir son influence grandir !

Un mois plus tard, le 27 juin, ce sera le début, par le Conseil européen, du processus de renouvellement du Président de la Commission européenne, du Haut Représentant pour les Affaires étrangères et du Président du Conseil européen.

Le 1er Juillet interviendra l’élection du Président du Parlement européen. Puis deux semaines plus tard, le 15 juillet, le Parlement élira le Président de la Commission européenne .

Du 15 juillet au 15 Août, sera approuvée par le Conseil la liste des Commissaires proposés par les pays membres approuvée par le Conseil. L’audition des candidats commissaires se fera en Septembre. La Commission sera élue en Octobre.

Il faut parfois se pincer pour entrevoir un avenir heureux de l’Union européenne tant la situation du vieux continent est incertaine.

Et bien sûr, on peut comprendre ceux pour qui l’Europe ne dit rien, parce qu’elle n’a pas d’histoire à raconter et qu’elle ne fait plus rêver. Sans compter la défiance à l’égard des élites. Pourtant, elle reste le seul grand dessein d’avenir. Certes, l’Europe n’est plus le centre du monde. Il y a désormais des acteurs importants avec qui il faut compter comme la Chine et l’Inde. Elle n’est pas non plus la première puissance militaire. Mais elle reste la première puissance économique et commerciale de la planète. Une union de paix et de stabilité, offrant la plus longue espérance de vie, une qualité de vie inégalée et les dépenses sociales les plus élevées. Rien que cela fait de l’Europe une entité unique au monde.

Comme le rappelle Dominique Giuliani, dans un ouvrage intitulé « Pourquoi et comment l’Europe restera le cœur du monde – Petit traité d’optimisme », « l’Europe est, de loin, le continent le moins inégalitaire. Elle est le continent où (presque) tout a été inventé : philosophie, valeurs humanistes, arts, sciences, une richesse sans égale. Elle est un exemple envié et copié, bien loin du déclin. L’intégration régionale est voulue partout et un tour du monde des ensembles régionaux en convainc facilement le lecteur ». Un « pays » de Cocagne où il fait bon vivre et que bien des nations nous envient. Elle est aussi devenue le premier continent d’immigration.

Pour le président de la Fondation Robert Schuman, « elle demeure le cœur qui donne le rythme, qui irrigue les esprits, qui nourrit la culture qui invente et qui attire ». Dans ce petit traité, Giuliani se demande : pourquoi l’Europe fait-elle rêver à l’extérieur quand elle désespère souvent à l’intérieur ?

Malgré son formidable potentiel, l’UE semble avoir perdu confiance en son projet.

Elle agit comme un ensemble fragile, indécis, en ordre dispersé, sans conviction, sans idées. De crise en crise, la crise de la dette, la crise de l’euro, la crise de la représentation politique des instances européennes, et l’incapacité à affirmer un message politique fort, il n’y a dans les institutions européennes aucune volonté de marquer avec énergie le message de l’harmonisation fiscale et sociale européenne.

Jan-Werner Muller, auteur de « difficile démocratie », avance que l’Europe souffre d’un défaut de fabrication, un défaut incarné par la technocratie arrogante de la Commission. Un défaut aussi de transparence des institutions de l’Europe qui nourrit le populisme et la méfiance des citoyens. Du coup, face à l’euroscepticisme, le populisme s’affirme comme une force politique qui pourrait compter jusqu’à 200 députés (contre 160 aujourd’hui).


Que d’occasions manquées !

Prenons la crise ukrainienne. Il eut été audacieux et digne des pères fondateurs, que les parlementaires réfléchissent à une solution géopolitique permettant aux pays des confins comme l’Ukraine ou la Turquie de jouer un rôle de pays intermédiaires, un rôle de médiateurs, de facilitateurs d’échanges avec des cultures plus lointaines. Valoriser ce rôle de « ponts », eut permis d’éviter les crispations identitaires que l’on connaît. Pour la seconde fois depuis que l’union européenne existe, après la guerre en ex-Yougoslavie, une menace militaire est réelle en Europe.

En témoignent les frayeurs manifestes des Pays Baltes et de la Pologne. «Les questions de l’Ukraine et de la sécurité de la Pologne sont devenues primordiales lors de cette campagne aux européennes, renvoyant au second plan les questions de politique intérieure», explique Eryk Mistewicz, un expert en communication politique polonais. Il est ainsi navrant que le génie européen ne soit plus capable d’inventer de nouveaux modèles de diplomatie, d’échanges ou de commerces.

Il est tout aussi dommage que l’UE à travers la Commission et le Parlement européen n’ait pas œuvré pour commémorer le centenaire de la grande guerre de 14-18 dont tous les peuples européens ont été victimes. Une commémoration de la paix en Europe aurait été le moyen de lever les suspicions nationales sur les responsabilités des uns et des autres à cette époque et d’adresser le véritable message de solidarité pour la grandeur de l’idée européenne. Au lieu de cela, le manque de courage a prévalu, à cause de la peur de froisser les susceptibilités nationales.


Il y a péril en la demeure.

Sur fond de risque de guerre en Ukraine et le danger d’instabilité dans cette région de l’Europe qui compte nombre de pays membres (la Pologne, les Pays Baltes), sur fond de montée des extrémismes nationalistes (Hongrie, Pays-Bas, Autriche…) et le risque que le FN soit le 1er parti politique français lors des échéances européennes, les élections des députés au Parlement de Strasbourg représentent un enjeu crucial.

Le vote du 25 mai est le moment où jamais de réinventer une Europe politique, de reconstruire de nouveaux modèles, de fédérer les énergies, de préserver la paix.

L’Europe doit réapprendre à offrir aux Européens une vision et un espoir pour l’avenir, œuvrer en commun pour recréer des emplois en Europe, œuvrer pour la jeunesse sur le modèle d’Erasmus, l’un des rares programmes vivifiants que l’Europe ait lancé.

Enfin, à l’heure du choix, il est indigne qu’il n’y ait pas de débat européen télévisé organisé par une chaine du service public de grande écoute.

Comment éviter la montée des populismes si l’Europe est absente des médias ? Sans information et sans débat, pas de démocratie européenne! Aussi bien Place Publique soutient la campagne

Plus d’Europe à la télé, c’est moins de populisme dans les urnes (http://www.plusdeuropealatele.fr).

Au citoyens de se mobiliser pour faire de l’Europe une priorité, et pousser l’agenda médiatique à prendre conscience de l’importance de l’enjeu pour la démocratie.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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