« Le choc des temps. L’économie mondiale, entre urgences et long terme », tel était le thème de la 13e édition des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence organisées par le Cercle des économistes dans le cadre de l’Université d’Aix-Marseille, de Sciences Po Aix et du Festival d’Aix-en-Provence.

La politique, la finance, l’industrie, l’éducation, la recherche ou le développement s’inscrivent dans des temps différents mais doivent cohabiter. Aujourd’hui, les urgences s’accumulent et appellent des réponses ; mais comment les concilier avec la nécessité d’imaginer et de préparer le long terme ?

Déclaration finale du cercle des économistes

http://www.lesrencontreseconomiques.fr

Jamais
le
monde
ne
s’est
trouvé
confronté
à
une
telle
difficulté
de
gérer
les
décalages
entre
horizons
temporels.
Les
citoyens,
en
premier,
subissent
de
plein
fouet
la
difficulté
des
politiques
à
réconcilier
différentes
temporalités.
Dans
des
contextes
certes
très
différents,
par
exemple
au
Brésil
ou
en
Turquie,
apparaît
bien
ce
décalage
entre
le
temps
du
politique
et
celui
des
populations,
préoccupées
évidemment
par
le
quotidien
mais
ayant
aussi
besoin
de
se
projeter
dans
l’avenir.
Mais
le
choc
des
temps
c’est
aussi
le
conflit
entre
le
temps
de
la
finance
et
celui
de
l’économie
réelle
:
le
court

termisme
d’une
partie
des
marchés
financiers
atrophie
l’horizon
de
décision
des
entreprises.

Le
G20
avait
cette
vocation
exceptionnelle
de
réguler
l’économie
mondiale,
quelques
années
seulement
après
sa
création.
On
peut
penser
que
les
mesures
effectives
ne
sont
pas
à
la
hauteur
des
déclarations
d’intention.
Mais
les
institutions
mondiales
ne
s’installent
pas
en
un
jour,
surtout
parce
qu’on
leur
demande
de
régler
l’urgence
du
court
terme
et
l’organisation
à
long
terme
de
l’économie
mondiale.

En
définitive
ce
sont
donc
cinq
temps
qui
s’entrechoquent
:
le
temps
de
l’entreprise,
le
temps
de
la
finance,
le
temps
du
politique,
le
temps
du
citoyen
et
le
temps
des
institutions.

Les
difficultés
à
sortir
de
la
crise
cristallisent
ce
conflit
des
temps.
Notre
défi
consiste
à
penser
la
transition
vers
une
croissance
équilibrée
et
soutenable
en
réconciliant
la
nécessité
d’aller
vite
avec
celle
de
protéger
les
catégories
les
plus
vulnérables.
Enfin,
nous
sommes
confrontés
à
de
véritables
urgences
.

En
Europe,
la
crise
de
la
zone
euro
est
bien
loin
d’être
résolue.
Mais
ne
nous
y
trompons
pas
:
l’urgence
est
de
concevoir
de
nouvelles
politiques
économiques
qui
permettent
de
relancer
la
croissance
.

En
France,
l’urgence
porte
sur
les
réformes
structurelles.
La
jeunesse
est
la
grande
sacrifiée
de
la
période
que
nous
traversons.
C’est
la
raison
pour
laquelle,
dans
le
cadre
des
Rencontres
2013
d’Aix

en

Provence,
le
Cercle
des
économistes
a
organisé
le
concours
«
Inventez
2020
!
La
parole
aux
étudiants
»,
invitant
la
jeune
génération
à
exprimer
ses
attentes
pour
la
décennie
à
venir.

12
propositions
pour
un
retour
de
la
confiance

En
Europe
,
le
calme
relatif
sur
les
marchés
ne
s’est
pas
accompagné
d’un
retour
de
la
confiance
suffisant
pour
une
reprise
de
la
croissance.
Toute
sortie
de
la
crise
de
la
zone
euro
passera
obligatoirement
par
deux
conditions
:
la
mise
en
œuvre
d’un
agenda
réaliste
de
réduction
des
déficits
publics
et,
sous
une
forme
publique
ou
privée,
la
reprise
des
transferts
d’épargne
du
Nord
vers
le
Sud.
Ce
sont

les
objectifs
des
trois
premières
mesures,
destinées
à
redonner
un
espoir
de
croissance
en
Europe.

1.
Un
mécanisme
européen
unique
de
restructuration
et
résolution
de
banques

Le
cercle
vicieux
entre
crise
de
dette
souveraine
et
crise
bancaire
ne
peut
être
rompu
que
par
une
union
bancaire
effective.
Après
l’audit
des
banques,
la
prochaine
étape
réside
dans
une
gestion
européenne
des
restructurations
bancaires.
Malheureusement
aujourd’hui,
la
solution
proposée
maintient
les
recapitalisations
directes
au
niveau
national,
ce
qui
ne
permet
en
rien
de
découpler
le
risque
bancaire
et
le
risque
souverain.
Nous
appelons
à
la
création
d’une
structure
totalement
européenne,
un
mécanisme
1
2
de
résolution
unique
sous
autorité
indépendante.
Il
permettra
une
harmonisation
des
résolutions
bancaires
y
compris
la
participation
du
secteur
prive.
Il
aura
comme
instrument
le
fonds
de
résolution
des
faillites,
essentiellement
financé
par
les
banques,
qui,
en
mutualisant
les
recapitalisations
directes,
complètera
le
Mécanisme
Européen
de
Stabilité.

2.
Une
gestion
des
risques
en
faveur
de
l’investissement
de
long
terme

Le
vieillissement
démographique
en
Europe
porte
en
germe
une
montée
de
l’aversion
au
risque
des
investisseurs.
Cela
aggrave
le
court

termisme
des
marchés
et
rend
d’autant
plus
urgent
de
partitionner
les
risques
entre
dette
junior
et
dette
senior.
Il
faut
aussi
pouvoir
faire
supporter
les
risques
de
long
terme
par
les
investisseurs
les
plus
solides,
privés
ou
publics.
Dans
le
cas
de
l’assurance

vie,
il
s’agit
de
modifier
le
couple
risque

rendement
afin
d’en
faire
un
véritable
placement
de
long
terme.


3.
Une
assurance

chômage
européenne
contracyclique

L’existence
d’une
union
monétaire
appelle
à
des
éléments
d’union
budgétaire.
Pour
recouvrer
une
faculté
de
stabilisation
budgétaire,
il
faut
envisager
un
budget
pour
la
zone
euro,
avec
ressources
propres
et
possibilité
d’émettre
des
euro

obligations.
Un
dispositif
d’assurance

chômage
européen
non
seulement
accroîtra
la
solidarité
entre
pays
de
la
zone
euro,
mais
surtout
permettra
de
mieux
assurer
contre
les
chocs
asymétriques
(10%
de
chômage
des
jeunes
en
Allemagne,
56%
en
Espagne).
Rendre
l’assurance
chômage
plus
contracyclique
signifie
moduler
la
durée
d’indemnisation
en
fonction
du
cycle
:
la
réduire
en
période
de
croissance
et
inversement.

Pour
la
France

,
en
2012
le
Cercle
des
économistes
avait
introduit
le
débat
sur
la
compétitivité.
Les
six
mesures
qui
suivent
sont
destinées
à
accélérer
cette
politique
de
l’offre.

4.
Basculer
le
CICE
en
baisse
des
cotisations
sociales
en
2014

Le
Cercle
avait
appelé
de
ses
vœux
un
choc
de
compétitivité
l’an
dernier
et
salue
la
volonté
gouvernementale
de
prendre
ce
sujet
au
sérieux
avec
le
CICE
adopté
en
automne
dernier.
Cette
mesure
était
astucieuse
car
elle
jouait
sur
le
temps
:
elle
s’applique
en
2014
mais
a
un
effet
dès
2013.
Cela
dit
le
chemin
à
parcourir
pour
restaurer
la
compétitivité
de
la
France
est
encore
très
long.
Nous
proposons
donc
de
transformer
l’essai
du
CICE
par
une
baisse
des
cotisations
sociales
en
2014
pour
maintenir
la
compétitivité.


5.
Poursuivre
la
réforme
du
marché
du
travail
par
un
meilleur
dialogue
social

Nous
saluons
l’accord
du
11
janvier
2013
mais
nous
ne
pouvons
pas
en
rester
à
ce
premier
pas.
Diminuer
la
dualité
du
marché
du
travail
entre
emplois
protégés
et
situations
précaires
requiert
une
réforme
en
profondeur
du
marché
du
travail.
Un
des
moyens
les
plus
efficaces
d’encourager
les
embauches
en
CDI
serait
de
trouver
un
meilleur
équilibre
entre
durée
des
contrats
et
protection
des
travailleurs.
En
matière
de
négociations
salariales
des
dialogues
constructifs
ont
été
amorcés
au
niveau
national.
Mais
pour
concrétiser
cette
impulsion,
il
faut
faire
évoluer
d’autres
échelons
de
négociation.
Au
niveau
sectoriel,
nous
proposons
de
simplifier
le
système
de
branches,
en
passant
de
600
à
40
branches,
tout
en
ayant
à
l’esprit
que
ceci
n’est
qu’une
première
étape
dans
la
recherche
permanente
de
la
plus
grande
proximité
des
parties
prenantes
pour
les
négociations
salariales.
Dans
l’ensemble
de
cette
négociation,
il
faudra
envisager
la
question
du
financement
du
syndicalisme.


6.
Réforme
des
retraites
:
la
transition
vers
un
équilibre
structurel

Nous
considérons
que
les
réformes
en
cours
doivent
s’inscrire
dans
un
projet
de
long
terme.
Le
problème
est
qu’on
espère
que
ces
réformes
vont
produire
d’ores
et
déjà
des
gains
sur
le
court
terme,
alors
que
souvent
c’est
l’inverse
qui
se
produit.
Toute
politique
économique
de
long
terme
doit
donc
être
pensée
en
termes
de
transition.
Il
faut
élaborer
une
méthode
pour
mener
à
bien,
sans
susciter
de
tensions
sociales
incontrôlables,
les
réformes
que
l’on
sait
nécessaires
:
introduire
les
mesures
3
progressivement,
par
exemple
en
ne
les
appliquant
qu’aux
nouveaux
entrants.
Si
l’on
souhaite
faire
une
réforme
systémique
des
retraites,
c’est

à

dire
qui
permette
une
transparence
et
une
convergence
des
différents
régimes,
il
faut
introduire
de
réelles
modifications
de
fonctionnement,
par
exemple
la
retraite
par
points.
Mais
cela
pourrait
n’être
introduit
que
pour
les
contrats
de
travail
nouvellement
signés,
sans
modifier
les
contrats
en
vigueur.

7.
Une
politique
d’offre
dans
l’immobilier,
le
transport
et
la
distribution

Plutôt
que
de
solvabiliser
excessivement
une
demande,
ce
qui
se
traduit
en
hausse
des
prix
immobiliers
face
à
une
offre
largement
inélastique,
il
serait
temps
de
centrer
la
politique
du
logement
vers
la
libération
du
foncier.
Une
politique
d’offre,
qui
s’attaquerait
aux
entraves
à
la
concurrence,
permettrait
à
la
fois
d’augmenter
le
pouvoir
d’achat
en
entrainant
une
baisse
des
prix
de
l’immobilier,
et
de
participer
à
la
création
d’emplois.
Dans
le
même
ordre
d’idée,
beaucoup
de
choses
sont
à
faire
dans
le
secteur
des
transports.
Relancer
des
projets
d’infrastructures
moins
gourmandes
en
énergie
et
en
carburant
aurait
le
même
type
d’effet.

8.
Une
rupture
technologique
dans
l’industrie
de
l’environnement

En
réalité,
il
n’y
a
pas
eu
de
rupture
technologique
dans
le
domaine
de
l’écologie
:
l’usage
des
énergies
renouvelables
reste
extrêmement
coûteux,
et
aucune
technologie
propre
n’a
encore
apporté
la
solution
au
défi
environnemental.
Il
est
impératif
de
donner
l’impulsion
nécessaire
à
une
véritable
révolution
industrielle
de
l’écologie.
Dans
le
domaine
de
l’énergie,
le
signal
prix
joue
un
rôle
majeur
dans
l’allocation
des
investissements
et
dans
les
choix
de
consommation.
En
outre,
il
est
nécessaire
de
financer
massivement
la
recherche
et
l’innovation
en
matière
d’environnement,
trop
peu
de
moyens
ont
été
jusque

alloués.
Il
faut
réorienter
une
partie
plus
importante
de
l’impôt
crédit
recherche
vers
la
R&D
dans
les
secteurs
des
énergies
et
des
technologies
propres,
et
réactiver
l’idée
d’une
fiscalité
écologique.

9.
Bouleverser
les
structures
administratives

Les
réformes
structurelles
que
nous
appelons
de
nos
vœux
et
la
réduction
de
la
dépense
publique
ne
pourront
se
faire
que
si
elles
sont
accompagnées
d’une
réorganisation
de
la
fourniture
des
biens
et
services
publics.
La
France
n’a
pas
été
capable
d’équilibrer
un
budget
en
40
ans.
Il
faut
mettre
l’accent
sur
un
État
efficace
et
sur
les
réformes
qui
élimineront
les
doublons
de
structure,
notamment
à
travers
une
architecture
simplifiée
des
collectivités
territoriales.
Il
faut
responsabiliser
les
opérateurs
publics,
par
exemple
en
substituant
aux
structures
existantes
des
agences.
Ces
agences,
dans
la
lignée
de
la
LOLF,
seront
pourvues
d’un
budget
indépendant,
ne
s’appuyant
pas
sur
des
taxes
affectées.
La
transparence
et
l’évaluation
des
politiques
publiques
sont
un
préalable
indispensable
à
ce
genre
de
réforme.
La
jeunesse
représente
un
atout
formidable
pour
la
France.
Cet
atout
est
largement
sous

utilisé,
si
ce
n’est
complètement
gâché.
Ceci
concerne
autant
les
aspects
financiers
que
plus
qualitatifs.
La
France
est
l’un
des
pays
qui
allouent
la
part
la
plus
importante
des
transferts
publics
aux
retraités
par
rapport
à
la
part
destinée
aux
moins
de
25
ans.
Toute
politique
de
la
jeunesse
passe
donc
par
un
transfert
de
ressources
vers
les
jeunes,
qui
pourrait
atteindre
1
à
2
points
de
PIB.
Ces
trois
mesures
vont
dans
ce
sens.

10.
Créer
un
«
contrat
jeunesse
»

Trop
nombreux
sont
les
jeunes
qui
décrochent
du
système
scolaire

1,9
millions
de
jeunes
âgés
de
15
à
29
ans
ne
sont
ni
étudiants,
ni
employés,
ni
en
formation.
Ils
sont
la
plupart
du
temps
absents
de
tous
les
fichiers.
L’illettrisme
touche
4%
des
18

25
ans.
Pour
permettre
à
ces
jeunes
en
décrochage
scolaire
de
franchir
le
difficile
premier
pas
vers
une
recherche
d’emploi
ou
la
reprise
d’une
formation,
il
faut
leur
donner
les
moyens
financiers
de
le
faire.
Nous
proposons
la
création
d’un
véritable
«
contrat
jeunesse
».
Ce
contrat
consiste
à
verser
une
4
allocation
monétaire
à
ces
1,9
millions
de
jeunes,
à
condition
qu’ils
respectent
leur
engagement
contractuel
à
chercher
un
emploi
ou
suivre
une
formation
qualifiante.
Ce
contrat
doit
être
à
durée
limitée
mais
renouvelable.
Pour
que
cette
mesure
soit
crédible,
il
est
nécessaire
de
centraliser
les
informations
sur
ces
jeunes
à
l’aide
de
l’ensemble
des
sources
disponibles.

11.
Multiplier
par
dix
les
écoles
de
la
deuxième
chance

Pour
accompagner
la
volonté
de
réinsérer
dans
une
formation
ces
jeunes
en
décrochage,
il
faut
développer
les
Écoles
de
la
deuxième
chance,
tout
en
évaluant
rigoureusement
leurs
effets.
Une
telle
initiative,
en
marge
du
système
éducatif
français,
ne
peut
s’imaginer
que
dans
l’articulation
avec
une
réforme
du
système
dans
son
ensemble.

12.
Favoriser
l’insertion
des
jeunes
sur
le
marché
du
travail

Un
droit
à
l’apprentissage
Une
façon
de
faciliter
la
transition
vers
l’emploi
est
d’utiliser
de
manière
plus
systématique
l’alternance
et
l’apprentissage
dans
les
modes
de
formation.
La
France
doit
s’engager,
dans
les
cinq
ans
à
venir,
à
fournir
à
tout
jeune
au
minimum
six
mois
d’apprentissage.
L’idée
est
d’instaurer
un
système
gagnant

gagnant
entre
les
jeunes
entrants,
dont
le
coût
d’insertion
est
trop
élevé,
et
les
entreprises
:
une
faible
rémunération
des
jeunes
en
apprentissage
(sur
le
mode
d’une
période
d’essai)
en
échange
d’une
promesse
d’emploi
à
moyen
terme.
Une
politique
de
défiscalisation
de
la
période
d’essai
Dans
le
même
ordre
d’idée,
une
défiscalisation
totale
des
périodes
d’essais
allègerait
les
coûts
d’entrée
des
jeunes,
avec
comme
condition
le
remboursement
des
cotisations
sociales
par
l’entreprise
si
l’essai
ne
se
concrétise
pas
en
emploi
stable.
On
suggère
également
la
prise
en
charge
du
logement
par
l’entreprise
pendant
la
période
d’essai.
Il
faut
également
faciliter
les
conditions
de
cumul
emploi

études,
qui
reste
aujourd’hui
la
principale
cause
du
décrochage
d’un
grand
nombre
d’étudiants,
par
exemple
en
exonérant
ces
emplois
de
cotisations
retraites.
Le
monde
ne
retrouvera
une
trajectoire
économique
satisfaisante
qu’en
regagnant
une
certaine
confiance,
c’est

à

dire,
en
maîtrisant
l’incertitude.

réside
la
bonne
gestion
des
temps.
Les
mesures
proposées
vont
dans
ce
sens

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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