En vertu de la stratégie Europe 2020, l’UE doit réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes en situation ou menacées de pauvreté. Des 116 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union, quelque 40 millions souffrent de privation matérielle aiguë.

La Commission a proposé de créer un Fonds d’aide aux personnes les plus démunies dans l’Union. Ce Fonds est destiné à appuyer l’action des dispositifs mis en place par les États membres pour fournir des denrées alimentaires aux personnes les plus démunies ainsi que des vêtements et d’autres biens de base aux sans-abri et aux enfants souffrant de privation matérielle. Une enveloppe de 2,5 milliards d’euros sera donc allouée à ce Fonds pour la période 2014-2020 dans le cadre de sa proposition de cadre financier pluriannuel de juin 2011 (voir IP/11/799). Les États membres financeraient 15 % des coûts de leurs programmes nationaux, tandis que les 85 % restant seraient pris en charge par le Fonds.

«Nous avons besoin, au niveau européen, de nouveaux mécanismes de solidarité et de ressources appropriées pour aider les personnes défavorisées et les pauvres qui, souvent, vivent dans une situation de réelle urgence sociale; c’est ce que vise à apporter le Fonds européen d’aide aux plus démunis approuvé aujourd’hui» a souligné le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Les autorités nationales pourraient recourir au Fonds pour acheter des aliments ou des biens et les mettre à la disposition des organisations partenaires, ou apporter à celles-ci les financements nécessaires pour ce faire. La proposition prévoit également la possibilité d’utiliser, s’il en existe, les denrées alimentaires des stocks d’intervention.

L’Union compte 25,4 millions d’enfants menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale. D’une manière générale, les enfants courent un risque accru de pauvreté ou d’exclusion sociale par rapport au reste de la population (27 % contre 23 %), ce qui les expose à une privation matérielle qui va au-delà de la malnutrition. Ainsi, 5,7 millions d’enfants n’ont pas les moyens de porter des vêtements neufs et 4,7 millions n’ont pas deux paires de chaussures de la pointure appropriée (y compris une paire de chaussures toutes saisons). La probabilité que les enfants qui souffrent de privation matérielle soient en échec scolaire, soient en mauvaise santé et ne réalisent pas tout leur potentiel en tant qu’adultes est plus élevée que chez leurs camarades plus aisés.

L’une des principales caractéristiques de la privation matérielle est l’impossibilité d’accéder à une quantité suffisante de denrées alimentaires de qualité appropriée. La part de la population de l’Union n’ayant pas les moyens de s’offrir un repas avec viande, volaille ou poisson (ou l’équivalent végétarien) un jour sur deux – ce que l’Organisation mondiale de la santé définit comme un besoin fondamental – s’élevait à 8,7 % en 2010, soit plus de 43 millions de personnes, et les premiers chiffres disponibles pour 2011 indiquent une détérioration de la situation.

Le sans-abrisme est une forme particulièrement grave de privation matérielle, dont l’ampleur est difficile à quantifier. Toutefois, selon des estimations, 4,1 millions de personnes étaient sans-abri en Europe en 2009-2010. Le sans-abrisme a augmenté récemment en raison de l’impact social de la crise économique et financière et de la hausse du chômage. Plus inquiétant encore est le fait que les familles avec enfants, les jeunes et les personnes issues de l’immigration sont de plus en plus nombreux parmi les sans-abri.

Selon le Commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, M. László Andor, «ce nouveau Fonds permettrait d’apporter une aide concrète pour contribuer à l’intégration sociale des citoyens européens les plus vulnérables. Il entend donner corps à la solidarité de l’Union avec les plus faibles — ceux qui ont été le plus touchés par la crise économique et sociale. J’espère que les États membres et le Parlement européen adopteront rapidement cette proposition et le budget y afférent, pour que ceux qui ont besoin d’aide puissent en bénéficier dans les meilleurs délais.»

Les dispositions relatives au Fonds prévoient que les États membres introduisent une demande pour le cofinancement de programmes opérationnels couvrant la période 2014-2020, à l’appui de dispositifs destinés à fournir, par l’intermédiaire d’organisations partenaires, des aliments aux plus démunis ainsi que des vêtements et d’autres biens essentiels (comme des chaussures, du savon ou du shampoing) aux sans-abri et aux enfants souffrant de privation matérielle.

Le Fonds proposé donnerait beaucoup de souplesse aux autorités des États membres pour la planification et la fourniture de l’assistance dans le cadre de leurs dispositifs nationaux. Les critères détaillés pour l’octroi de l’aide seraient fixés par les États membres, voire les organisations partenaires, ceux-ci étant les mieux placés pour adapter l’aide aux besoins locaux.

Les organisations partenaires, souvent non gouvernementales, seraient chargées de distribuer les denrées alimentaires et les biens aux plus démunis. Pour atteindre les objectifs du Fonds en matière de cohésion sociale, les organisations partenaires devraient non seulement apporter une assistance matérielle aux plus démunis, mais également réaliser des activités de base pour l’intégration sociale de ceux-ci. Ces mesures d’accompagnement pourraient également être cofinancées par le Fonds.

Le principal instrument de l’Union pour favoriser l’employabilité, lutter contre la pauvreté et promouvoir l’inclusion sociale est et restera le Fonds social européen (FSE). Ce fonds structurel investit directement dans les compétences des personnes, qu’il vise à valoriser sur le marché du travail. Cependant, certains des citoyens les plus vulnérables en situation d’extrême pauvreté sont trop éloignés du marché du travail pour bénéficier des mesures d’inclusion sociale du FSE.

Le programme européen de distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies (PEAD) est, depuis 1987, une source importante d’approvisionnement pour les organisations qui travaillent en contact direct avec les personnes les plus défavorisées, à qui elles fournissent des produits alimentaires. Il distribue actuellement quelque 500 000 tonnes de denrées par an au bénéfice de ces personnes. Il a été créé pour utiliser au mieux les surplus d’une production agricole alors excédentaire. En raison de l’épuisement attendu des stocks d’intervention, ainsi que de leur grande imprévisibilité sur la période 2011-2020 du fait des réformes successives de la politique agricole commune, un terme sera mis au PEAD à la fin de 2013. Le Fonds européen d’aide aux plus démunis proposé vise à remplacer le PEAD, et à apporter des améliorations par rapport à celui-ci.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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