Communiqué ACAT

Depuis le 14 janvier 2011, l’éradication de la torture et la lutte contre l’impunité sont au cœur des débats politiques et citoyens en Tunisie. Pourtant, une révolution et une élection démocratique plus tard, le bilan est mitigé.

Avec la fuite de l’ex-président Ben Ali il y a près d’un an et demi, la chape de silence recouvrant le phénomène tortionnaire s’est enfin brisée. Le peuple tunisien dresse progressivement le bilan de 23 ans d’autoritarisme et exprime aujourd’hui une ferme exigence de justice et une profonde détermination à ne plus laisser des exactions se reproduire en silence.
La volonté populaire n’a cependant toujours pas eu raison des pratiques tortionnaires et de l’impunité héritées de l’ancien régime.

La torture: un héritage tenace

La torture est moins systématique qu’avant la révolution mais elle continue d’être exercée sporadiquement à l’encontre de victimes aux profils divers : des jeunes blogueurs, militants de gauche ou sympathisants islamistes, arrêtés au cours de manifestations en faveur de la justice et de la démocratie ; d’anciens prisonniers de la loi antiterroriste, raflés en juillet 2011 dernier à l’initiative d’agents d’une police politique mise en péril par la révolution et en quête de vengeance ; mais aussi de simples citoyens arrêtés au cours d’une altercation avec un voisin ou d’un différend avec un policier.
Aux cas de tortures et de mauvais traitements s’ajoutent la persistance du recours excessif à la force par les policiers, pour réprimer les manifestations, comme celles des 7 et 9 avril 2012 au cours desquelles la police a dispersé la foule à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.

Une justice en demi-teinte

Le 29 novembre 2011, le tribunal militaire de Tunis a, pour la première fois, rendu un jugement dans une affaire de torture perpétrée en 1991, connue sous le nom d’affaire « Barraket Essahel ». Un groupe d’officiers de l’armée a été arrêté après avoir soi-disant fomenté un coup d’État contre le président Ben Ali. Ils ont été torturés et certains d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de procès inéquitables. La chambre correctionnelle du tribunal militaire a condamné plusieurs accusés dont l’ancien président Ben Ali, jugé in abstentia, l’ancien ministre de l’Intérieur, Abdallah Kallel, et l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, Mohamed Ali Ganzoui – tous deux en détention – à respectivement 5, 4 et 3 ans de prison.

Cependant, les accusés ont été condamnés seulement pour un délit d’agression et non pour crime. De plus, le 7 avril 2012, la chambre correctionnelle de la cour d’appel militaire a réduit les peines prononcées à l’encontre de la plupart des accusés. Selon plusieurs avocats des victimes, le procès a manqué de transparence, a fait l’objet de pressions politiques et jette finalement un sérieux doute sur l’indépendance de la justice et la volonté du nouveau gouvernement de lutter contre l’impunité.

Écrivez au Président Tunisien

Monsieur le Président,
À la suite d’informations communiquées par l’ACAT-France, je souhaite vous exprimer mes regrets face à la persistance de la torture et de l’impunité en Tunisie. Après 23 ans d’autoritarisme, le peuple tunisien a clairement exprimé une ferme exigence de justice et une profonde détermination à ne plus laisser des exactions se reproduire en silence.
La torture, certes moins systématique qu’avant la révolution, continue pourtant d’être exercée sporadiquement à l’encontre aussi bien de manifestants que de simples citoyens arrêtés au cours d’une altercation avec un voisin ou d’un différend avec un policier. S’ajoute à cela le recours excessif à la force dont les policiers continuent de se rendre coupables, pour réprimer les manifestations.
Concernant la lutte contre l’impunité, le verdict rendu dans l’affaire Barraket Essahel est insatisfaisant à bien des égards. Les accusés ont été condamnés seulement pour un délit et non pour un crime. Plusieurs demandes essentielles des avocats, notamment concernant le dessaisissement de la chambre correctionnelle au profit de la chambre criminelle, n’ont pas été examinées et le procès a, selon ces avocats, manqué de transparence, ce qui jette un sérieux doute sur l’indépendance de la justice et la volonté du nouveau gouvernement à lutter contre l’impunité.
Face à ce constat, je vous demande, Monsieur le Président, d’adopter instamment des mesures fortes à même de faire avancer substantiellement l’éradication de la torture et la justice pour ses victimes.

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