Depuis novembre 2011, plus de 5000 PME ont été consultées pour échanger autour de quatre dispositifs jugés cruciaux pour maintenir l’investissement dans les PME de l’innovation. Menées autour d’une proposition de Manifeste, les discussions ont permis de converger vers l’idée selon laquelle au-delà des propositions de chaque catégorie d’acteur de l’innovation, ces quatre dispositifs que sont le Crédit d’impôt recherche, le statut de Jeune entreprise innovante, le Small business Act et l’ Investissement direct dans les PME doivent être renforcés pour encourager la croissance de nos PME.

CIR – Crédit d’impôt recherche

Créé en 1983 et modifié par les lois de finances de 2004 et de 2008, le crédit d’impôt recherche a pour
objectif de soutenir les entreprises dans leur effort de recherche-développement afin d’accroître leur
compétitivité. Son mécanisme est simple : un crédit d’impôt de 30 % des dépenses de R&D est accordé
jusqu’à 100 M€ et 5% au-delà de ce montant. La loi de finances pour 2011 a cependant réduit le bénéfice
de ce mécanisme pour les entreprises en diminuant le taux majoré en années 1 et 2, en plafonnant les
dépenses de sous-traitance privée et en réduisant le forfait de charges de fonctionnement. Le CIR est donc
une source de compétitivité pour les sociétés du secteur des TIC, qui nourrit l’innovation, incite au
développement de la valeur ajoutée et génère des emplois. Le CIR est le moteur de toutes les entreprises
innovantes de ce secteur caractérisé par des PME et des grands groupes qui forment un écosystème dans
lequel se crée l’innovation.

En réponse à la consultation sur le projet d’instruction relatif à la définition des opérations de R&D éligibles
au CIR lancée par la DGFiP certains signataires du présent Manifeste ont rappelé l’importance du
mécanisme du CIR et de sa pérennité pour les entreprises de l’innovation en proposant à l’administration
fiscale la création d’un groupe de travail consultatif sur les évolutions relatives au CIR et aux dispositifs de
soutien aux PME innovantes.

Rappelons que le CIR est vital pour nombre de PME, et crucial pour la croissance de l’écosystème de
l’innovation et les projets d’avenir. Il a en particulier été salué par plusieurs pays étrangers pour sa
simplicité et sa compétitivité. Sa pérennité et la stabilité de ses règles permettraient d’en accroitre encore
l’attractivité, en apportant une sécurité fiscale pour les entreprises et la R&D.

Nos propositions

Concernant la définition des opérations de R&D éligibles au CIR, nous proposons :

 La prise en compte des évolutions du numérique dans l’instruction fiscale, en particulier la définition de l’activité logicielle.

 La possibilité d’innover à partir de techniques préexistantes

 L’élargissement des cas de présomption d’éligibilité aux travaux approuvés ou soutenus par une organisation ou une institution reconnue pour son expertise dans le domaine

 L’élargissement en particulier aux Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) et aux Entreprises Innovantes des Pôles de compétitivité dont les travaux ont conduit à participer à des projets de R&D examinés et labellisés

 Le contrôle de l’éligibilité des projets de R&D en matière de TIC doit être effectué par des agents du MESR compétents et diplômés en la matière.

 Un échange contradictoire avec ces agents doit être possible afin de préserver le principe du contradictoire.

 La rédaction de guides sectoriels

 L’augmentation du plafond des dépenses de veille technologique de 60 K€ à 80 K€

JEI – Jeune entreprise innovante

Le dispositif JEI créé en 2004 permettait à des PME investissant 15% de leur budget en R&D de bénéficier
d’avantages fiscaux et d’abattements de charges pendant 8 ans. Il favorisait ainsi l’éclosion de sociétés
innovantes en leur permettant d’investir en équipes de recherche hautement qualifiées dès leur création.
Ce statut a été modifié par la Loi de Finances 2011 : réduction de sa durée à 7 ans, diminution progressive
et plafonnement des abattements de charges à partir de la 4ème année d’existence, enfin application
rétroactive des mesures pour les JEI déjà créées et donc déjà engagées sur des investissements planifiés.

Cette modification s’est opérée de façon abrupte, elle a été appliquée à toutes les JEI sans que celles-ci
n’aient le temps de s’y préparer et sans aucun aménagement. Celles-ci avaient bâti un business plan
prenant en compte cette exonération, et le fait de revenir dessus en cours d’exécution a créé une
instabilité juridique et fiscale lourde de conséquences, fragilisant voire mettant en péril certaines jeunes
entreprises en croissance. Elles ont dû cette année réduire leurs investissements, conduire des plans
sociaux ou une restructuration pour les plus engagées.
Certaines n’y résisteront pas.

Une récente étude Les
Echos / SOGEDEV (oct. 2011) mesure l’impact de cette modification : 64 % des dirigeants sondés déclarent
avoir dû réduire leurs dépenses de R&D, parfois de manière drastique.
Lors de la création du Conseil National du Numérique en mai 2011, la modification de ce statut de JEI a été
jugée comme contre-productive et son incidence en matière d’économie budgétaire insignifiante. Depuis,
le ministre de l’Industrie, plusieurs parlementaires et de nombreuses associations professionnelles
représentatives ont appelé au retour en arrière sur ce dispositif. Quelle est l’étape suivante?

Nos propositions

 Maintenir une durée initiale de 7 ans à taux plein, pour les PME créées à partir de 2011, avec une
dégressivité des aides de la 8ème à la 12ème année afin de favoriser les jeunes pousses les plus
innovantes. En contrepartie, le dispositif pourrait concerner les PME de moins de 7 ans dont les charges
liées à la R&D passeraient de 15 à 25% avec un maintien du plafond de salaire.

 En bref, revenir au plus proche du statut initial.
Cette proposition pourrait faire partie d’une réforme élargie au statut des PME innovantes telle que la
création d’un statut d’Entreprise Innovante de Croissance.

SBA – Small Business Act

L’accès des PME aux marchés publics est un enjeu capital qui doit permettre à ces entreprises de trouver
des relais de croissance face à la puissance des grands groupes, et leur permettre de grandir pour devenir
des ETI. Le modèle en la matière est le Small Business Act (SBA) américain. Grâce à ce dispositif, 25% des
marchés publics fédéraux bénéficient aux PME américaines, à comparer à une participation de 12% des
PME dans les marchés publics de l’Etat français. En Grande-Bretagne, le gouvernement actuel affiche une
claire volonté d’utiliser les marchés publics comme stimuli de l’innovation. Il s’est engagé, début 2011, à ce
que 25% des achats publics soient adressés à des PME, soit, en quelques années, un quasi doublement par
rapport au niveau actuel.

La France, pour sa part, ne s’est pas positionnée sur un projet de SBA européen, ou en Europe. La seule
mesure concrète adoptée a été la promulgation de l’article 26 de la LME 2008 qui permet aux pouvoirs
publics, dans certaines conditions, de traiter directement avec des PME innovantes. Un texte qui formule
une simple possibilité, sans objectifs précis, et rendu inapplicable pour les acheteurs publics en raison
d’une formulation trop «complexe ». Cet article doit être réécrit.

Cette demande est d’autant plus légitime que Bruxelles, sous la houlette du Commissaire Michel Barnier, a
publié, début 2011, un Livre vert sur «La modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés
publics ». Nos entreprises ont participé à cette consultation et la Commission, face aux défis actuels,
semble pouvoir évoluer dans un sens plus favorable aux PME. Surtout si le gouvernement français – et
d’autres avec lui – s’engage sur un véritable SBA européen.

L’enjeu de l’accès aux « grands » marchés pour les PME se pose dans les relations de contractants entre
PME et grand comptes, qu’ils soient publics ou privés. Ainsi, Pacte PME- une charte de bonnes pratiques
entre grands comptes et PME- a fait de la question de l’accès des PME aux appels d’offre des grands
comptes l’un des enjeux majeurs de son action. Cette initiative, initiée par le Comité Richelieu, est
plébiscitée par tous : les associations, les grands comptes, les PME et le gouvernement français. Malgré
cela, parmi les grands comptes publics, seuls la DGA, le ministère de l’Intérieur, le Conseil Régional d’Ile-de-
France et la Ville de Paris en sont signataires.

Nos propositions:

 L’adhésion systématique des grands comptes publics au Pacte PME, ainsi qu’un engagement du
gouvernement à inciter les grands groupes français à rejoindre Pacte PME.

 Un engagement clair et définitif du gouvernement français à mettre en place un SBA à la Française en
cohérence avec les développements européens, avec un objectif de 25% des achats publics en volume
accordé aux PME et ETI.

Investissement direct dans les PME

La loi « TEPA ISF » instituée en 2007 proposait une mesure à destination des PME, sur le principe d’une
réduction de 75% du montant de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), jusqu’à 50 000 euros par an,
accordée aux contribuables qui investissent dans des PME non cotées, ou effectuent des dons aux
établissements publics d’enseignement et de recherche ou aux fondations d’utilité publique. Ce dispositif a
permis de lever près de 900 millions € investis dans les PME en capital d’amorçage et en développement,
doublant le montant des fonds investis en capital privé dans ces entreprises.

Dans le cadre du PLF 2011, une rectification est venue ramener la déduction fiscale de 75% à 50% du
montant de l’ISF investi par les contribuables, rendant ces investissements dits « à risque » moins attractifs,
et instituant des doutes compte tenu de l’instabilité du dispositif lui-même.

Dans le même temps, de nouveaux fonds souverains sont créés ou renforcés pour soutenir les PME dans
leurs différentes phases de développement. L’intérêt de renforcer les véhicules de financement de la
croissance des PME dans les secteurs à potentiel est évident, mais il ne doit pas se faire au détriment du
nécessaire financement de l’amorçage des entreprises innovantes, notoirement insuffisant en France.
Favoriser l’investissement direct dans les PME reste le moyen le plus fluide et le plus efficace
économiquement pour amorcer une dynamique d’investissement dans les PME innovantes, nombreuses et
réparties sur tout le territoire français.

Nos propositions

 Maintenir un dispositif fiscal d’incitation à l’investissement dans les PME avec un taux d’exonération
majoré en cas d’investissement dans des PME innovantes. En particulier, les Jeunes Entreprises
Innovantes (JEI) et les Entreprises Innovantes des Pôles (EIP).

 Mettre un place un mécanisme d’investissement en abondement par le FSI, ou les fonds FNA pour les
entreprises labellisées JEI ou Entreprises Innovantes des Pôles.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ECONOMIE

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