Une victime à La Réunion, il n’en faut pas plus pour remonter l’opinion contre les requins et les accuser de tous les maux. Parce qu’il gêne les loisirs de certains insulaires, le requin, déjà en danger d’extinction, est une nouvelle fois montré du doigt et menacé.

Imaginez un peu. « Quatre requins terrorisent l’océan indien ». C’est ce qu’on peut lire ou voir dans certains médias nostalgiques des « dents de la mer ». Depuis le début de l’année, quatre attaques —dont deux mortelles— ont été enregistrées dans l’île de La Réunion. La dernière s’est déroulée le 19 septembre dernier, à Saint-Gilles, une des villes les plus touristiques de La Réunion.

Il n’en a fallu pas plus pour développer une psychose du « risque requins ». Après cet accident due surtout à l’imprudence des hommes et à l’imprévision, les autorités locales, critiquées pour leurs lacunes en matière de prévention, ont interdit toute baignade. Elles ont également décidé d’installer filets de protection et boucliers électriques visant à protéger les baigneurs des squales. La préfecture de La Réunion a également annoncé le début d’une opération visant à éliminer une dizaine de requins dangereux pour l’homme: le requin-tigre et le requin-bouledogue. Deux espèces non protégées mais «quasi menacées», d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Plusieurs associations et groupes de discussions sur les réseaux sociaux se sont créés pour protester contre cette chasse aux requins à La Réunion. Les défenseurs des animaux craignent que la situation ne tourne à l’expédition punitive et que certains en profitent pour surexploiter le commerce d’ailerons de requins. C’est ce que font déjà de nombreux navires de pêches.

Durant les quinze dernières années, on a constaté une augmentation de la mortalité par un facteur de 1 à 4. Chaque année, 100 millions de requins sont victimes des méthodes barbares de braconniers de la mer qui les capturent, les mutilent en leur coupant les ailerons et les rejettent à la mer. La consommation des ailerons, très prisée des Chinois, leur procureraient une sorte d’invincibilité. Un film réalisé par Rod Steward, qui tente de réhabiliter « les Seigneurs de la mer », dénonce ces pratiques et alerte l’opinion sur l’agonie des squales. Pour lui comme pour de nombreuses associations, les requins sont victimes d’une réputation qui ne correspond pas à la réalité. Ce n’est pas parce qu’on a l’air méchant qu’on l’est forcément..

Au cours d’une étude retraçant l’évolution de cinq espèces de requins dans les 200 dernières années, une équipe de chercheurs, financée par le Lenfest Ocean Program (Ce programme a été lancé en juillet 2004 par la fondation privée Lenfest Fondation, située à Washington D.C.), montre que les chiffres avancés dépassent les prévisions les plus pessimistes. Des observations effectuées dans l’océan Atlantique ont mis en évidence que la baisse de population de grands squales avait en particulier perturbé certaines chaînes alimentaires. Les mollusques seraient les premiers à en faire les frais car ils sont la proie des raies et des roussettes qui, elles, pulluleraient. La qualité de l’eau s’en ressentirait car les mollusques ont pour qualité de nettoyer l’eau des particules flottantes.

Selon l’UICN, deux espèces sont particulièrement menacées : les requins taupes et les requins bleus. 90% des espèces mondiales de requins pourraient disparaître avant 2050 si des mesures de prévention ne sont pas prises pour empêcher leur pêche sauvage.

Un cri d’alarme est lancé. Car la disparition des prédateurs a des effets désastreux. Une étude scientifique en apporte la preuve (R.A. Myers, J.K. Baum et T.D. Shepherd. « Cascading Effects of the Loss of Apex Predatory Sharks from a Coastal Ocean » . Science. 30 mars 2007). Les auteurs ont observé onze espèces de grands requins du nord ouest de l’Atlantique. Ce sont des mangeurs de raies, de roussettes et d’autres petits requins. Si les gros disparaissent, les petits prolifèrent et consomment leur aliment préféré : des coquilles Saint-Jacques, des huîtres, des palourdes, des praires. Les coquillages sont donc de moins en moins nombreux… les pêcheries de la côte est des Etats-Unis l’ont bien remarqué. Comme elles ont constaté une baisse de la qualité de l’eau. Les coquillages sont des animaux qui filtrent l’eau pour retenir les particules. Moins de requins signifie donc moins de coquillage et une eau de moins bonne qualité. Les requins, ces soit disant tueurs, garantissent la vie dans les océans.

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