Une découverte qui bouscule les théories. Des vestiges retrouvés à proximité du cercle polaire arctique et caractéristiques de la culture moustérienne(1), viennent d’être datés d’il y a plus de 28 500 ans, soit plus de 8 000 ans après la disparition théorique de l’Homme de Néandertal.

Réalisée par une équipe internationale et pluridisciplinaire à laquelle participent des chercheurs du CNRS(2), cette découverte surprend et bouscule les théories : l’Homme de Néandertal aurait-il vécu plus longtemps que l’on ne croyait ? Ou bien Homo sapiens aurait-il déjà migré en Europe à cette période ? Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 13 mai 2011.

La culture moustérienne, qui s’est développée au cours du Paléolithique moyen (-300 000 à -33 000 ans), se distingue par l’utilisation d’une gamme très diversifiée d’outils sur éclats, principalement par l’Homme de Néandertal en Eurasie, mais aussi par l’Homo sapiens au Proche-Orient.

Considérée comme archaïque, cette culture n’aurait pas permis à Néandertal de coloniser les environnements nordiques les plus extrêmes de la planète et lui aurait été fatale il y a 33 000 à 36 000 ans. Il aurait alors laissé la place à l’Homme moderne qui semble, quant à lui, avoir occupé l’ensemble des espaces eurasiatiques grâce à la maîtrise de technologies plus avancées que celles de son prédécesseur.

Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français du CNRS, en collaboration avec des scientifiques norvégiens et russes, s’est intéressée au site de Byzovaya situé dans l’Oural polaire, au n ord de la Russie. Grâce à l’utilisation du carbone 14 et d’une technologie de stimulation optique, les chercheurs ont daté avec précision des sédiments ainsi que des ossements de mammouths et de rennes abandonnés sur le site. Ces derniers présentaient des modifications dues aux activités de boucherie de chasseurs du Moustérien.

Ces résultats intriguent les chercheurs à plus d’un titre. Ils montrent que la culture moustérienne aurait perduré plus longtemps que ce qui était avancé jusqu’à présent. De plus, aucune société du Moustérien n’avait encore été mise en évidence à proximité directe du cercle polaire (les manifestations moustériennes identifiées jusqu’à présent se situent au moins 1000 km plus au sud). Enfin, le site de Byzovaya, appartenant au territoire eurasiatique, n’aurait été occupé qu’une seule fois, il y a 28 500 ans environ, soit plus de 8 000 ans après la supposée disparition de l’Homme de Néandertal.

Cette découverte soulè ve ainsi de nombreuses questions notamment sur l’organisatio! n des so ciétés du Moustérien : l’Homme de Néandertal aurait-il vécu plus longtemps que présumé ? Ou bien les porteurs de cette ultime culture moustérienne auraient-ils été des Homo sapiens ? Si tel est le cas, les théories expliquant l’extinction de l’Homme de Néandertal en raison de l’archaïsme de sa culture, seraient remises en cause. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives sur cette période charnière de l’histoire de l’humanité.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ETUDE, Le Magazine, Sciences et société

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