Spécialiste des questions de défense, Pierre Servent passe au crible les échecs militaires français depuis 1870. Arrogance, confort intellectuel : une attitude qui explique aussi les défaites industrielles.

Refus du changement, confort intellectuel et une certaine arrogance. Ces comportements ont conduit les Français à accuser des revers militaires majeurs, analyse Pierre Servent, consultant spécialiste des questions de défense, dans « Le complexe de l’autruche. Pour en finir avec les défaites françaises, 1870-1914-1940 ». (Editions Perrin).

C’est une triste exception française, estime cet observateur aguerri, enseignant au Collège interarmées de Défense : considérée comme une puissance militaire de premier rang, la France a été par trois fois –en 1870, 1914 et 1940, envahie dès les premiers jours de combats, puis occupée, et amputée à deux reprises d’une partie du territoire national. Pour reprendre le mot du ministre de l’air de l’époque (1938-40), Guy La Chambre, « En 1914, l’état-major était préparé à la guerre de 1870 et en 1940 à celle de 1914 ».

Tout l’intérêt de l’ouvrage réside dans le décryptage de ce que l’auteur dénomme « le modèle français de l’échec ». Le travail d’enquête est sérieux et l’analyse se base sur des témoignages recueillis à des sources nombreuses (documents d’archives, livres d’historiens français, américains, allemands, britanniques….).

Au-delà de cette étude au scalpel de ces échecs militaires, Pierre Servent –fort de son expérience personnelle dans des grands groupes- évoque également des exemples dans la sphère économique de ce « mal français » provenant en partie de cette arrogance des élites. Il relève par exemple cette incapacité des états-majors des entreprises à dresser le bilan de leurs échecs et à adopter ce système en vigueur dans l’armée, le « retex » ou retour d’expérience.

Certes, les grandes écoles forment des diplômés respectés dans le monde entier mais bien souvent le conformisme domine. Malheur aux atypiques et porteurs d’idées différentes ! Le résultat ? les centres du (des) pouvoir(s) sont occupés par des diplômés issus des mêmes matrices : c’est la République des clones !

Pour autant, on observe des frémissements réels d’une prise de conscience et d’un changement des mentalités dans ces hauts lieux de la formation des élites. Polytechnique demande à ses élèves d’entamer leur scolarité par un stage de sept mois dans la police, l’armée ou dans des institutions ou associations. HEC a mis en place des stages courts qui envoient à Saint-Cyr des étudiants désireux de travailler en milieu militaire sur la prise de décision en situation de stress. L’ENA a crée une classe préparatoire « égalité des chances » pour tenter de diversifier les profils entrants. « Normale Sup » a lancé un festival dédié à « l’erreur », soulignant à cette occasion combien de découvertes déterminantes –comme la pénicilline-sont le fruit …. d’erreurs !

Reste évidemment à maintenir cet esprit de conquête, de remise en cause tout au long de l’activité professionnelle pour parvenir à remettre la France sur le chemin du renouveau. Il faut en permanence, conclut Pierre Servent, traquer les dramatiques trois C : le clonage, le cloisonnement et le conformisme.

Au sujet de Jean-Louis Lemarchand

Journaliste économique ayant effectué sa carrière dans la presse écrite (AFP, Les Echos, l’Express, La Tribune, La Revue de l’Energie) et la presse d’entreprise (Vivendi-Universal, Caisse d’Epargne), auteur (en collaboration) d’ouvrages sur l’énergie (Biocarburants ; 5 questions qui dérangent ; Le dernier siècle du pétrole : la vérité sur les réserves mondiales, tous deux aux Editions Technip).

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