Christophe Deshayes a écrit en collaboration avec Michel Berry « Les Révolutionnaires du numérique » publié aux éditions Autrement (mars 2010).

Il est conférencier d’entreprise sur les Technologies de l’Information et de Communication. En 1989, Christophe Deshayes crée Documental, l’observatoire « im-pertinent » des TIC.

OLPC – un PC portable pour un enfant – est un véritable projet éducatif, modèle du genre en matière de collaboration qui devrait inspirer bien des entreprises.

Pour développer le travail, pourquoi ne pas s’inspirer du projet OLPC (un PC portable par enfant) ? Une réussite qui mériterait d’être davantage connue et reconnue !

Toutes les entreprises sans exception veulent aujourd’hui développer le travail collaboratif. Cependant aucune n’engrange de véritables succès en la matière. Il faut dire qu’elles se contentent pour la plupart d’acheter quelques outils facilement estampillés 2.0, espérant ainsi avoir réglé les problèmes de motivation, de comportement, de valeurs, d’organisation inhérents au développement d’une véritable culture de la coopération. Au lieu de travailler en profondeur de telles questions, certains préfèrent même se lamenter sur l’Education Nationale, coupable à leurs yeux de ne pas assez préparer les jeunes (futurs salariés) au numérique et à la collaboration…

Quel dommage que ces mêmes entreprises ne s’intéressent pas davantage au retour d’expérience du projet « One Laptop Per Child (OLPC) – un PC portable pour un enfant », le projet initié par Nicholas Negroponte, l’ancien patron du MIT Media Lab, trop souvent perçu de manière erronée comme un programme de fabrication de masse, de diffusion et de financement d’un ordinateur pas cher pour les enfants des pays en voie de développement alors qu’il s’agit en fait d’un véritable projet éducatif.

La collaboration dès l’école, facilitée par l’accès au numérique

En fait, l’intérêt principal du projet OLPC réside dans son interface très particulière, appelée Sugar. Cette interface ne représente pas des dossiers posés sur un bureau mais plutôt un ensemble d’acteurs avec lesquels on est naturellement invité à interagir et à collaborer. Autre particularité, cette interface est développée par une communauté mixte, composée de développeurs open source et d’enseignants. On comprend dès lors que la collaboration intime, à long terme, de pédagogues et d’informaticiens constitue le deuxième apport du projet OLPC. Ces deux caractéristiques étant évidemment entremêlées.

Le succès ignoré de l’OLPC

Ces petits ordinateurs en plastique vert distribués aux écoles en Uruguay, au Paraguay… sont certes très ingénieux mais ils ne font pas rêver les consommateurs de technologies que nous sommes devenus. Face aux portables issus du monde professionnel ou des tablettes hors de prix mais si « tendance », ces petits appareils verts dénotent. Comment pourrait-on accepter de s’inspirer d’un tel programme, conçu à l’encontre de l’industrie high tech, pour une cible aussi peu valorisante (des enfants de pays dits pauvres) ?
La pression sociale (c’est-à-dire marketing) est trop forte. La chose est donc entendue, nous ne le pouvons pas. Nous n’avons rien à apprendre d’un appareil aussi rustique, fait pour des pauvres, pour des gamins et dont l’interface est si déroutante.
C’est dommage pour nous et c’est dommage pour l’OLPC. C’est peut-être même le plus grand reproche que l’on puisse faire au projet OLPC : avoir adopté une approche trop radicalement alternative qui facilite sa marginalisation. Bien sûr, on objectera que la réussite insolente d’Apple est également fondée sur une stratégie presque aussi radicale mais c’est oublier qu’Apple a bien failli en mourir et qu’ensuite il s’agit d’une entreprise privée dont les moyens marketing ont toujours été mis en avant. Un projet universel comme OLPC ne peut se permettre une telle débauche de formatage des esprits.

Pour découvrir plus en profondeur le programme OLPC, on peut lire sur le site Framablog un intéressant billet sur le sujet et notamment la traduction d’un entretien avec le créateur de Sugar, Walter Bender*, au cours duquel il revient sur la philosophie mal comprise de Sugar Labs.

*quelques éléments extraits de l’entretien avec Walter Bender (à lire sur le site Framablog.org)

A travers les lignes de cet entretien, on peut lire à la fois des pistes pour l’éducation de demain mais aussi un hymne à la collaboration.
« A travers Sugar, nous nous efforçons de procurer à chaque enfant une chance d’apprendre et d’apprendre à apprendre, dans un contexte qui va lui permettre à la fois d’entamer un échange dynamique avec d’autres et de développer des moyens indépendants pour atteindre ses objectifs personnels ». Le projet Sugar est nourri du travail collectif de deux communautés, celle des développeurs de la plate-forme très axés sur la culture du logiciel libre et celles des enseignants. Tous ensembles, ils ont réfléchi à créer un « contexte favorable au développement humain » et un changement de culture scolaire. Ils ont tenté de trouver des réponses autour de questions comme : que devraient apprendre les enfants et comment devraient-ils apprendre ? Devraient-ils avoir accès aux idées qui nourrissent leur culture locale de même qu’aux idées puissantes qui constituent l’héritage global de l’humanité. Devraient-ils aussi s’exercer à l’exploration et à la collaboration, s’approprier des connaissances en menant une démarche authentiquement ouverte de recherche de solutions ?…

Les pires pratiques des TIC pour l’Enseignement

Il y a un débat permanent sur le projet Sugar, certainement parce qu’il est piloté par une communauté mixte (développeurs, enseignants). Les réactions sont multiples et souvent positives. Michael Trucano, bloggeur sur le portail éducation de la Banque mondiale, s’en est inspiré pour publier un « top 10 » des pires pratiques de l’utilisation des nouvelles technologies dans l’éducation.

1. Parachuter du matériel dans les écoles et espérer qu’un miracle se produise.
2. Concevoir via l’OCDE des environnements d’apprentissage à implémenter partout.
3. Penser les contenus éducatifs après la mise en place du matériel.
4. Supposer que vous pouvez uniquement importer du contenu venu d’ailleurs.
5. Ne pas surveiller, ne pas évaluer.
6. Faire un gros pari sur une technologie qui n’a pas fait ses preuves.
7. Ne pas être transparent sur le coût global de l’opération.
8. Négliger les problèmes d’équité.
9. Ne pas former vos professeurs (ni votre directeur d’école).
10. Ne pas impliquer la communauté.

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