La ville de l’Oregon revisite le mode urbain de vie à l’américaine. Les voitures restent au garage et les carrefours prennent des allures de places de village.

Portland est souvent citée comme la plus “verte” des grandes villes américaines. Si la cité de l’Oregon multiplie en effet les actions en matière de protection de l’environnement, elle cumule également les initiatives citoyennes visant à limiter à la source l’empreinte écologique des habitants.

Parmi les programmes mis en œuvre : les “quartiers 20 minutes”. La ville en compte aujourd’hui une vingtaine. L’idée, activement portée par la municipalité, est de réduire à moins de 20 minutes le temps nécessaire à toutes les activités du quotidien, en concentrant à l’échelle du quartier l’ensemble des services essentiels à la vie de tous les jours (épiceries, écoles, transports en commun, parcs et jardins).

Banque de gardiens

L’objectif initial du maire de Portland, écolo convaincu, était d’encourager la mobilité pédestre pour limiter au maximum l’utilisation des voitures. Pari réussi. L’Ainsworth Collective, l’une des associations créées dans la dynamique de ces quartiers, regroupe par exemple une centaine de familles, qui s’organisent pour limiter les déplacements en voiture en misant sur la mutualisation des approvisionnements courants. Plutôt que de prendre leur véhicule pour aller faire leurs courses chez les mêmes détaillants, elles passent une seule commande directement chez un grossiste.

Chaque semaine, l’une d’entre elles prend en charge le déchargement de la commande et fait la distribution dans le quartier. Toujours dans cette optique de rationalisation des déplacements, les membres de L’Ainsworth Collective ont également créé une “banque de gardiens”, pour assurer la garde des enfants, des animaux ou la surveillance des maisons.

Engagement politique

Depuis, les “quartiers 20 minutes” ont étoffé leurs objectifs. Il est en effet apparu que cette organisation de l’espace public générait de la convivialité, renforçait la sécurité et créait de nouvelles dynamiques économiques locales.

Parfois à la faveur d’engagements plus politiques. L’Ainsworth Collective a ainsi glané quelques victoires : refus d’un projet industriel critique pour la propreté de l’air, obtention de nouveaux emplois pour la communauté en échange d’un accord d’installation d’une nouvelle usine de biogaz.

Echanges communautaires à chaque carrefour

Le modèle a donc essaimé, au gré des initiatives autonomes des citoyens. Au point de devenir la norme. À Portland, c’est tout le mode urbain de vie à l’américaine qui se réorganise, rue par rue, quartier par quartier, espace public par espace public. Ainsi, les carrefours et intersections de rues ont été peu à peu réinvestis dans une logique d’échanges communautaires. Tables et bancs ont poussé sur les trottoirs. Les riverains se relaient pour fournir thermos de thé et de café. C’est gratuit, chacun doit juste apporter sa tasse. On s’assoit, on discute.

Dans Sellwood, quartier résidentiel du sud-est de la ville, le croisement de la rue Sherrett et de la 9ème avenue a pris les allures d’une place de village : un point café, une cabane en bois remplie de jouets pour les enfants, un guichet où les riverains peuvent proposer et demander des services de tous ordres, un présentoir de livres et de journaux à échanger.

Pour sécuriser l’endroit, les rues ont été entièrement peintes et graphitées. L’effet est radical : à la vue des premières couches de couleur, les automobilistes ralentissent, conscients d’entrer dans une aire publique singulière, où la vitesse au volant n’est pas de mise.

Approche participative de la planification urbaine

Cette réappropriation des espaces, les habitants des quartiers la désignent sous le terme de share-it-square. Fédérées au sein d’un groupe communautaire, City Repair, les différentes expériences de Portland sont largement cautionnées par la mairie, qui constate que cette approche participative de la planification urbaine rend la ville plus sûre, pour des budgets minimes.

Le conseil municipal a donc officiellement donné son imprimatur, allant jusqu’à créer un Office of Neighborhood Involvement (Bureau de la participation des quartiers), qui centralise les initiatives les plus variées : arrachage d’asphalte, aménagement de jardins potagers, animation de banques de partage de vélos, exposition d’oeuvres d’art, rondes de salons de thé roulants… En 2010, le maire a même lancé un concours d’applications pour téléphones mobiles. Premier prix : un module d’annonce des horaires d’autobus et de tramways.

Avec La Fabrique de la Cité

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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