Les préoccupations liées au nucléaire, la fin du pétrole, les pollutions du charbon, nous interrogent sur l’avenir énergétique. Au-delà des énergies renouvelables (solaire, éolien, énergie marine..) dont Place Publique rend compte régulièrement, d’autres énergies plus massives comme l’uranium, l’hydrogène, le thorium, l’hélium, se présentent comme des énergies du futur. Souvent décriées, elles posent bien des questions qui intéressent le débat public.
Etat des lieux.

Ces énergies liées entre elles par des relations nucléaires, sont volontiers présentées comme « durables », « propres », très énergétiques et donc rentables. Leur économie bute cependant sur des problèmes humains, technologiques et de production de masse. Jugées aventureuses par certains, pleines de promesses par les autres, ces énergies du 3ème type, liées à l’atome, suscitent un véritable débat citoyen dans le monde. La filière uranium est au centre des enjeux actuels. La catastrophe du Japon ravive ce débat sur la sécurité des installations.

L’isotope 235 d’Uranium est le seul élément fissible naturel. Sa fission libère une énergie qui est plus d’un million de fois supérieure à celle des combustibles fossiles pour une même masse de combustible mise en jeu. De ce fait, c’est aujourd’hui la matière première initiale pour toute l’industrie nucléaire. Certes, l’uranium, comme le pétrole ou le charbon, est en quantité finie. Ses réserves étant limitées, il n’est pas considéré comme une énergie renouvelable. Mais on peut l’enrichir et donc augmenter sa longévité. De son côté, l‘hydrogène est inodore, incolore, 100% propre. Ce gaz constitue un vecteur d’énergie en quantité illimitée sur terre, réparti équitablement sur toute la planète. C’est le concurrent le plus sérieux de l’uranium dans le futur. Bon marché, il n’existe pas dans la nature. Il faut donc le produire par électrolyse de l’eau. La réaction produit un proton au lieu d’un neutron, plus réactif avec la matière car le proton à une charge électrique pas le neutron. Si l’hydrogène est en quantité abondante, l’hélium, lui, fait partie des « gaz rares » sur terre, avec le néon, l’argon, le xénon, le krypton et le radon. Une des raisons pour ce fait est que l’hélium est un atome rebelle et solitaire. Mais on peut aussi le fabriquer ou le faire venir de la lune. Et c’est là un des défis pour les temps futurs. Quant au thorium, on en fait un sauveur du nucléaire car il est quatre fois plus abondant.


L’Uranium:

Produite à partir de l’uranium, le nucléaire est l’énergie résultant des réactions impliquant le noyau des atomes. On distingue, grosso modo, deux grandes applications de réactions nucléaires. D’une part, l’énergie de fission utilisée dans les centrales nucléaires. Une fois libérée, elle provoque des réactions en chaîne lorsque le noyau d’un atome lourd se « casse » en deux ou plusieurs noyaux. D’autre part, l’énergie de fusion dite « thermonucléaire », processus par lequel des noyaux d’atomes légers se réunissent. On ne sait pas encore la maîtriser au niveau industriel. L’intérêt du nucléaire est de fournir un kWh électrique pour un coût modéré. A l’heure actuelle, le prix de l’uranium n’intervient que pour environ 5% dans le coût total de production du KWH électrique (contrairement aux combustibles fossiles qui représentent de 50 à 70% de coût). Le coût de production de l’électricité nucléaire est donc très stable. L’énergie nucléaire représente 6 à 7% de la production mondiale d’énergie .

Elle ne connaît pas les mêmes contraintes que le pétrole ou le gaz. L’uranium se situe en effet dans des régions du monde très diversifiées : Canada, Afrique, Australie, Asie centrale. Elle ne s’accompagne pas d’émissions de gaz carbonique, donc elle n’accroit pas l’effet de serre. L’outil principal de l’énergie nucléaire est le réacteur dans lequel une partie de la chaleur est transformée en électricité. Un cœur de réacteur est conçu à partir de quatre constituants principaux: un combustible dans lequel se produit la fission ; un fluide qui transporte la chaleur hors du réacteur ; un modérateur (sauf pour les réacteurs à neutrons rapides) qui permet de ralentir les neutrons ; et des barres de commande qui contrôlent la réaction en chaîne. Des dizaines de réacteurs se construisent à travers le monde, notamment en Asie pour répondre aux besoins grandissants de la Chine et de l’Inde.

On dénombre à l’heure actuelle près de 450 réacteurs nucléaires. Ils fournissent 17% de l’électricité mondiale. Ils sont de plusieurs types de réacteurs; des Réacteurs à uranium naturel/graphite-gaz qui sont aujourd’hui déclassés ; des Réacteurs à eau lourde également déclassées ; puis des Réacteurs à eau ordinaire ou légère qui sont les plus répandus ; enfin les filières de demain (4ème génération) sont représentées par les Réacteurs à haute température (RHT) et les Réacteurs à neutrons rapides, mais également les Réacteurs à sels fondus, et les ADS. Un bémol perturbe cette croissance annoncée : la raréfaction et le coût de plus en plus cher de la matière première –l’uranium- qui laisse envisager un siècle d’approvisionnement en l’état actuel des choses.

Pour assurer la pérennité, les technologies nucléaires devront mieux exploiter l’énergie potentiellement contenue dans l’uranium naturel et avoir un meilleur rendement. Grâce aux Réacteurs nucléaires du futur qui exploiteront plus efficacement l’énergie, les réserves énergétiques en uranium vont ainsi passer du siècle à plus d’une dizaine de milliers d’années. Les réacteurs du futur exploiteront plus efficacement l’énergie. Pour un kW d’électricité produite on ne rejettera que un kWh de chaleur au lieu de deux avec les réacteurs actuels qui utilisent des neutrons lents pour induire la fission. Les réacteurs produiront également moins de déchets.

Le thorium

Le thorium est un métal, qui se trouve naturellement dans des minerais divers, dont la monazite, la bastnaésite et l’uranothorianite. Bien qu’il ne soit pas fissible lui-même, le thorium-232 est un isotope fertile comme l’uranium-238. Bombardé par les neutrons, il se transforme en uranium 233, matière fissile. Le thorium constitue une importante réserve d’énergie nucléaire, en raison de son abondance dans la croute terrestre; il pourrait ainsi fournir trois à quatre fois plus d’énergie que l’uranium-238. Son utilisation nécessite la mise au point d’une nouvelle filière de réacteurs nucléaires surgénérateurs. Il se désintègre plus lentement que la plupart des autres matières radioactives mais sa radioactivité est de 14 milliards d’années. Les applications industrielles du thorium sont développées dans les alliages de magnésium utilisés pour les moteurs d’aéronefs.

La fusion thermonucléaire

A la différence de la fission qui consiste à casser des atomes lourd, la fusion thermonucléaire (encore expérimentale) consiste, par chauffage, à faire fusionner deux atomes de petite taille pour récupérer l’énergie dégagée par cette réaction. La fusion contrôlée est effectuée à partir de deux éléments légers, le deutérium et le tritium, pour former un atome d’hélium. L’objectif des ingénieurs qui travaillent dans ce domaine consiste à vouloir reproduire sur Terre un phénomène semblable à celui qui fait que le soleil brille. On l’appelle aussi l’énergie des étoiles. Pour reproduire ce phénomène, les chercheurs utilisent notamment des réacteurs appelés « tokamaks ».

Avec la fusion nucléaire, nous disposerions d’une énergie presque illimitée et qui, comme pour la filière actuelle des réacteurs à fission, n’émettrait pas de gaz à effet de serre. Son principal intérêt est la réponse qu’elle apporte à l’accroissement des besoins énergétiques, au doublement annoncé de la population d’ici à 2050 et aux problèmes de pollution. Pour produire 1000 MW/an il faut 100km2 de panneaux photovoltaïques, 5600 éoiliennes, 2,6 millions de tonnes de charbon, 1,8 million de tonnes de pétrole, 25 tonnes d’uranium enrichi (fission) et 100Kg de deuterium/150Kg tritium (fusion). Avec un gramme de mélange deuterium-tritium, on peut produire une énergie équivalente à celle dégagée par la combustion de 10 000 litres de pétrole ou de 11tonnes de charbon. Le combustible de fusion est largement disponible.

L’Hélium

Dans l’univers actuel, pratiquement tout l’hélium a été produit lors de la nucléosynthèse du Big Bang, la proportion d’hélium issu de la fusion nucléaire de l’hydrogène dans les étoiles est encore très réduite. Mise en évidence lors de l’éclipse solaire du 18 août 1868, par Jules Janssen, un astrophysicien français, l’hélium ( du grec hélios = soleil) est après l’hydrogène le deuxième élément le plus abondant de l’Univers. Dans l’univers actuel, pratiquement l’ensemble de la production d’hélium provient de la fusion nucléaire de l’hydrogène dans les étoiles.

L’hélium sur terre est créé par la désintégration de l’uranium ainsi que du thorium et de leurs éléments affiliés. Les réactions de fusion nucléaire se produisent lorsque des gaz d’atomes légers (l’hydrogène est un exemple) sont portés à des températures élevées de plusieurs dizaines de millions de degrés. Ces réactions peuvent être observées couramment ; elles sont, en effet, typiques du fonctionnement des étoiles et sont, en particulier, à l’origine de la chaleur et de la lumière que nous envoie le Soleil. Maîtriser sur Terre de telles réactions, à des fins de production d’énergie, ouvrirait la voie à des ressources quasiment illimitées puisque chaque litre d’eau de mer sur lequel on prélèverait 3,3 mg de deutérium deviendrait l’équivalent énergétique de plus de 250 litres de pétrole. On peut ajouter aussi que le produit de ces réactions, l’hélium, n’est pas dangereux, chimiquement et radiologiquement parlant. Il n’intervient pas dans l’effet de serre. Après sa création, la majeure partie est retenue dans la roche (croûte, manteau). Dans la croûte terrestre, une partie de l’hélium est emprisonnée avec le gaz naturel dans des concentrations allant jusqu’à 7 % par volume. Seule, une petite partie est libérée, principalement lors de l’érosion des roches de surface.

L’Hydrogène

A l’instar de l’électricité, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie. L’hydrogène ou plus exactement le dihydrogène (H2) est un « vecteur » énergétique car il n’existe pratiquement pas à l’état naturel. Bien que représentant 98% de la masse de l’univers, ce n’est pas une ressource que l’on peut ramasser, cueillir, extraire, etc… Ce n’est pas une énergie primaire. On la trouve seulement sous forme combinée à d’autres éléments dont il faut l’extraire. En effet, dans la nature, on le découvre essentiellement combiné à l’oxygène (dans l’eau) ou dans les hydrocarbures. il faut donc d’abord dépenser de l’énergie pour produire de l’hydrogène avant de récupérer de l’énergie, via sa combustion, dans une pile à combustible, par exemple. En fait, l’hydrogène peut être produit à partir d’une multitude de sources, et par des procédés très variés : charbon, gaz naturel, éthanol ou résidus pétroliers par reformage, eau par électrolyse ou par dissociation thermochimique, biomasse par pyrolyse ou par fermentation biochimique, éventuellement associées au solaire, nucléaire par dissociation de l’eau à haute température ou électrolyse à chaud, solaire…etc.

Mais voyons ses qualités. Inodore, incolore, abondant, silencieux et pas cher, l’hydrogène n’émet pas de gaz carbonique. C’est l’élément le plus courant sur terre. Qui plus est, sa densité énergétique est telle qu’on peut rouler, pour une même quantité de carburant embarquée, trois fois la distance parcourue avec de l’essence. Selon l’Association Française de l’Hydrogène, l’’hydrogène est la molécule la plus énergétique (2,2 fois le gaz naturel). Son rendement est le double de celui du pétrole. C’est aussi le plus léger des gaz. L’un des grands atouts de ce vecteur énergétique est qu’il pourrait se stocker plus facilement qu’un autre vecteur énergétique très populaire : l’électricité..

Pour l’économiste américain, Jérémy Rifkin, pas de doute, « l’économie du futur sera l’économie de l’hydrogène ». Un argumentaire étayé sur l’idée que l’hydrogène, en combinaison avec des énergies renouvelables qu’il peut stocker (soleil, vent, vagues..) est non seulement propre mais inépuisable. Ainsi l’avait prophétisé, 140 ans auparavant, Jules Verne, dans l’Ile mystérieuse: « Je pense qu’un jour, l’hydrogène et l’oxygène seront les sources inépuisables fournissant chaleur et lumière » ! C’est aussi l’énergie la plus démocratique. Avec un appareil grand comme un réfrigérateur, chacun peut produire son électricité. Rifkin parle de « l’égalité des chances énergétiques ». Des réseaux électriques intelligents, actuellement testés dans la Silicon Valley, pourraient être utilisés pour distribuer l’énergie. Ces réseaux pourraient être employés à la manière d’Internet.

L’hydrogène n’est pas exempt de défauts. Son économie bute sur des problèmes technologiques et de production de masse. Le gros hic ? Son faible pouvoir volumétrique face au gaz naturel ou au méthanol pose un problème de transport et de stockage. L’hydrogène a le défaut de ne pas être compact. Deux possibilités sont étudiées. La stocker dans des réservoirs en composite, selon un procédé très proche de l’industrialisation. Soit dans des matériaux très poreux appelés « hydrures », afin de permettre l’accrochage en surface des atomes d’hydrogène, une technique encore au stade de la recherche fondamentale. Un litre d’essence a le même pouvoir énergétique que… 1 500 litres d’hydrogène à pression ambiante ! Autre facteur qui ternit son image : le risque d’explosion et son inflammabilité. Mais, des recherches ont montré que les risques sont très faibles comparativement aux autres hydrocarbures.

L’hydrogène pur n’existant pas dans la nature, il faut donc le produire soit par électrolyse de l’eau, soit par le reformatage du gaz naturel, soit par l’intermédiaire d’algues. L’extraction de l’hydrogène de composés fossiles génère du CO2 obérant les atouts environnementaux liés à son utilisation. Il faut dépenser beaucoup d’énergie, via une électrolyse consommatrice d’électricité. La solution idéale, selon certains experts, serait en fait de se servir de l’énergie solaire pour fabriquer de l’ hydrogène.

Cet état des lieux renvoie au livre « Energoscope » Guide de toutes les énergies connues et inconnues. Editions Technip. 2010

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ETUDE, Le Magazine, Sciences et société

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