Le dialogue entre représentants des travailleurs et des employeurs– autrement dit, des partenaires sociaux – et entre gouvernements revêt une importance cruciale pour l’élaboration de la riposte européenne à la crise.

La participation de ces partenaires sociaux aux négociations et aux consultations a aidé les entreprises et les travailleurs à s’adapter au changement et a contribué, notamment, à réduire autant que possible les pertes d’emplois en Europe. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport publié aujourd’hui par la Commission européenne. Un dialogue social dynamique a abouti à des solutions telles que l’introduction ou l’extension de régimes de chômage partiel dans plusieurs États membres et secteurs d’activité. Les partenaires sociaux jouent en outre un rôle important dans la bonne application de la stratégie « Europe 2020 » de l’Union pour une croissance intelligente, durable et inclusive.

Évoquant ce nouveau rapport, le commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’inclusion, M. László Andor, a déclaré : « Nous devons sortir de la crise par un dialogue social intensifié, et non atténué ; cela nous viendra aussi à point pour relancer la compétitivité de l’économie européenne. (…) Les États membres qui sont en train de surmonter la crise sont ceux où le partenariat social est le plus solide. » M. Andor a insisté par ailleurs sur les fluctuations du dialogue social dans l’Union : « Le dialogue social reste à un niveau très bas dans bon nombre des pays qui ont rejoint l’Union en 2004 et 2007. Or c’est précisément l’édification d’un solide partenariat entre les représentants des travailleurs et des employeurs qui aidera ces pays à reprendre le dessus. »

Dans une analyse de la première phase de la crise, le rapport sur les Relations du travail en Europe en 2010 passe en revue les accords conclus dans plusieurs États membres et secteurs pour faire pièce à la crise. Dans plus de la moitié de ces pays (Belgique, Pays-Bas, France, Espagne, Pologne, Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, République tchèque, Slovaquie, Allemagne, Luxembourg, Slovénie, Italie, Autriche, Danemark et Finlande), les fédérations patronales et syndicales ont tantôt signé des accords spécifiques entre elles ou avec les pouvoirs publics, tantôt pris part à la conception de mesures politiques gouvernementales consistant essentiellement en l’instauration de régimes de chômage partiel. En Pologne, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, dans la République tchèque et en Slovaquie, la crise a débouché pour la première fois sur de tels accords entre partenaires sociaux à l’échelon interprofessionnel national. Cependant, le degré de consensus varie largement d’un pays ou d’un secteur d’activité à l’autre et des conflits du travail continuent à éclater dans divers États membres.

La flexibilité salariale a occupé une place particulièrement importante dans les débats durant la crise économique. Dans plusieurs États membres, comme l’Irlande, la Grèce et l’Espagne, qui appliquent des mesures d’austérité, les discussions autour du salaire minimal et des faibles rémunérations sont difficiles et délicates. Selon le rapport, la tendance à une décentralisation accrue des processus de fixation des salaires au profit de négociations salariales à l’échelon de l’entreprise se confirme avec la conclusion d’accords salariaux directs entre travailleurs et employeurs.

Parmi les autres aspects mis en lumière par le rapport, citons l’intérêt croissant que manifestent les partenaires sociaux pour le passage à une économie à faibles émissions de carbone. Des exemples sont ainsi donnés de syndicats et d’organisations patronales qui apportent aux plans de redressement de divers États membres, tels que l’Espagne et la Belgique, des propositions concrètes d’investissement dans des techniques et des compétences vertes, ou encore, qui introduisent une dimension environnementale dans le dialogue, en particulier au niveau de l’entreprise. Le rapport souligne qu’à longue échéance le dialogue social est crucial pour un passage bien géré et socialement équitable à une économie à faibles émissions de carbone.

Dans l’ensemble, le rapport confirme que la négociation collective continue à se pratiquer couramment en Europe, où deux tiers des travailleurs sont couverts par une convention collective. On a constaté une lente diminution du nombre de travailleurs syndiqués – moins de 31 % des travailleurs en 2008, contre 37 % en 2000 –, mais celui des adhérents aux organisations patronales, qui détermine largement la couverture des négociations collectives, apparaît comme stable, ce qui n’empêche pas l’existence de différences notables d’un État membre à un autre.

Tout au long de la crise, les partenaires sociaux ont fait montre d’un sens de la coordination et d’une solidarité remarquables d’un bout à l’autre de l’Europe et ont résisté à la tentation du protectionnisme. L’utilité que peut avoir le dialogue social pour la résolution des problèmes doit être pleinement exploitée en cette période d’assainissement des finances publiques. Le rapport montre aussi comment les accords conclus au cours des deux dernières années ont véritablement changé les choses pour les travailleurs européens. Qu’il s’agisse de congés parentaux, de santé et de sécurité ou de marché de l’emploi propice à l’insertion sociale, les partenaires sociaux européens ont montré qu’ils étaient les mieux placés pour trouver des solutions dans le monde du travail, au bénéfice des travailleurs et des employeurs de l’Union tout entière.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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