Dans la Capitale, 50% des allocataires du RSA ayant repris une activité ont pu le faire grâce aux dispositifs de l’économie sociale et solidaire. Seybah Dagoma, adjointe au Maire de Paris en charge de l’ESS, dresse un bilan de sa politique.

Depuis 2008, la Ville de Paris dispose d’une délégation à l’économie sociale et solidaire. De quel budget dispose-t-elle ?

Stricto sensu, le budget réservé à ma délégation pour l’ESS est de 6 millions d’euros. Mais les efforts de la Ville de Paris pour le développement de l’économie sociale et solidaire dépassent largement cette enveloppe, ne serait-ce qu’au travers des 60 millions d’euros du Plan départemental d’insertion (PDI). En termes budgétaires, on est clairement dans une logique de transversalité.

Quels sont les principaux axes d’action de la Ville en matière d’économie sociale et solidaire ?

Notre politique est basée sur le retour à l’emploi de tous les publics, y compris ceux qui en sont le plus éloignés, et la création de lien social. Nous soutenons la création de structures de l’ESS, à savoir les structures d’insertion par l’activité économique, les coopératives, les micro-entreprises, les entreprises sociales, les associations… Et toujours en encourageant la diversification des activités pour répondre aux besoins de publics spécifiques : jeunes, seniors, femmes en situation de mono-parentalité, habitants des quartiers populaires…

Parlons du retour à l’emploi par l’insertion…

On peut d’abord rappeler que dans le cadre du PDI, en 2010, plus de 2500 allocataires du RSA ont retrouvé un emploi grâce à l’économie sociale et solidaire. S’agissant des publics très désocialisés, nous avons également porté et fait voter le dispositif “premières heures”, afin de proposer aux personnes en situation de très grande exclusion de renouer à leur rythme avec le monde du travail. C’est ainsi qu’Emmaüs Défi développe des “bric-à-brac” de quartier, employant des personnes en très grande exclusion. Le premier site ouvert par l’association dans le 14ème arrondissement emploie d’ores et déjà une centaine de personnes, dont de nombreux SDF. Une autre boutique a récemment ouvert dans le 19ème et une troisième ouvrira en septembre 2011, sur le site de l’ancien marché Riquet, toujours dans le 19ème, avec 100 emplois supplémentaires sont à la clé.

L’insertion constitue-t-elle un critère de sélection au niveau des marchés publics de la Ville ?

Nous l’intégrons aux cahiers des charges à chaque fois que nous pouvons le faire. Grâce aux clauses d’insertion introduites dans 113 marchés de la Ville, 166 000 heures de travail ont été réalisées par 135 personnes en insertion à Paris en 2009. Plusieurs centaines de personnes en insertion seront embauchées d’ici à 2016 dans le chantier des Halles, emblématique de futur visage du centre de Paris.

Paris compte aujourd’hui 11 régies de quartier labellisées…

Et de nouvelles régies seront créées d’ici la fin de la mandature. Les régies emploient au total plus de 300 personnes, dont 250 en insertion et 30% de jeunes. Nous avons en outre initié des actions de mutualisation afin de diversifier leurs activités, notamment autour des nouvelles technologies. Nous espérons que l’entrée en vigueur du décret d’application attribuant l’agrément “services à la personne” aux régies, va permettre le développement des services à la personne à Paris. A ce titre, une couveuse dédiée aux services à la personne est également en création au sein de la Boutique de Gestion de Paris et de l’Ile-de-France.

Et pour ce qui est du retour à l’emploi par la création d’entreprises solidaires ?

Sur le volet accompagnement et financement, nous avons augmenté notre soutien à Paris Initiatives Entreprises, plate-forme parisienne de France Active, qui a financé 197 entreprises en 2010 – dont 25 dans l’économie sociale et solidaire -, permettant la création ou la consolidation de 287 emplois. Nous travaillons également avec l’ADIE, qui a accordé 268 microcrédits à des Parisiens en 2009, pour un montant global de 917 000 euros. Enfin, notre partenariat avec la Boutique de Gestion de Paris et de l’Ile-de-France a permis cette année la création de 350 entreprises, dont 155 relevant de l’ESS. Enfin, je citerais notre appel à projets annuel pour l’ESS, qui a permis en 2009 la création de 75 emplois.

Des actions sont-elles spécifiquement menées en direction des coopératives ?

Oui, bien sûr. Les coopératives sont un pilier de l’économie sociale. 109 SCOP existent à Paris aujourd’hui, et nous soutenons leur développement en partenariat avec l’Union Régionale des Sociétés Coopératives et Participatives (URSCOP). Par ailleurs, nous soutenons les 7 coopératives d’activités et d’emploi parisiennes, qui proposent une aide mutualisée et un statut original d’entrepreneur-salarié aux porteurs de projets. Elles ont accompagné l’année dernière 322 entrepreneurs représentant 184 emplois. Enfin, au regard du nombre de dirigeants qui partiront à la retraite ces prochaines années (700 000 d’ici à 2020), nous sensibilisons également les élus locaux à l’intérêt de la transmission des PME sous forme coopérative.

Quid de l’entreprenariat social ?

Nous poursuivons notre soutien à La Ruche, pépinière d’entreprises sociales créée en 2008 dans le 10ème arrondissement, qui abrite une quarantaine de structures employant une centaine de personnes. Parmi elles, nous trouvons beaucoup d’entreprises innovantes. Nous accueillerons le 16 juin prochain à l’Hôtel de Ville le forum mondial des entrepreneurs sociaux, réuni pour les 30 ans d’Ashoka. Paris sera aussi l’une des premières collectivités locales adhérentes du Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES).

Constatez-vous un intérêt accru pour l’économie sociale et solidaire au sein du Conseil de Paris ?

Incontestablement. La plupart de mes délibérations passent à l’unanimité. Aujourd’hui, beaucoup d’élus d’arrondissement, même de droite, veulent leur régie de quartier ! Mais surtout, les budgets alloués à l’ESS ont considérablement augmenté. Pour mémoire, à Paris, avant 2001, l’enveloppe annuelle consacrée à l’insertion par l’activité économique était de 320 000 euros. Aujourd’hui, elle s’élève à 5 millions d’euros. La moitié des allocataires du RSA ayant repris une activité l’année dernière ont pu le faire grâce aux dispositifs de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit d’une preuve tangible de l’efficacité et du développement de ce secteur.

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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