Depuis plusieurs années Andrea d’Ambra mène un combat pour un Parlement européen « aux mains propres ». Un projet qui a notamment pour objectif de demander au Parlement européen de déclarer l’inéligibilité à la députation européenne, des candidats italiens, mais aussi d’autres états-membres, qui ont été, légalement, condamnés par les tribunaux de leur pays, par exemple pour corruption, abus de confiance, trafic d’influences dans l’exercice de leur fonction, incitation publique au racisme, association criminelle ou appartenance à la mafia…

Invité par un groupe de parlementaires européens à venir défendre sa pétition: « Pour un Parlement Européen propre » et ravi que cette initiative ait enfin éveillé, après bien des lobbying auprès du groupe des affaires constitutionnelles, et le soutien de quelques euro-députés italiens directement concernés par les menaces de la mafia italienne, Andrea d’Ambra a découvert comment les parlementaires européens traitaient des plus simples questions de démocratie et d’égalité des citoyens devant la loi: en quelques minutes l’affaire avait été balayée, et Andrea renvoyé dans ses terres: les conditions d’éligibilité des députés européens ne sont pas de la compétence du Parlement européen, l’institution à laquelle ils sont pourtant « élus » pour représenter leurs citoyens.

Puis on lui a gentiment expliqué la démarche à suivre: joindre sa pétition à celles du même genre pendantes devant la commission des pétitions et d’obtenir la modification de la Loi nationale concernant l’élection des membres du Parlement.

Certains euro-députés, à l’exemple de la députée des Verts du Danemark, Margrete Auken, semblaient même surpris qu’il puisse y avoir parmi leurs confrères des personnes condamnées, qui plus est à des peines de prison, assises sur les mêmes bancs et dans la même famille politique, pardon dans le même « parti européen », puisque c’est ainsi qu’ils décrivent les groupes auxquels ils appartiennent, même si les partis qui les compposent défendent des visions politiques et des valeurs fondamentalement différentes.

Bref, en matière de règles électorales pour les élections au Parlement européen, les euro-députés, qui dernièrement ont décidé de façon « communautaire » (entendez que la décision européenne s’applique à nous tous, citoyens européens, sans aucun recours) de ficher tous les citoyens européens et de sanctionner leurs actes, qui seraient répréhensibles sur des critères de simple délation et non pas de condamnation (Acta, Swift etc…), se déclarent cependant incompétents pour décider des procédures à suivre quand il s’agit de leur fonction.

Même si certains euro-députés tentent de changer cette effrayante réalité, force est de constater que les efforts restent assez statiques, la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) du Parlement européen en est toujours à préparer une « proposition de modification de la Loi concernant l’élection des membres au suffrage universel » dont le contenu ne portait pas sur les conditions éligibilité, puisque la délégation italienne du parti « Italia dei Valori », a l’intention de déposer un amendement au rapport de la commission… et l’accord sur ce rapport est loin d’être obtenu.

Alors Andrea d’Ambra a fort raison d’être pessimiste sur ce point. Si le Parlement ne se sent pas concerné par des dispositions de ce genre, aux prochaines élections le Parlement européen sera composé, comme il le craint « non seulement (comme aujourd’hui) d’euro-députés condamnés pour incitation à la haine raciale, mais aussi des personnes condamnées pour des crimes beaucoup plus graves, comme par exemple la mafia ».

Cependant, si l’éligibilité est un souci majeur, le Parlement européen, ne restera effectivement que cet organe « non compétent », tant qu’il ne sera pas soumis à une réelle loi électorale européenne unique qui fixe des règles électorales qui sont les mêmes pour toutes et tous, électeurs et candidats européens et permettent l’émergence de nouveaux profils politiques transeuropéens qui n’auront pas trempés dans les affaires et les scandales nationaux, ne confondant pas mandat national et mandat européen.

L’initiative de Andrea d’Ambra est un premier pas, majeur, et démontre que les citoyens en Europe s’intéressent vraiment aux élections européennes et à leur Parlement européen, elle doit être soutenue, mais elle appelle à une autre initiative plus vaste, celle de le refonte complète de la loi éléctorale européenne. Newropeans, le premier mouvement politique citoyen européen, s’est déjà lancé dans cette tâche. Car c’est également une question de démocratie.

*Marianne Ranke-Cormier est rédactrice en chef de NewropMag Newropeans

Article paru dans http://www.newropeans-magazine.org/content/view/11717/50/lang,english/

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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