Une proposition de loi institutionnalise la “conférence de citoyens” comme modèle central du débat public en matière de bioéthique. Aujourd’hui entre les mains du Sénat, le texte soulève de nombreuses questions.

Le 16 février 2010, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture une proposition de loi du député UMP des Alpes-Maritimes Jean Leonetti relative à “l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société”. Ce, dans le droit fil des réflexions de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques.

De quoi s’agit-il ? D’institutionnaliser le modèle de débat public mis en œuvre dans le cadre des “Etats généraux de la bioéthique” de 2009. Comment ? Au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de décider de l’opportunité de lancer un débat public en amont de l’examen parlementaire. En revanche, les modalités du débat, elles, sont très précisément définies, la proposition de loi imposant le modèle de la conférence de citoyens.

Si nul ne contexte la nécessité de promouvoir et d’organiser la participation citoyenne aux grands débats de société, la proposition de loi suscite un certain nombre de questions et de critiques.

Sur le timing :

 La loi n’est-elle pas précipitée, alors que les arrêtés sur les « Espaces éthiques régionaux” (EER), où se déroule aujourd’hui de facto le débat public, ne font toujours attendre du côté de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé ?

Sur la finalité :

 La loi n’envisage le débat public qu’en préparation de l’examen parlementaire de projets de loi déjà charpentés. De ce fait, le débat ne se ferait véritablement qu’à la marge, et non en amont pour identifier et évaluer les besoins de réforme.

Sur la portée :

 Pourquoi ne pas élargir le champ d’application de la loi, limité aux questions “soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé” (article premier) ?

Sur l’arbitrage :

 Le CCNE présente-t-il des garanties suffisantes de neutralité pour avoir l’initiative des débats, dans la mesure où il doit lui-même rendre des avis ?

 Face un pouvoir d’initiative cédé au CCNE, quid de l’initiative citoyenne ?

 Quel sera le rôle de la Commission nationale du débat public (CNDP) ?

Sur la méthodologie :

 Pourquoi concentrer les modalités de débat à des états généraux incluant des conférences de citoyens ?

 Le modèle de la conférence de citoyens est-il en l’occurrence le plus approprié ?

Lire aussi : « Science et société » : une autre façon de débattre

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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