Le stockage souterrain de gaz carbonique pour des milliers d’années pose toutefois des problèmes d’acceptation sociale.

Même si le CO2 n’est pas un déchet, mais une ressource présente à l’état naturel, sa concentration dans des cavités souterraines pour des milliers d’années pose un certain nombre de problèmes, à commencer par l’acceptabilité sociale. Les ingénieurs, qui observent les réactions du public à l’enfouissement des déchets nucléaires, ne méconnaissent pas cet obstacle. Mais la capture et le stockage du CO2 (CSC) pour lutter contre les émissions dans l’atmosphère des gaz à effet de serre, a été abondamment commentée au sommet de Copenhague compte tenu du potentiel de cette technologie : elle devrait permettre de neutraliser entre 20% à 40% des émissions de CO2 vers 2050 !

De nombreuses expérimentations sont déjà menées

Alstom, en pointe sur la mise en œuvre de ce concept, cherche à dépassionner le débat : « Le CO2 est aussi produit naturellement dans l’atmosphère, or il ne brûle ni n’explose jamais. Il constitue même 8% de la respiration humaine ! », affirme l’industriel. Par ailleurs, à propos des risques inhérents à la concentration de dioxyde de carbone, « de nombreuses accumulations naturelles de CO2 ont déjà été découvertes sous terre, piégées là depuis des millions d’années, exactement de la même manière que ce que nous préconisons aujourd’hui ».

En outre, des expériences de séquestration du dioxyde de carbone ont déjà été menées dans le monde. Au total dans le monde, quelque 150 expérimentations sont menées sur des sites pilotes, y compris en France à Lacq par Total. Depuis 1996, les experts étudient le comportement du site de stockage d’Utsira, une saline aquifère située à 1000 mètres de profondeur sous la Mer du Nord, pour vérifier notamment qu’aucune fuite n’apparaît.

Au Canada, les émissions de CO2 d’une centrale thermique installée aux Etats-Unis sont injectées sous pression dans un forage pétrolier. D’une part, cette technique améliore le rendement de l’extraction. D’autre part, elle élimine du carbone de l’atmosphère en l’enfouissant sous terre à la place du pétrole. Toujours au Canada, Alstom a conclu un accord avec l’électricien canadien Transalta, et vient d’inaugurer une installation aux Etats-Unis. Il s’est associé à Statoil pour capturer les émissions d’une centrale au gaz naturel en Norvège.

Plus récemment, l’italien Enel et la Chine ont signé un contrat de même nature pour une centrale à charbon, l’injection du gaz dans un gisement pétrolier devant, comme dans l’exemple canadien, accélérer la production de pétrole. GDF Suez profite de l’expérience acquise sur des sites de stockage souterrain de gaz naturel pour se lancer dans la séquestration du CO2 et procède à des injections en sites souterrains dans l’offshore aux Pays-Bas, en Norvège, en Allemagne comme en Algérie.

Objectif : 3000 sites opérationnels dans 40 ans

Cette technique de l’enfouissement est bien maîtrisée, insistent les opérateurs. Elle a ses défenseurs. En 2002, Le BRGM, l’IFP et l’Ademe ont fondé en France le Club CO2 pour en assurer la promotion. Elle fait aussi l’objet de nombreuses communications. Ainsi, en octobre 2007 un colloque international sur la capture et le stockage géologique du CO2 s’est tenu à Paris ; c’était le deuxième du genre. On y débat des questions de sécurité, mais aussi des différentes technologies qui permettent d’isoler le CO2 (en amont en travaillant sur le combustible, en aval par extraction dans les fumées de combustion, ou après concentration par la présence d’oxygène). Alstom, par exemple, a recours à la technique de l’ammoniaque réfrigéré qui permet de réduire de 90% le CO2 émis par les fumées de combustion. Mais ces différentes techniques ne présenteront d’intérêt que dans la mesure où elles pourront être adaptées aux centrales existantes (et pas seulement aux nouvelles) pour les rendre moins polluantes.

Une fois le dioxyde de carbone capturé, il est injecté dans des gisements de gaz ou de pétrolé épuisés, ou à plus grande profondeur (environ 1000 mètres) dans des aquifères à la place de l’eau qui s’y trouve. Plus profond encore (environ 1500 mètres), il est possible de stocker le CO2 dans des cavités salines dont a dissout une partie du sel en injectant de l’eau. On peut aussi utiliser des mines désaffectées aux accès faciles, mais aux volumes relativement peu importants comparés aux autres possibilités. En théorie, les capacités de stockage pourraient porter sur plusieurs dizaines de siècle dans le monde. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui soutient le développement du CSC, a déjà fixé un plan de marche : disposer d’une centaine de sites en grandeur réelle en 2020 dans le monde, 850 en 2030 e t plus de 3.000 d’ici à 40 ans.

Répondre au défi posé par le recours croissant au charbon

Mais les expérimentations sur des sites pilotes manquent encore de recul. Or, des inquiétudes pour la sauvegarde de l’environnement se sont exprimées, concernant des risques d’acidification des terrains, de mélange avec des nappes d’eau potable, ou de concentration excessive de dioxyde de carbone en cas de perte d’étanchéité du réservoir. Ce sont ces inquiétudes auxquelles les experts et les politiques vont devoir répondre.

L’analyse de la situation oblige à considérer le CSC avec attention. Aujourd’hui, 40% des émissions de CO2 dans le monde proviennent aujourd’hui de la production d’énergie. Sur ce total, 71% des émissions sont issues de centrales au charbon, 18% au gaz et 11% au pétrole. Or, la production d’énergie devrait augmenter de 60% d’ci à 2030 selon l’AIE, avec une part de plus en plus importante pour le charbon, le plus gros émetteur de dioxyde de carbone. Le statu quo, qui consisterait à émettre toujours plus de CO2 dans l’air, serait donc une faute.

Or, dès 2020 à en croire Alstom, le CSC pourrait permettre aux centrales européennes à énergie fossile d’atteindre le « zéro émission » de CO2. Au milieu du siècle, l’Union européenne pourrait enregistrer une réduction du total de ses émissions de plus de 50%. Et la séquestration permettrait de répondre au problème que poseront l’Inde et la Chine qui seront à l’origine de 60% de l’augmentation des émissions dans les vingt prochaines années. Le CSC pourrait ainsi être à l’origine d’une baisse de 20% des émissions mondiales de dioxyde de carbone au milieu du siècle, toutes activités et tous pays confondus.

Une rentabilité aujourd’hui non assurée

Les projections sont plutôt intéressantes…. Trop, même. Car les promoteurs de cette technique ne peuvent oublier qu’elle n’est pas, actuellement, rentable. Ce qui constitue un frein déterminant à son développement. Le captage et le stockage d’une tonne de CO2 coûte aujourd’hui environ 90 euros la tonne.

On est très loin de son prix en bourse, qui a baissé et se traîne actuellement autour de 15 euros la tonne. Mais avec l’industrialisation, les experts considèrent que le coût du CSC pourrait être divisé par trois dans vingt ans. Or, à cette échéance, les experts qui ont planché sur la taxe carbone en France estiment que le prix d’une tonne de CO2 sur le marché pourrait atteindre 100 dollars. Ce qui rendrait cette technologie compétitive.

Reste à lancer les investissements. Des aides existent en Europe, mais elles sont plafonnées à 50% des montants. Un niveau dissuasif pour accélérer la construction des démonstrateurs, estime le groupement Eurelectric, qui contribue involontairement à faire naître des doutes sur la rentabilité future de ces installations.

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