Bruce Jones, Joachim Hauser, Jacques Rougerie, Hervé Bourgeois, ces architectes visionnaires, admirateurs de Cousteau et de Jules Verne, n’hésitent pas à se jeter à l’eau pour voir leurs rêves aquatiques se réaliser. Souvent dans le plus grand secret.

Dès aujourd’hui, il est possible de séjourner en hôtel subaquatique, dans une chambre tout confort avec vue sur les coraux, devant une vaste forêt de gorgones aux ramifications multicolores et la possibilité à loisir de contempler les poissons tropicaux. Les projets de laboratoires, d’habitats et même de villes subaquatiques ne sont plus seulement dans les cartons.

Le premier hôtel sous-marin du monde, le Jules Undersea Lodge, se trouve en Floride, près de Key Largo, à 6 mètres sous l’eau. Mais il faut être plongeur avec bouteilles pour y séjourner. Pour les non-plongeurs, un des chantiers les plus avancés, le Poséidon Undersea Resort, est situé dans un lagon des îles Fidji. Les deux tiers de sa surface sont transparents, permettant d’admirer les fonds marins du Pacifique. Conçu par l’entreprise US Submarines, l’hôtel compte 24 suites de luxe de 50 mètres carré, immergées à 15 m de profondeur. Disposant d’une vue imprenable sur la faune et la flore marines, ces chambres sont desservies par un ascenseur depuis une plate-forme off-shore. Mais pour les riches élus qui voudront y séjourner, il faudra attendre la mi-septembre 2009 pour réserver.

Autre réalisation : l’Hydropolis Under Water Resort Hotel, ancré à 20 mètres de fond et 300 mètres des côtes, dans le Golfe Persique. Fruit de l’imagination de l’architecte allemand, Joachim Hauser, il intègre un complexe de plus de 200 suites. S’étendant sur 75.000 mètres carrés, il comprend un espace « land station » où les visiteurs sont accueillis sous un toit qui ressemble à la crête d’une vague géante. On accède ensuite aux chambres par un petit train qui roule dans un tunnel de verre, long de 450 mètres. La forme du complexe ressemble à des méduses et des tortues de mer. Les technologies utilisées sont faites pour résister aux typhons et à la force des courants. A terme, le complexe offrira divers services : un laboratoire de recherches marines, des salles de congrès, un théâtre opéra, un centre de thalasso-thérapie et une clinique de chirurgie esthétique et des prestations de type médicales pour le bien être des résidents.

La ville d’Istanbul a également fait part de son intention de créer un hôtel sous-marin en 2010, l’année où elle sera capitale de la culture. Il devrait être bâti dans le détroit du Bosphore, sur les ruines d’une ancienne manufacture de tabac datant de 1930. Il comprendra des restaurants, des halls d’exposition et des chambres avec vue sous la mer. A condition d’y voir quelque chose, déclarent, sceptiques, certains experts, qui précisent qu’en cet endroit là, on ne voit pas à 5 mètres sous l’eau.

L’architecte sous-marin, Jacques Rougerie, n’est pas le premier venu dans le club très fermé des « meriens ». C’est même l’un des pionniers. Pour lui, l’eau est un mode de vie. Il est l’un des très rares professionnels dans le monde à se consacrer essentiellement à l’architecture sous marine, ou en lien avec la mer ou l’eau. C’est aussi le plus connu du grand public.

Il a créé l’aquarium de Brest, Océanopolis, et celui de Boulogne-sur-mer, Nausicaa. Il participe aussi au projet de Musée d’archéologie sous-marine, lancé par l’Unesco et le gouvernement égyptien, au large d’Alexandrie en Egypte.

L’idée d’amener le public sous l’eau pour observer et faire revivre des vestiges restés sous six mètres d’eau pendant des siècles le passionne. Il a très tôt, en 1977, réalisé des maisons sous-marines, Galathée et Hippocampe. Il a également traversé l’Atlantique en 1985, à bord de l’Aquaspace, un trimaran à la coque centrale complètement transparente. Cela fait ainsi trente ans qu’il travaille sur le concept de « village sous-marins ».

Selon Jacques Rougerie, qui a lui-même passé 70 jours dans un habitat sous-marin, « habiter la mer », représente une chance pour le futur de l’humanité. D’ailleurs on n’a pas le choix. Faire machine arrière, arrêter la montée du thermomètre et limiter la montée du niveau marin? Trop tard ! il rejoint en ça de nombreux spécialistes et auteurs qui préfèrent anticiper la montée du niveau de la mer. «Pour le siècle à venir, on pourra infléchir un peu le phénomène mais pas l’arrêter. Ce sera à l’homme de s’adapter à son milieu et non l’inverse», s’accorde à penser Gérard Lebahy. (« Le littoral agressé ». Edition Apogée. 2006) : «La fin du siècle, c’est tout proche de nous. La mer qui monte trop haut, nos enfants la verront sans doute. »

Jacques Rougerie estime que, d’ici dix ans, 10 à 20 000 personnes auront séjourné dans l’espace ou sous la mer pendant longtemps. Lui aussi trouve dans le Golfe Persique l’opportunité de déployer ses projets les plus futuristes. Ainsi le « City of Ocean » à Abou Dhabi. Encore à l’étude, ce complexe touristique, prenant place au cœur du plus grand lagon semi-artificiel jamais construit pour l’homme devrait comprendre 180 chambres, à douze mètres de profondeur, des salles de conférence, un bar, un spa, des boutiques, des bureaux, un restaurant et aussi un amphithéâtre permettant de présenter des spectacles aquatiques. Il est surplombé, en surface, par trois tours géantes, en forme de coquillage, représentant les trois doigts du dieu Neptune. La principale prouesse consiste à fabriquer de vastes baies transparentes en polycarbonate capables d’offrir des surfaces étanches et résistantes à de fortes pressions. L’air de cet hôtel devrait être comme l’air en surface. Pour les fans de plongée, les sorties en mer se feront par des accès aménagés à cette intention.

Jacques Rougerie s’est attelé depuis 2005 au projet Sea Orbiter. Un projet mené en collaboration avec l’explorateur des grands fonds, Jacques Piccard, (Ce précurseur est décédé le samedi 1er novembre 2008, à l’âge de 86 ans) Jean-Loup Chrétien, astronaute, et Bill Todd, responsable du programme NEEMO, à la NASA. Objectif : créer une maison iceberg, robotisée et dérivante, pouvant accueillir 8 à 10 personnes pendant six mois sans avoir à remonter à la surface et tester, à cette occasion, les résistances du corps humain en milieu très extrême. Des caméras-robots télé-opérées par câble offriront des images marines jusqu’à 600 mètres de profondeur. L’ensemble de ces mesures compléteront celles déjà disponibles grâce aux satellites et aux bouées.

Les biologistes trouveront dans cette base le moyen privilégié d’observer les écosystèmes marins en direct et de prélever des échantillons de plancton. Les spécialistes des mammifères marins pourront suivre leurs migrations grâce à des sondes acoustiques situées sur la structure. Le point fort de Sea Orbiter réside dans le fait d’avoir une permanence et un nouveau regard sous l’eau. On peut sortir sous la mer à moins 12 mètres pour travailler sous l’eau et revenir autant de fois qu’on veut.

L’autre mission de ce laboratoire est de mettre en situation les astronautes qui vont se rendre dans l’espace. Le module de vie est comparable à celui d’une capsule spatiale et permet de suivre le séjour des équipages ; le promiscuité, l’isolation, les sorties hors du module. Le SeaOrbiter devrait voir le jour en 2011, et après une année d’essais, devrait débuter ses expéditions en 2012.

Dans le même genre, existe la station Aquarius, au large de la Floride, près de Key Largo, à vingt mètres de profondeur. La station peut, soit dériver selon les courants (2 propulseurs électriques sont en complément), soit se fixer en un point donné. Elle accueille des scientifiques. La NASA s’en sert comme centre d’essai pour préparer sous l’eau les vols de longue durée des astronautes. Par équipes de six, ces derniers vivent jusqu’à 30 jours, dans des conditions similaires à celles qu’on trouve dans l’espace.

Vivre sous la mer en s’affranchissant des contraintes d’un lieu de vie entièrement immergé, c’est le projet développé par Hervé Bourgeois. Lors d’une visite au Grand Palais pour voir l’exposition « Les trésors engloutis d’Egypte », cet architecte tombe en pâmoison devant la statue féminine sans tête de la déesse d’Egypte sans visage, Arsinoé III. Cette statue en granite noir, sauvée des eaux inspire ce passionné de la mer. Il rêve alors d’un habitat sous-marin accessible et futuriste. Lui vient l’idée d’un récif artificiel, « un édifice entre deux mondes, terre et mer pour ne laisser découvrir qu’une ‘corolle’ affleurant la surface de mer ».

Cette grande fleur de mer repose sur un concept technique simple : un seau évidé en son intérieur permettant l’utilisation de son volume à l’air libre !
La forme est celle d’un anneau sur lequel on accoste avec des embarcations légères. Les parois sont disposées de cabines avec vue. D’un côté, la Mer, de l’autre, un Jardin. Au centre du cercle s’élève une pyramide vitrée qui capte les rayons du soleil et les renvoie vers les cabines et les jardins en profondeur. Les algues et coquillages qui recouvrent la façade, vont devenir la villégiature de nombreuses espèces, récif artificiel invitant les poissons à venir s’y nourrir. Arsinoe III est en grande partie autonome. Il utilise les dernières technologies en matière de production d’énergie : cellules photovoltaïques/ pompe à chaleur / utilisation de la pression de l’eau / désalinisation de l’eau de mer/ traitement des eaux usées.

 voir le site de SeaOrbiter

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