Demandez aux anciens qui vivent au bord des océans à quelle époque remonte la mer, ils vous répondront qu’elle existait déjà à l’aube de l’humanité et que pendant longtemps elle recouvrit la terre.

La plupart des légendes et des cosmogonies, qu’elles concernent les Indiens d’Amérique ou les Mélanésiens du Pacifique, les hommes de l’Antiquité classique, ou ceux de l’Orient, reprennent cette explication. Pour les marins, la réponse est plus prosaïque. La mer représente la grande artère commerciale du monde. L’humoriste français, Alphonse Allais, l’appelle « la grande rue »… «et si elle ne déborde pas, c’est parce que la Providence, dans sa sagesse y a placé des éponges ». Et voilà : nous sommes tous un peu des Alphonse Allais ! En fait, nous savons peu de choses sur l’origine de la mer.

L’océan primitif apparaît à la suite de déluges provoqués par la création de l’atmosphère vers 4,2 milliards d’années. Soit 9 milliards d’années après la création de l’Univers (Big Bang) et approximativement 500 millions d’années après la création de la terre. A sa naissance, la jeune planète était très chaude et tournait à vive allure. Durant cette période ou la terre ressemblait à l’image que l’on se fait de l’enfer, des milliers de volcans se sont formés à sa surface sous l’effet de bombardements d’astéroïdes gigantesques. De leurs cratères, se sont échappées d’énormes quantités de gaz et de vapeur d’eau. Une fois rafraîchie, la vapeur d’eau s’est condensée et s’est transformée en eau. Dans cette eau liquide qui fait de la terre une exception, les acides aminés se sont organisés, formant des protéines et des acides particuliers : ARN et ADN.

Tout est en place pour qu’apparaisse la vie, il y a 3,8 milliards d’années. Grâce au mécanisme de la photosynthèse, apparu il y a 2,6 milliards d’années, les organismes vivants ont commencé à utiliser le carbone du dioxyde de carbone atmosphérique dissout dans l’eau. Ils ont ainsi progressivement libéré de l’oxygène. Le fer qui était présent en grandes quantités s’est oxydé et a formé des croûtes importantes au fond de l’océan. La mer s’est purifiée. Avec l’effet de serre, la permanence d’eau sur Terre dispose d’un thermostat qui régule les conditions climatiques à la surface du globe. Cet effet de serre est lui-même contrôlé, pour l’essentiel, par l’abondance de deux gaz dans l’atmosphère: le dioxyde de carbone libéré par les phénomènes volcaniques et la vapeur d’eau.

Le début de l’Ere Primaire ou « Paléozoïque » (-540 à -245 millions d’Années) signe un événement considérable: la sortie des eaux. C’est l’explosion de la biodiversité, supposée il y a 460 millions d’années. Pour la première fois, des êtres peuplent les terres émergées. Les plantes (algues, mousses, fougères), et les animaux (batraciens, insectes) s’invitent dans le paysage. D’’immenses forêts de fougères et d’arbres primitifs se multiplient dans des lagunes et des marécages où volent des libellules géantes. Les reptiles apparaissent, puis surviennent parmi eux les ancêtres des mammifères (reptiles mammaliens).

Pendant la période suivante, le « Mésozoïque » (Ere secondaire), la Terre se transforme radicalement avec la modification des continents, des océans et des montagnes. Le niveau des eaux remonte significativement et laisse de très importants dépôts calcaires dans l’hémisphère nord. Les mollusques dominent le monde. Les reptiles se diversifient encore. Les plus célèbres sont les dinosaures. Les premiers petits mammifères voient le jour.

C’est bien plus tard, à l’Ere Tertiaire et l’Ere Quaternaire, (-65 millions d’années à aujourd’hui) sous ce qu’on appelle » le Cénozoïque », que se forment les grandes chaînes de montagne actuelles, et les océans tels que nous les connaissons. Les mammifères prennent bientôt la place des reptiles. Parmi eux, les Primates. Sur cet arbre généalogique, il y a 7 millions d’années, pousse une branche particulière sur laquelle on trouve les australopithèques puis l’Homme, qui apparaît vers 2,5 millions d’années.

La mer est « un monde sans soleil » comme le dit Cousteau. Mais c’est au soleil qu’elle doit presque tout. C’est en effet le rayonnement solaire qui met en mouvement les océans en les chauffant. Il met aussi en mouvement l’atmosphère qui, à son tour, donne de l’énergie à l’océan. Les gaz qu’on rencontre dans l’atmosphère se retrouvent tous dans l’eau de mer. Par leur influence combinée, le soleil, la rotation de la terre, les vents, mais aussi l’attraction de la lune – sans laquelle la nuit ne serait pas la même, ni le rythme des marées – , se conjuguent pour déplacer l’eau des océans et donner les vagues, les marées, les tourbillons, les courants chauds et froids.

Sans l’océan mondial, l’élévation de la température pourrait être de plus ou moins 18°. Les océans contribuent à homogénéiser la température aux différentes latitudes. Les principaux courants dans l’Atlantique sont le Gulf Stream, le courant du Brésil, Sud et Nord-équatorial, le contre-courant de Guinée qui est chaud, le courant de Benguela, des Canaries, du Labrador et du Groeland qui sont froids. Dans le Pacifique les plus importants sont le Kuroshio (chaud), l’Oyashio et le courant d’Humboldt (froids). Dans l’Océan Indien, c’est le courant des Aiguillles (chaud).

La température moyenne en surface est de 17,5°C (soit +3°C par rapport à l’air). L’équateur thermique (au nord de l’équateur géographique) est à 27-28°C. A partir de 1500 – 2000 m de profondeur, les températures tendent à s’uniformiser entre 0 et 3°C. Au total, la température moyenne des océans est seulement de 3,5°C. L’eau de mer gèle aux alentours de -1,9 degré. Cela est variable selon la salinité.

Il y a dans l’eau de mer 96,5% d’eau pure et 3,5% d’autres substances comme les gaz dissous, les substances organiques et des particules solides. Elle contient en moyenne 35 grammes de sel par litre. Il y a plus de sel dans les mers qui s’évaporent vite, par exemple : la mer Rouge ou la mer Méditerranée. La teneur saline est plus faible dans les mers intérieures comme la mer Noire où viennent se jeter les grands fleuves polaires et dans les mers polaires.

Physiquement, les océans recouvrent 71% de la surface de la planète, soit près de 361 millions de km2. Ils renferment 1322 millions de km3 d’eau. L’océan Pacifique occupe la moitié des océans avec 180 millions de km2. L’Atlantique totalise 106 millions de km2 et l’océan Indien 75 millions de km2.

Les fonds marins sont composés en grande partie de roches volcaniques et de sédiments. Les plus anciens océans ont 200 millions d’années. La mer Rouge est le plus jeunes des océans. Sa formation remonte à 20 millions d’années. L’Atlantique, lui, date d’environ 125 millions d’années.

Certains fonds marins sont dits « terrigènes », parce qu’ils proviennent des terres émergées : graviers, galets, sables, argiles, vases… charriées par les rivières et les vents. D’autres sont dits « organogènes ». Il s’agit de débris d’organismes (algues calcifiées, restes de mollusques ou de coraux, mais aussi boues siliceuses ou calcaires…). Les troisièmes sont hydrogènes, créés par précipitation, au sein même des eaux à partir de substances dissoutes.

Ces fonds océaniques sont constitués d’énormes montagnes qu’on appelle les « dorsales ». Hautes de 2000 mètres en moyenne, elles s‘étendent sur 60 000 kilomètres et sont larges de 1000 à 3000 kilomètres. Cette immense chaîne traverse de grandes plaines abyssales qui sont profondes en moyenne de 4000 à 5000 mètres. Le relief occupe le tiers des océans, soit l’équivalent de l’ensemble des continents réunis. Les fosses océaniques dépassent toutes 6000 mètres de profondeur. Les récifs coralliens des océans aux eaux froides peuvent avoir jusqu’à 8500 ans et mesurer 35 mètres de haut, 40 kilomètres de long et trois kilomètres de largeur

Les conditions désertiques et l’obscurité qui règnent dans les fonds abyssaux n’empêchent pas qu’ils forment un immense réservoir de biodiversité. 50 % de ce qu’on rapporte des grands fonds marins consiste en de nouvelles espèces. De ce point de vue, les océans sont bien supérieurs aux forêts tropicales. Près de 23 000 espèces de poissons ont été répertoriées à ce jour. 35 nouvelles espèces marines sont découvertes par semaine… 90 % du monde marin animal et végétal vivrait le long du littoral.

Qu’est ce qui différencie une mer d’un océan ? Dans le langage courant, ils sont mêlés. Mais si l’on veut être précis, l’océan est plus grand, il est plus profond, et ses rivages appartiennent à des continents différents. Les océans sont reliés entre eux. Les mers, elles, sont considérées comme des petites parties d’océans : la Manche, la mer Méditerranée, la mer du Nord, l’Arctique, la mer des Caraïbes sont liés à l’Atlantique. Tandis que la mer de Chine, la mer Jaune, les mers de Béring, du Japon, d’Okhost, des Célèbes, sont liées au Pacifique. La mer Rouge, la mer d’Oman, la mer d’Andaman, le Golfe Persique, le golfe du Bengale, sont eux en relation avec l’océan Indien. Mais certaines mers ne communiquent pas avec l’océan mondial : la mer Baltique, ou la mer d’Azov. D’autres mers comme la Caspienne ou la mer d’Aral sont totalement fermées.

La recherche marine s’appelle l’océanographie. Elle est essentiellement multidisciplinaires. Il y a donc plusieurs types d’océanographes. Certains s’occupent de la physique et de la chimie des eaux marines en surface et en profondeur. Ils étudient sa température, sa salinité, ses gaz, et l’ensemble de ses propriétés. Une partie de ces chercheurs s’intéresse à la dynamique des eaux : les vagues, les marées, les courants.

Une deuxième catégorie d’océanographes, plutôt de formation géologique, s’intéresse aux roches sur ou dans lesquelles les eaux circulent. Ils étudient les rivages et les fonds sous-marins.

Enfin, une troisième partie de l’océanographie composée surtout de biologistes concerne les êtres vivants qui vivent dans les océans. On peut ajouter à ce classement l’apport de l’océanographie humaine et économique qui traite de l’activité maritime et du commerce sur l’eau. Mais ces différentes activités, qui opèrent dans le même milieu naturel, ont des liens étroits. Les spécialistes de la pêche sont, par exemple, amenées à connaître non seulement la vie des poissons, leur comportement, mais ils doivent aussi maîtriser l’art de la navigation, connaître les courants, les marées.

C’est grâce au ciel que l’on connait mieux la mer ! Enfin… grâce à l’astronomie et aux méthodes nouvelles de l’horlogerie inventées au milieu du XVIIIe siècle. Et surtout grâce à l’invention de la lunette astronomique en 1609 qui ouvre la voie à de nombreuses découvertes.

Ces instruments vont aider les marins à mieux voir le ciel et par voie de conséquence à mieux naviguer. Ainsi, l’Observatoire Royal, qui va devenir l’Observatoire de Paris, est né en 1667 du projet, de créer un observatoire équipé de bons instruments permettant d’établir des cartes pour la navigation.

L’un des objectifs est de permettre au Roi Soleil d’assurer la suprématie de son pouvoir sur les mers du monde. En complément de l’Académie des sciences fondée en 1666, sa mission est de développer l’astronomie au profit des sciences de la navigation et de la géographie.

L’astronomie est alors prête à fournir les latitudes et les longitudes des lieux avec la précision que souhaitent les marins, les militaires, les marchands. Le ciel et la mer forment un couple inséparable, et pas seulement à l’horizon ou dans les tableaux de Turner. L’océan mondial joue aussi un rôle fondamental dans les changements climatiques. Et c’est pour cela que l’océanographie est un domaine si important pour l’avenir de l’humanité.

La cartographie maritime (appelée « hydrographie ») trace les voies de la circulation mondiale. Avec les voyages des navigateurs de la Renaissance, la totalité des océans devient connue. Le Portugal et l’Espagne établissent des connexions avec les routes maritimes arabes, malaises, indiennes, chinoises… aboutissant à une véritable internationalisation via les mers.

Le XVIe siècle marque ainsi une rupture dans l’histoire des civilisations. Jusque-là, les grandes invasions qui ont modelé les cultures et les peuples sont venues des steppes de l’Asie centrale. À partir du XVIe siècle, les grands événements culturels et les migrations de masse qui modifient la géographie du monde deviennent tributaires de la mer. Les Arabes ont commencé à décliner lorsque les Portugais et les Espagnols se sont mis à naviguer. Plus tard, sur le plan de l’histoire commerciale et maritime, la France et la Grande-Bretagne jouent les rôles principaux. Les deux nations se livrent une guerre sans merci dans les mers du Sud. Des milliers de navires géants sillonnent chaque jour les mers, emportant dans leurs cales des tonnes de marchandises distribuées aux quatre coins de la planète. Sans transport maritime, il n’y aurait pas d’échanges entre pays. Les avions n’y suffiraient pas.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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