Place Publique revient sur le témoignage de Natasa Kandic qui souligne l’absurdité du procès.
Natasa Kandic a poursuivi son témoignage le 1er juillet 2009, date de la reprise du procès de Florence Hartmann.

TEMOIGNAGE DE NATASA KANDIC – le 17 juin.

Directrice du Fonds pour le Droit Humanitaire de Belgrade, une ONG qui s’occupe de justice transitionnelle et qui rassemble des documents relatifs aux crimes de guerre. Mme Kandic a reçu de nombreux prix pour la défense des droits humains et figure parmi les héros de l’année 2003 du « Time magazine » et parmi les héros des soixante dernières années du palmarès 2007.

Bien avant que Florence Hartmann ne publie le livre et l’article incriminés, les médias et les ONGs de Serbie discutaient constamment et ouvertement des documents du Conseil Suprême de Défense (CSD) et des décisions controversées rendues par TPI suite à la demande de l’état serbe d’expurger certains passages de ces documents de peur qu’ils ne soient utilisés devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) dans le cadre de la plainte pour génocide déposée par la Bosnie contre la Serbie, a déclaré Kandic.

Les informations pour lesquelles Florence Hartmann est poursuivie étaient de notoriété publique et d’intérêt public. Par ailleurs, les représentants officiels de la Serbie défendaient publiquement l’importance pour l’état serbe de cacher les archives du CSD. Kandic a rappelé qu’il lui semblait parfaitement illogique, à elle comme aux organisations pour les Droits de l’Homme de la région, « qu’une seule personne soit montrée du doigt pour avoir parlé de ces faits ».

Dès 2005, lors de conférences, de débats publics ainsi que dans les medias, il a été dit publiquement que les documents du CSD apportaient la preuve de l’implication de l’état serbe dans la guerre en Bosnie-Herzégovine, de la dépendance de l’Armée serbe de Bosnie vis-à-vis de l’Armée de Serbie et de la participation des forces policières et militaires de Serbie dans l’opération contre Srebrenica en juillet 1995. Certains responsables politiques serbes se sont même vantés d’avoir obtenu du TPIY la mise sous scellés des documents du CSD, faisant valoir qu’ils avaient ainsi protégé « l’intérêt de la nation » et permis à la Serbie de se prémunir contre une condamnation devant la CIJ pour les crimes commis en Bosnie, a précisé Kandic.

Au vu des déclarations publiques faites ces dernières années par les représentants officiels de la Serbie-Monténégro, il apparaît clairement que l’Etat serbe avait réclamé des mesures de confidentialité pour cacher le contenu des minutes du CSD et nullement pour cacher l’existence des ordonnances du TPIY relatives à la mise sous scellés de ces documents, a poursuivi Kandic.

Kandic a rappelé qu’il est indispensable dans des procès de crimes de guerre de recourir le moins possible à la confidentialité. Permettre à Belgrade de ne pas divulguer en public dans l’affaire Milosevic des éléments de preuve importants a eu de graves incidences pour la justice et la réconciliation dans la région.

« Les organisations des Droits de l’Homme attendaient toutes du TPIY qu’il nous aide à découvrir la vérité sur ce qui s’était passé et pourquoi cela s’était passé et qu’il l’expose au grand jour afin que, grâce à la connaissance de ces faits, nous puissions résister à la culture de l’impunité et la défier et pour que nous puissions utiliser ces faits non seulement pour établir les responsabilités individuelles mais également les responsabilités des autorités et de l’Etat. » a souligné Kandic

Considérant inapproprié les décisions du TPIY limitant l’accès aux documents du CSD, les organisations des Droits de l’Homme devaient être autorisées à les critiquer ouvertement et à se demander si ce critère est conforme à la nécessité d’établir les faits et de les présenter en public de manière à créer un climat différent dans les Etats impliqués dans ce conflit. Dans ce type de décisions, a ajouté Kandic, l’équilibre entre l’intérêt de sécurité nationale d’un Etat et les attentes des victimes de voir la justice passée doivent être savamment pesés.

Kandic a également témoigné des qualités professionnelles de Florence Hartmann et a salué son travail journalistique sur les crimes de guerre en ex-Yougoslavie ainsi que sa connaissance approfondie de la situation dans la région.