Tribune du Groupe Chronos

Hai voluto la bicicletta? e allora pédala ! (Tu as voulu le vélo, maintenant tu pédales !). Malicieuse expression italienne pour signifier un engagement devant lequel on ne peut reculer. C’est aussi ce que concluent les commanditaires de l’étude Vélo en Mode Actif : Cessons de tergiverser et accélérons le passage du dire au faire ! Le vélo a maintenant fait la preuve de son avenir en ville. En 2004, Brigitte Le Brethon, missionnée par les pouvoirs publics, proposait un horizon de 10% de part du vélo dans les déplacements urbains. Cela paraissait fou ! Quelques démonstrations de vélos en libre-service plus tard, c’est désormais réaliste, possible et nécessaire.

L’objectif est réaliste dans la ville dense et irriguée par d’autres offres de déplacement. Le vélo a sa place dans cette ville parce qu’il est vécu comme un mode à part entière, pleinement inséré dans son système de mobilité et articulé à la marche, la voiture et aux transports publics.

L’objectif est possible, le gisement est solvable. La distance domicile-travail de la moitié des salariés est aujourd’hui inférieure à 7,9 km, soit un temps de trajet compris entre 15 et 30 minutes à vélo (c’est le parcours moyen d’un trajet en Vélib’). A ces parcours exclusivement réalisés à vélo, il faut ajouter la pratique du vélo sur une partie du trajet du salarié, consolidant la population active concernée.

L’objectif est nécessaire pour atteindre un seuil crédible qui mobilisera usagers, acteurs et autorités autour des évolutions urbaines nécessaires et qui créera un rapport favorable entre modes. Elles sont énoncées ci-dessous, étayées par les opinions des cyclistes et des non cyclistes.

« Le vélo en mode actif » – distinct de la promenade et de l’acception de « mode doux » -, est un mode de transport à part entière et un outil d’appropriation de la ville. Il ne sera utilisé que si on peut le garer, le trouver, en disposer partout : chez soi, au travail, à proximité des lieux de vie ou d’activité. Le stationnement dans ou près des lieux de transport (gares, parkings, stations…) est une incitation forte à jouer des modes divers pour un même parcours. Le stationnement, disent les usagers et les non usagers, est la clé de voute du système. Il faut des stationnements partout dans la ville. La proximité est l’avantage absolu du vélo. C’est un premier défi pour les autorités et les acteurs de la ville.

Le vélo ne sera utilisé que si l’aménagement de l’espace et la maîtrise des vitesses rendent possible la cohabitation de la marche et du vélo avec les modes motorisés. Les écarts de vitesse trop importants rendent les piétons et les cyclistes vulnérables. Les frottements entre les modes de déplacement se traduisent en chiffres. Un piéton sur deux et deux cyclistes sur trois se déclarent « gênés » par d’autres modes de déplacement. Les piétons et les cyclistes gênent aussi les autres modes, retour normal des choses ! Le frottement, inhérent à la densité urbaine, se renforcera de la multiplication des modes qui se côtoient, se croisent, se chevauchent. Mais à situation inédite, diagnostic nouveau : il est fait ! Quel que soit le mode activé, il y a toujours une majorité de citadins pour favoriser le piéton et le vélo contre les voitures et les deux-roues motorisés. La boîte à outils existe pour un aménagement et une régulation de l’espace qui favorisent de nouveaux rapports. Le vélo, avec Vélo’v et Vélib’ et toutes leurs déclinaisons locales, incite à repenser le partage de l’espace public sur une base de complémentarité et non plus de concurrence des modes.

On sait aussi qu’un cercle vertueux se forme : au fur et à mesure que la part modale du vélo croît, l’accidentologie liée au vélo se réduit. Le paradoxe veut que le vélo et la marche, s’ajoutant à la complexité de la ville, en facilitent pourtant l’organisation. Ce second défi est engagé avec des itinéraires cyclables, des voies partagées, des réseaux de vélos publics et les premiers pas d’un Code de la Rue depuis cet été.

Le vélo participe d’un système de déplacements. Il se « combine », disent les cyclistes, avec les transports publics, la marche, la voiture. Il est une option nécessaire. D’un autre côté, le cycliste a besoin de solutions de rechange… quand il pleut par exemple, disent encore cyclistes et non-cyclistes, largement dissuadés par les intempéries. Le vélo a encore plus d’atouts si on peut le remplacer au pied levé. La redondance d’offres est la pierre angulaire d’un véritable choix entre les modes de transport, gage d’autonomie pour les utilisateurs et promesse d’une mobilité plus libre et plus durable. Ce troisième défi est celui de tous les opérateurs de mobilité urbaine.

Le vélo demande un effort physique, certes. En retour, il multiplie les bénéfices, à commencer par la santé. L’exercice de la marche et du vélo par tous durant une heure par jour résorberait quasiment le déficit de la Sécurité Sociale. Pas moins ! Bénéfice économique pour la collectivité aussi puisque son usage est peu gourmand en espace sur la voie publique et qu’il ne produit ni pollutions, ni congestions. Bénéfice direct sur le budget des ménages tant pour la marche que pour le vélo, c’est un argument prioritaire pour tous au moment où le pouvoir d’achat s’érode. « Le vélo favorise les déplacements pour plus de gens en ville », estiment au moins deux tiers des citadins interrogés et près de 90% des cyclistes. Le vélo « amplificateur de mobilité » est un défi pour les citadins dans leurs stratégies de déplacement. Le quatrième défi des autorités est d’y apporter les encouragements nécessaires.

Le vélo n’est ni le privilège d’une quelconque population « bobo » – que personne n’est d’ailleurs à même de définir -, ni celui d’une classe d’âge. Le vélo à assistance électrique, dont on entend de plus en plus parler, pallie les efforts de ceux qui le souhaitent et il n’exclut ni les adeptes des transports publics, ni les automobilistes. Le vélo fut longtemps le moyen de déplacement le plus populaire. Il devient aujourd’hui le plus efficace pour nombre de trajets. Il est souvent plus rapide que les modes motorisés dont seul le compteur affiche des valeurs extravagantes. Pour cela, il faut repenser la ville, ses voies et ses civilités mais aussi l’information sur les offres de mobilité. Autre défi pour les autorités, le cinquième.

L’information, c’est la moitié de la mobilité, dit-on. C’est un dernier défi et une condition nécessaire pour sa massification. Informer sur la pratique du vélo (navigation, itinéraires, stationnement, solution de rechange…), sur ses avantages ou sur les services qui lui sont attachés est indispensable, peu coûteux et très rentable. Dès lors, c’est le dispositif entier des accessibilités et des intelligences qui se nomme « mobilités ». La marche et le vélo n’en sont qu’une part, mais dont l’effet de levier peut transformer la cité. Si la perspective de 10% de part de déplacement pour le vélo est réaliste, rappelons que cette part est supérieure à 1/3 des déplacements à Copenhague au Danemark, à Fribourg en Allemagne et dans de nombreuses villes hollandaises et japonaises. Elle le fut à Paris et dans de nombreuses villes françaises au moins jusqu’à la guerre. Avec de l’ambition, c’est à nouveau possible !

Vous pouvez consulter une synthèse détaillée de l’étude « Vélo en Mode Actif », subventionnée par le Ministère des Transports, à l’adresse suivante :

www.villes-cyclables.org

Tous les arguments développés dans ce manifeste y sont explicités.

*signé par Club des Villes cyclables – JCDecaux – Prospective RATP – Vinci Park – Groupe Chronos