Ministères et territoires ne jurent plus que par le développement durable. Par intérêt fédérateur. Mais aussi parce qu’ils n’ont plus le choix.

Administrations propres, services déconcentrés responsables, collectivités éthiques et citoyennes… Le développement durable, nouvelle doxa des services de l’Etat ? L’engagement des administrations dans les actions de développement durable ne répond plus seulement à la pression de l’opinion et des médias, il entre dans le cadre d’injonctions politiques cadrées, contraignantes en termes d’objectifs. Tenus de justifier d’une démarche “écoresponsable”, les ministères ont tous bouclé leur plan “administration responsable”, programmes privilégiant les actions communes entre les administrations en termes de mutualisation des achats et des logistiques et en faveur des personnes handicapées.

La volonté de l’Etat est de faire de l’administration un levier d’exemplarité en matière de posture environnementale. Une feuille de route précise liste les objectifs, les moyens, les indicateurs de suivi à mettre en œuvre. Ce, dans une visée délibérément opérationnelle. Il s’agit d’encourager une “écoresponsabilité” de terrain, en aidant chaque agent à s’approprier les réflexes et les référents du développement durable, au quotidien. Réduction de la consommation d’énergie, de papier, limitation du volume de déchets, des temps et distances de transport, organisation du travail au profit du télétravail… Tout ce qui relève de la vie et du fonctionnement des services y passe, depuis le comportement des individus jusqu’au bâti des structures.

Immobilier : 50 millions de m2 !
Et il y a du boulot… Une circulaire de janvier 2009 rappelle “l’état de vétusté préoccupant” dans lequel se trouve le patrimoine immobilier de l’Etat et précise que l’ensemble des bâtiments devra faire l’objet d’un audit technique d’ici la fin de l’année 2010. Vaste chantier. Car le bâti de l’Etat, c’est (hors entrepôts et sites industriels), 50 millions de m2 (et plus du double avec les hôpitaux et les universités). Du coup, la facture pourrait atteindre des sommes astronomiques : on parle de 10 milliards d’euros à la charge de l’Etat. Le plan de relance y apportera sa contribution, à hauteur de 50 millions d’euros pour les audits énergétiques et 150 millions pour la rénovation thermique, l’optimisation fonctionnelle des bâtiments et l’accessibilité aux personnes handicapées. Les mouvements de rapprochement et de regroupement des services devraient par ailleurs dans un premier temps freiner les travaux.
C’est donc sur d’autres axes opérationnels que les administrations vont concentrer leurs efforts : rationalisation et responsabilisation des politiques d’achat, mutualisation des services logistiques, gestion des déchets, réduction des transports grâce aux télé et visioconférence…

Et puisqu’il n’y a pas d’incitation sans carotte, l’Etat a prévu un fonds de 100 millions d’euros, alimenté par chaque ministère qui cotise au prorata de ses dépenses courantes. Les meilleurs élèves se voyant réaffecter une partie de la cagnotte en fonction des résultats “écoresponsables” obtenus.
Mais comment mesurer les effets réels des actions mises en œuvre ? Les indicateurs en circulation s’avèrent encore trop génériques et imprécis. Certes, les bilans carbone réalisés depuis 2007 ont permis d’établir une première photographie de la consommation énergétique des administrations, pointant notamment les débordements généraux en matière de transports. Les ministères sont donc vertement invités à réduire leurs émissions de dioxyde de carbone.
Reste que les évaluations se limitent aux champs spécifiques des ministères, car les indicateurs ne permettent pas, aujourd’hui, d’établir des comparaisons significatives entre les administrations et de dresser ans la foulée un bilan global et des objectifs réalistes à l’échelle de l’Etat.

Collectivités : 23% d’énergies propres dans les 10 ans
La vague verte touche également les collectivités locales. Pas un jour sans qu’une Ville, un Département, une Région n’alimentent la liste des initiatives à mettre au crédit de l’engagement territorial pour le développement durable. L’écoresponsabilité inspire les élus, qui rivalisent de plans climat territoriaux ou d’agendas 21. Effet fédérateur garanti auprès des administrés.

Cet engagement se mène essentiellement aujourd’hui sur le terrain énergétique.
Biomasse, géothermie, vent, exploitation des déchets… les énergies renouvelables font l’objet de toutes les attentions. L’implantation de parcs éoliens, la construction de chaufferies à bois pèsent aujourd’hui dans l’argumentation commerciale des territoires auprès des entreprises et investisseurs, qui apprécient de plus en plus de pouvoir s’installer dans des zones approvisionnées en énergie propre. Ces choix garantissent aux collectivités un surcroît de taxe professionnelle de la part des entreprises implantées et des exploitants de parcs éoliens.
L’électricité produite par les éoliennes est revendue aux distributeurs – EDF notamment, qui sont obligés de l’acheter, qui plus est à un prix garanti par l’Etat. Ce modèle économique doit assurer aux investisseurs une rentabilisation en quinze ans des sommes –lourdes- engagées autour de l’implantation et de l’animation d’un parc. Même système de prix garanti pour l’énergie photovoltaïque, mais limité cette fois-ci aux communes.

Les territoires ne sont à ce jour soumis à aucune obligation en matière d’investissement dans les énergies renouvelables. La seule injonction concerne le dispositif d’information : depuis janvier 2008, Bruxelles contraint tout bâtiment de plus de 1 000 m2 occupé par une collectivité publique à l’affichage d’un diagnostic de performance énergétique.
Mais les collectivités n’auront plus longtemps de choix. Le “Grenelle 2” leur impose à échéance 2020 un ratio de 23 % d’énergies renouvelables à l’échelle nationale. Pour atteindre de tels objectifs, il faudra inévitablement en passer par des plans Etat-Région. A charge pour les Régions de ventiler les objectifs entre les collectivités.

Avec Connexité.fr

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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ENVIRONNEMENT

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