Des gratte-ciels pour produire fruits et légumes en plein centre ville ! L’idée pourrait être séduisante. Une ferme verticale, tel est le projet de production alimentaire proposé par Dickson Despommier, professeur de santé environnementale à l’université de Columbia. Alors que la demande alimentaire mondiale ne cesse de croître (nous serions 8 milliards d’ici 50 ans) et que près de 38% de la surface de la terre est consacré à l’agriculture, ce qui n’est pas sans effet sur la planète, avec la disparition de certains types de végétation au profit d’une agriculture extensive, « une perte considérable de biodiversité, et une perturbation du fonctionnement des écosystèmes » comme le souligne le promoteur de ce projet.

Ce qui fut au départ un document de travail avec ses étudiants est devenu près de dix ans plus tard un projet en bonne et due forme (voir son site verticalfarm.com) qui retient l’attention de plusieurs investisseurs, architectes et décideurs de la planète. Il s’agit donc d’une méthode alternative de production alimentaire dans des gratte-ciels, afin de limiter l’impact sur la nature. Ce concept durable permettrait une plus grande proximité entre la production et le consommateur final, avec des cultures dans un environnement contrôlé, ce qui présenterait de nombreux avantages que Dickson Despommier détaille sur son site.

Comme par exemple, un contrôle des maladies et parasites simplifié, et donc une moindre utilisation des pesticides et autres herbicides ; une meilleure protection des cultures aux variations climatiques brutales (sécheresse, gel, et inondations). Cette agriculture verticale permettrait encore d’obtenir de meilleurs rendements (de 5 à 30 fois supérieurs selon les cultures), et surtout le recyclage des eaux utilisées, d’éviter la pollution des nappes phréatiques, à travers le ruissellement, sans oublier que ce projet « durable » se doit d’être autonome d’un point de vue énergétique grâce au solaire, et à l’éolien ….

Ainsi il s’agit de doter les zones urbaines de centres de production alimentaires, ce qui permet aussi de limiter les émissions de CO2 liées au transport des produits. Une tour de 30 étages pourrait nourrir plus de 50.000 personnes. Pour Dickson Despommier, l’agriculture urbaine verticale pourrait fournir un approvisionnement alimentaire couvrant 60% des personnes habitant dans les villes en 2030. Offrant ainsi une production fraîche, saine, permettant à la nature pendant ce temps de se « ressourcer » !

Mais au-delà de ce bénéficie premier, Dickson Despommier voit également dans l’agriculture verticale des « bénéfices sociaux », puisque bâtie autour du concept de développement durable, en servant de modèle , ces fermes pourrait devenir des « centres d’apprentissage » pour des générations de citoyens urbains futurs, « leur montrant le fonctionnement d’ un écosystème dans un partage de ressources énergétiques limitées ». Une rumeur a laissé supposé que Las Vegas, cité de tous les excès serait la première à construire en 2010 une « vertical farm », rumeur démentie par Despommier lui-même. Il est probable qu’il faudra attendre quelques années avant de voir pousser ses premières tours. Elles pourraient voir le jour aux Emirats Arabes Unis (où la nature est peu propice à la culture maraichère), à moins que cela soit à New-York où le projet a retenu l’attention du président du conseil de Manhattan comme il l’a déclaré dans une interview au New-York Times, le 15 juillet dernier, à condition de trouver un terrain libre ! Reste ensuite aux économistes, ingénieurs agronomes et architectes à trouver la meilleure façon de combiner les bonnes pratiques agricoles avec les dernières techniques de construction durables. Sans oublier la question du coût de construction et de fonctionnement. Dickson Despommier estime le coût d’un prototype à 20 ou30 millions de dollars, mais des centaines de millions de dollars seront nécessaires pour construire une « vertical Farm »  capable de nourrir 50 000 personnes. Un architecte français qui a travaillé avec Despommier, Augustin Rosensthiel, de l’atelier SoA d’expliquer que le projet doit être adapté à chaque endroit, chaque ville. Evidemment ce projet laisse perplexes de nombreux spécialistes, qui ne sont pas avares de critiques. En attendant une première version d’un tel bâtiment pourrait être construite à Seattle, à la suite d’un concours gagné l’an dernier, il s’agit de couvrir un tiers des besoins d’une population de 400 personnes. Mieux vaut commencer modestement.

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

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