Le « re-imagineering » propose de définir un management de la performance durable, capable de redéfinir les finalités fondamentales de l’entreprise
Les entreprises qui durent et qui restent performantes ont-elles un secret ? C’est une des questions posées par Gérard Schoun (1), membre du groupe de travail de l’Afnor sur le développement durable ». Pas facile en effet, pour un dirigeant, de combiner l’obligation de performance dans un monde bourré d’injonctions contradictoires, dans lequel innovation, responsabilité sociale et rentabilité financière ne font pas toujours bon ménage.

Le consultant constate que les schémas intellectuels apportées par les changements définitifs, tels le re-engineering ne tiennent pas compte des représentations, des comportements, des émotions qui composent la vie de l’entreprise. Pour lui, ces techniques conservatrices qui ont connu de nombreux échecs, sont incapables de réinventer l’entreprise. « Les acteurs n’aspirent pas être reconfigurés mais dirigés, souligne-t-il.  Il ne s’agit plus d’améliorer la mécanique de fonctionnement de l’entreprise mais de fonder sa légitimité ».

Aussi Gérard Schoun propose-t-il la pratique du re-imagineering ? L’ambition est d’inventer le management du XXIème siècle en éprouvant les idées et les outils existants à leur résistance à la fatigue, à leur force créative. « Le re-imagineering est un processus permanent de questionnement des finalités et des pratiques du management, explique-t-il. Il pose systématiquement la question du pourquoi avant d’examiner le comment».

Il s’agit dans un premier temps de ré-imaginer l’avenir hors des chemins balisés. Autrement dit de développer une « vision ». C’est le premier des 12 leviers qui fondent la démarche de re-imagineering. «Il n’y a pas eu vraiment de travail des chefs d’entreprise dans ce domaine. Ils se sont cantonnés à développer des projets sur papier glacé. Leur métier, c’est pourtant de prendre du temps pour penser le futur. Ce n’est qu’à partir de ce questionnement quasi-philosophique que le travail de projection dans l’avenir peut s’élaborer. «Les responsables d’entreprises sont dans l’urgence du résultat, ils doivent retrouver l’esprit d’entreprise » soutient-il. C’est ce qu’a fait Bouygues-Telecom qui a su mobiliser tout l’encadrement dans un dialogue sur les plans d’actions, avec la fraîcheur d’une grosse start up. Pour Gérard Schoun, « allumer ces projecteurs », « créer du sens » en redéfinissant les finalités fondamentales de l’entreprise, « cultiver sa culture » en arrimant l’organisation à une vision partagée, tout est lié : « ces leviers permettent de jouer la différence ». Comme par exemple, a su le promouvoir Axa en inventant un langage spécifique.

Mais comment s’assurer que ces efforts de différenciation, vont s’orienter dans la direction souhaitée ? Comment garder le cap en étant sûr qu’on pourra déployer tous les objectifs. «Le tableau de bord équilibré (balanced scorecard) permet de ne pas se laisser submerger par les reporting classiques d’informations » souligne-t-il . D’autres leviers sont tout aussi nécessaires : libérer les énergies et développer l’efficacité collective en rétablissant la confiance, apprivoiser les changements.

Est-ce que, dans ce contexte, il y a des architectures plus adaptées que d’autres en termes d’organisation ? Il ne faut surtout pas regarder l’organigramme mais se baser sur trois idées clés : les processus quotidiens, les projets reflétant les enjeux et les réseaux qui permettent de mailler l’ensemble et d’éviter la logique de silos. Autres levier structurants :la nécessité de réinventer la qualité souvent pervertie par le contrôle ; et l’intégration de la gouvernance dans une perspective de responsabilité sociale. Sans oublier l’intérêt pour l’entreprise de sortir du ghetto dans lequel elle pourrait se méprendre, en n’hésitant pas à prendre position sur la scène publique. « Les stratégies monolithiques ont vécu. Durer exige de plus en plus de souplesse, d’imagination et de finesse dans l’analyse» insiste Gérard Schoun. L’enjeu est de revisiter les concepts en les soumettant au terrain. Et pour cela, « le meilleur guide serait d’inventer un Umberto Eco du management qui fasse le lien entre les disciplines »

(1) Auteur de « Diriger : les 12 leviers du management ». Editions d’organisation. Mai 2004