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Bonnes feuilles du livre « Vivre en 2028 : notre futur en 50 mots » Editions Lignes-de-repères. Parution le 15 avril 2008.

CIRCULER dans la ville

« Bienvenue à Mobilcity! Plusieurs années ont passé depuis 2008. C’est fou ce que la ville a changé ! Depuis que le péage urbain a été instauré pour diminuer la pollution, il y a trois fois moins de voitures au centre. Et elles sont toutes électriques. On entend presque rien. Les commerces, les transports, les lieux de divertissement… tout est ouvert, presque 24 heures sur 24. Les mégapolitains ont accès aux services à tout moment. Il faut bien répondre à la variété des emplois du temps, aux horaires décalés liés aux aménagements du temps de travail. Le développement des loisirs, du temps libre, et l’élévation du nombre d’inactifs due au vieillissement de la population a aussi imposé ses exigences. Les déplacements domicile-travail ne représentent plus qu’un quart des déplacements alors que les déplacements liés aux loisirs augmentent. L’activité s’étend de plus en plus le week end, ou tard dans la soirée et dans la nuit. Le rythme de la mégapole est celui d’un fonctionnement du service en continu. Le trafic des usagers est de plus en plus aléatoire et zigzaguant. Il y a quelques années, les encombrements, la pollution, les obligations d’économie d’énergie, le caractère diffus des flux de circulation ont poussé l’administration locale en partenariat avec les autorités de la circulation urbaine à élargir les gammes de solutions pour répondre à des demandes variées. La fréquentation du réseau de transport public a explosé. Grâce aux pôles d’interconnexions et aux parking-relais, habiter en banlieue et venir au centre pour travailler ou se divertir n’est plus un problème. La correspondance entre les trains d’une part et les tramways et les autobus propres roulant sur les axes verts d’autre part, est parfaitement synchronisée. Les gens peuvent aller à la gare en vélo et le laisser dans un parking-relais inviolable. Et puis il y a aussi les « capsules express », ces sortes de navettes électriques de 3 à 5 places complètement automatisées. Fonctionnant à la demande, ils circulent dans le cadre d’un réseau maillé, sur des infrastructures dédiées. Plus souples d’utilisation que le minibus, ils évitent aux passagers de faire des changements et offrent un service 24h/24 Les « plans de mobilité » mis en place par les entreprises pour favoriser l’usage régulier par les salariés des transports publics ou du vélo dans leurs déplacements domicile-travail ont été généralisé. Ils ont rendu la ville plus douce, plus respectueuse de l’environnement et des rythmes de vie ».

Ce tableau de la ville durable qui tente de dessiner une nouvelle urbanité est l’ébauche à grands traits de ce qui est aujourd’hui contenu dans nombres d’initiatives locales des pays développés. Shanghaï et ses tours gigantesques…Delhi, Lagos et leurs bidonvilles…c’est l’explosion des mégapoles. Avec ses conséquences ! Plus de la moitié des habitants de la planète vit désormais dans les villes. Le 3ème millénaire sera celui de la mégapole, clament les urbanistes. Logements, transports, environnement, émigrations, communication…, la ville de demain se conjugue désormais avec l’économie d’énergie et le développement durable. La question lancinante posée par les gestionnaires de la vie urbaine est la suivante : comment nous déplacerons-nous, demain, dans une société qui, d’un côté, entend limiter le trafic de véhicules, et de l’autre, pousse à toujours plus à la mobilité pour travailler, se rencontrer, visiter, commercer? Comment pourrons-nous circuler dans ces mégapoles hypertrophiées et énergivores qui accueilleront, dans 20 ans, 61% de la population mondiale ?

Les grandes métropoles sont aujourd’hui devant la nécessité de répondre à des nouveaux risques naturels et technologiques : faire face à la pollution, combattre les épidémies et faciliter l’accès aux soins, trouver des solutions aux logements, lutter contre la ségrégation urbaine. Les impératifs croissants de sécurité routière et la réduction de la consommation d’énergie exigeront une limitation importante de la vitesse des véhicules. La signalétique de la circulation s’en trouvera changée. La ville de demain disent les urbanistes sera une ville truffée de technologies, avec des automobiles guidées quasi automatiquement grâce à des capteurs disposées dans les rues et dans les véhicules. Les technologies de vidéo embarquée, les dispositifs de guidage optique réguleront la fluidité du trafic. Des système télématiques permettront de diminuer le encombrements. Les automobilistes en ville devront changer leurs habitudes des conducteurs, voire ne plus conduire en centre ville. Etant difficilement concevable de raser toutes les villes actuelles pour les rebâtir de façon adaptée, répondre à cette question, suppose, pour les sociologues et les spécialistes des transports, d’inventer une nouvelle urbanité qui tient compte de la qualité de l’air, des nuisances sonores, de la sécurité des personnes. Le télétravail, le commerce en ligne et la maison domotique rendront possibles des nouvelles formes de vie urbaine réduisant les déplacements. Du point de vue environnemental, la plupart des grandes métropoles considèrent que les énergies renouvelables constituent les solutions les plus adaptées. Les immeubles écologiques « à énergie positive » qui, au lieu de consommer de l’énergie en produisent, commencent déjà à être construits. La sécurité des bâtiments de bureaux ou industriels trouve dans les système de gestion centralisée des bâtiments une efficacité nécessaire pour gérer les économies d’énergie. Répondre aux énormes besoins d’infrastructures durables pour la gestion de l’eau est un autre défi majeur pour éviter que « mégapolis » ne se confonde dans certains cas avec « hyperbidonville ». De même, la collecte des déchets et l’organisation des urgences font partie des priorités sur l’agenda. « Ceux qui auront fait le choix de la ville vivront dans de meilleures conditions car le niveau de la pollution externe et la meilleure qualité du bâti permettra d’améliorer les conditions de vie en milieu urbain dense » explique Guy Loinger. Les architectes proposent des solutions. Ainsi David Mangin s’emploie-t-il à défendre le principe de la «ville passante». Elle est fondée sur l’idée d’une moindre dépendance automobile, d’une forte hétérogénéité des architectures et d’une véritable diversité d’usages. Jean-Louis Maupu, professeur au CNAM, a conçu sur la base d’un nouvel agencement des circulations et des lieux ce qu’il appelle une « ville creuse » . Favorable à la marche et au vélo, elle dessine autour d’un grand creux de verdure un chapelet de quartiers mixtes desservis par une boucle de tramway doublée d’une rocade routière. «Elle peut croître sans perdre ses atouts en ajoutant de nouvelles boucles ». Dans le même esprit, certains architectes imaginent des villes circulaires avec interdiction de rouler dans les 10 kilomètres de diamètre du centre-ville où ne rouleraient que des tramways et des vélos.

Mais attention aux solutions fonctionnellement parfaites, rentables sur le plan économique, mais qui ne plairaient pas aux habitants et aux usagers qui travaillent dans la ville mais n’y habitent pas forcément (commerçants, salariés, entreprises…). Certains spécialistes évoquent le risque de fossiliser les centre-villes en villes musées et de rendre mort-nées les périphéries. Autre crainte pointée du doigt par les sociologues : une ville réservée aux riches qui pourront se payer le logement au centre, dans des environnements protégés de qualité ; et la périphérie peuplée par les moins riches et les jeunes à qui se posera le problème de leur circulation pour le travail, le loisir, la consommation et les services « essentiels » liés à la culture, par exemple.

Yan de Kerorguen, Estelle Leroy

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