« Recréer du désir politique », tel est l’objectif du mouvement et de l’appel « Pour 2007, voter Y », lancés en novembre 2004 par des associations, des médias et des lieux culturels (1). Entre pragmatisme et approche philosophique, les initiateurs souhaitent avant tout modifier le rapport des citoyens au politique. Vaste programme…

Médias, associations et lieux culturels se sont rassemblés au sein d’un mouvement citoyen à l’objectif ambitieux : « recréer du désir politique ». Et le chemin pour y parvenir semble long au regard du bilan négatif dressé sur la vie politique française par les initiateurs de « Voter Y » : « débat public de plus en plus aseptisé au fur et à mesure de la médiatisation croissante de la vie politique, césure aggravée entre le corps social et des représentants coupés des classes populaires et ignorants des réalités que vivent les jeunes Français issus de l’immigration et d’Outre-mer, crise des médiations sociale, intellectuelle, judiciaire, confiscation des grands moyens d’information et d’édition… ».

Pour remédier à cet état de fait, le mouvement « Voter Y » a trouvé son cheval de bataille : lutter contre la personnalisation de la vie politique. Son objectif : peser sur l’élaboration des programmes électoraux, afin que le vote puisse être un choix lié à des enjeux de société et non à des individus.

Le mouvement « Voter Y » n’étant pas un parti, il ne s’agit pas de définir un contenu mais d’élaborer une méthode de travail : faire surgir les thématiques nécessitant une réponse de la part des partis ; derrière les divergences des candidats, déterminer les enjeux et les visions du monde qui s’affrontent, ces oppositions devant être vécues comme une source d’enrichissement, le tout permettant à chacun d’avoir en main les termes du débat, de se positionner en connaissance de cause et de pouvoir mettre en concurrence les candidats aux élections.

Autre proposition : infléchir le mode de désignation des candidats aux élections. Un « droit de nomination civique » des futurs représentants ou la mise en place d’un système de primaires à gauche sont ainsi évoqués. En résumé, « Voter Y » s’attache à renforcer la vitalité démocratique en transformant les rendez-vous électoraux en moments privilégiés de débat et de créativité collective. Leur slogan résume à lui tout seul la démarche : « construisons les campagnes électorales comme des mouvements sociaux et culturels ».

Une démocratie en mouvement

Depuis les années 90, un ensemble de mouvements a vu le jour, aussi divers dans leur forme que dans leur combat. Citons les associations de lutte contre le sida, les mouvements sociaux, les alter-mondialistes, le mouvement « nous sommes la gauche », les intermittents du spectacle, les chercheurs, etc. Ils ont en commun de remettre en cause les structures existantes de prise de parole ou de résolution de conflit, de mettre en place des structures au fonctionnement plus horizontal et de faire émerger une expertise non-officielle, porteuse de problématiques jusqu’ici ignorées ou perçues comme illégitimes.

La filiation avec « Voter Y » paraît alors évidente. Jade Lindegaard, responsable du dossier aux Inrockuptibles, l’un des médias signataires, confirme : « les mouvements des chercheurs et des intermittents ont été capables de mener, sur le long terme, une réflexion commune avec production de propositions, de contre-expertise, tout en ayant un discours politique ». Le mouvement « Voter Y » a fait sienne cette démarche…

Une utopie ?

Utopistes les protagonistes du mouvement ? Pas vraiment tant l’initiative se veut bien ancrée dans le réel, porteuse de propositions pragmatiques, effectives à court terme. Néanmoins, on y retrouve bon nombre d’éléments des utopies du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle : la volonté de modifier un fonctionnement politique, l’intérêt porté au rôle de l’individu, l’importance donnée à la force de proposition citoyenne.
« Voter Y » serait-elle une utopie moderne : plus méthodologique que dogmatique, consciente de ses limites et respectueuse de la diversité ? Réponse en 2007.

(1) Les médias, revues et mouvements suivants sont à l’origine de l’appel « Pour 2007, voter Y » et l’initiative Objectif civique 2007 : Ecorev’, Les Inrockuptibles, Mouvements, Le Nouvel Observateur, Le Passant Ordinaire, Politis, Témoignage Chrétien, Territoires, Transversales Sciences Culture, Vacarme. Ainsi que : ADELS, Act Up-Paris, Autre(s) pARTS, Groupe Claris, Cultures Communes (Loos-en-Gohelle), Compagnie Hendrick Van Der See (Loos-en-Gohelle), Conteners, Forum de la gauche citoyenne, Guinguette Pirate, Initiatives pour un autre monde (Ipam), Mains d’Oeuvres, Le Samovar (Bagnolet), Sciences citoyennes, Le Théâtre Studio d’Alfortville, TNT (Bordeaux), cinémas Utopia, Le festival sous la plage.