Aider les auteurs diffusant leurs œuvres sur le Net à placer celles-ci dans le domaine public moyennant un contrat clair avec les internautes, tel est l’objectif de l’organisation américaine Creative commons.

Voir en ligne, l’article Droit et utopie : antagonisme ou convergence ?

Trouver un juste milieu entre le piratage sur Internet et le copyright, droit d’auteur américain s’appliquant par défaut, tel est l’objectif de l’organisation américaine Creative commons (CC). Traduisez « biens communs de création ».

En d’autres termes, les promoteurs des Creative commons, juristes pour la plupart, ont souhaité sortir de la logique mercantile du copyright et inciter les créateurs à placer le fruit de leur travail dans le domaine public. Comment ça marche ? Les creative commons sont des contrats types permettant aux créateurs (photographes, écrivains, graphistes, musiciens, etc.) de signifier, par le biais d’une licence d’exploitation personnalisée les conditions de copie, de modification ou de redistribution de leur travail. Objectif : rendre possible un accès universel au savoir et à la connaissance.

Des modalités légales

Pour permettre l’application de cette forme de contrat sur notre territoire, une équipe de chercheurs du CERSA-CNRS (Paris 2) (1) a travaillé à l’adaptation des dispositions du contrat CC aux spécificités de notre législation nationale. Il a par exemple fallu concilier les licences creative commons et le droit moral, inaliénable dans notre juridiction. « Les documents CC ne sont en aucun cas des contrats de cession de droit avec transfert de propriété, mais des offres de mise à disposition sous certaines conditions. Ainsi, l’auteur ne renonce pas à exercer ses droits, il reste protégé par la législation sur le droit d’auteur ; il informe le public que certains usages de son œuvre sont autorisés. Les autres utilisations restent réservées et nécessitent une autorisation expresse », explique l’équipe de chercheurs.

Concrètement, un auteur a à sa disposition des contrats types autorisant le public à effectuer sur chacune de ses œuvres certaines utilisations et/ou modifications selon les conditions qu’il a exprimées à l’avance. Ainsi, un auteur peut (ou pas) exiger la signification de la paternité de l’œuvre, refuser ou accepter les modifications éventuelles, une utilisation commerciale, etc. Exemple : un musicien pourra autoriser la diffusion de sa chanson si l’utilisateur n’en fait pas une exploitation commerciale et si son nom est explicitement mentionné.

Un savoir partagé

Le mouvement lancé aux Etats-Unis sous l’impulsion du juriste Lawrence Lessig, auteur de Free culture, remporte un succès grandissant à l’échelle internationale : 12 pays – et la liste s’allonge – ont déjà adapté les licences « creative commons » dans leur législation nationale. Selon Christiane Asschenfeldt, de Creative Commons Berlin, une page web sur 1200 est sous licence CC.

Pourquoi un tel succès ? « Nous assistons au déploiement d’un nouveau paradigme : l’émergence d’un mouvement mettant en accord le développement technique, les nouveaux usages et les règles de droit. Cette réflexion recouvre trois aspects : politique – la régulation et la gouvernance -, scientifique – les biens publics -, et artistique – la pratique des auteurs -, le tout favorisant la circulation des œuvres », explique Danièle Bourcier, directrice de recherche au CERSA-CNRS.

Après le développement des logiciels libres et plus particulièrement de la General Public License, conçue par Richard Stallman en 1983, c’est donc bien à un mouvement de fond auquel nous assistons, celui favorisant la promotion d’une culture vivante, basée sur l’échange et la créativité. « Avec les creative commons, le droit rend possible la concrétisation d’une utopie, celle d’un savoir universel partagé par tous », commente Mélanie Dulong de Rosnay, responsable d’International Commons en France.

Dans la même mouvance, Florent Latrive, journaliste à Libération et auteur de Du bon usage de la piraterie (2), déclare dans une interview au site InternetActu : « Les modèles économiques de la culture ont toujours été portés par l’hybridation entre le gratuit et le payant, l’accès libre et les péages. C’est sur la meilleure façon de parvenir à cette hybridation qu’il convient de travailler, afin d’obtenir le meilleur compromis possible entre les deux objectifs fondamentaux de la propriété intellectuelle : la plus grande circulation possible des œuvres d’un côté, et la protection et la reconnaissance des auteurs de l’autre ».

(1) Centre d’études et de recherches de science administrative

(2) Florent Latrive est auteur aux éditions Exils, sous licence Creative Commons, Du bon usage de la piraterie, un livre disponible gratuitement en téléchargement et payant en librairie.

Au sujet de Anne Dhoquois

Anne Dhoquois est journaliste indépendante, spécialisée dans les sujets "société". Elle travaille aussi bien en presse magazine que dans le domaine de l'édition (elle est l'auteur de plusieurs livres sur la banlieue, l'emploi des jeunes, la démocratie participative). Elle fut rédactrice en chef du site Internet Place Publique durant onze ans et assure aujourd'hui la coordination éditoriale de la plateforme web Banlieues Créatives.

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