Paris, le 25 mai 2004

Nous, association(s) de lutte contre l’exclusion et de solidarité, nous élevons contre l’initiative contre-solidaire prise par le bloc identitaire de servir des repas dans les rues de Paris en refusant d’y associer des personnes d’origine étrangère (cf. Article du Parisien, Une soupe populaire servie par l’extrême droite du 15/05/04).Cette action s’inscrit selon nous en plein dans le cadre d’une discrimination raciale, contrairement à ce qui est rapporté par un militant du Bloc Identitaire dans cet article.

Les personnes à la rue sont des personnes fragilisées, en rupture de lien social avec leur entourage, et ayant pour certaines des souffrances psychologiques importantes. Il paraît d’autant plus lamentable d’exploiter leurs dépendances pour les associer à des idées fausses sur l’immigration et sur de soi-disant privilèges ou favoritismes qui auraient cours pour des personnes étrangères.

On ne contribue pas à revaloriser la dignité humaine de ces personnes en exploitant des sentiments tels que l’intolérance ou la fierté d’appartenir à une nationalité pour accentuer leur besoin identitaire. Nous ne reprochons pas à une partie du public de cette démarche de rechercher en priorité la possibilité de manger correctement dans un « cadre » plus convivial et restreint. Cependant, ce public est de facto contraint d’adhérer à un discours suscitant au mieux l’indifférence au pire la violence.

Les migrants et sans-papiers ne bénéficient pas de plus grands avantages que les « français de souche ». La plupart du temps, leur possibilité d’accès aux hébergements d’urgence tels que le Samu social est rendue plus difficile par la barrière de la langue.

D’autre part, les migrants subissent les effets de lois sur l’immigration de plus en plus restrictives et les conditions d’accueil pour la grande majorité qui ne demande pas l’asile n’étant pas adaptées à leurs besoins spécifiques, sont par défaut celles des personnes à la rue. Nous n’acceptons pas qu’ils soient exposés à cette sélection sur des critères racistes pour une chose aussi fondamentale que le droit de se nourrir.

L’hospitalité et la solidarité doivent s’effectuer sans discrimination de quelque sorte. De nombreuses associations qui servent des repas dans la rue sont de différentes origines ethniques, religieuses ou sont au contraire aconfessionnelles et laïques. Celles qui se revendiquent d’une confession religieuse ne font pas de « tri à l’entrée » parmi les personnes qu’elles aident.

Agir pour le bien d’autrui en raison d’idéologies ou de croyances est une chose, le faire dans un esprit de prosélytisme en est une autre bien moins respectable. On peut d’ailleurs s’interroger sur la finalité d’une action de « solidarité » dans la mesure où elle est associée à un discours d’embrigadement politique et communautariste.

Nous sommes conscients que ces actions sont le fait d’une minorité sur le terrain des actions de solidarité à Paris mais nous considérons comme très dommageable d’exploiter la misère de personnes en difficulté pour influencer leurs jugements et exacerber des tensions sociales qui sont déjà très présentes dans la rue.

Par ailleurs, le code pénal sanctionne le fait de « subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur motif discriminatoire » (art. 225-1 et 225-2, 1o du NCP).

Nous souhaitons que le public soit informé de ces manifestations et nous espérons que les pouvoirs publics sauront réagir à cet appel.

Signataires de ce communiqué :

Autremonde (communication@autremonde.org), Collectif des Exilés du 10ème,
Droits devants !!, No Vox, Ligue des Droits de l’Homme, Aux Captifs La
Libération, Le Diaconat de La Rencontre/Entraide protestante du 10ème, la
Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives, la Cimade, Ras
l’front République, SOS Racisme, Emmaüs France, les compagnons de la nuit –
la moquette, France Libertés, pour la RATP, le chargé de mission pour la
lutte contre la grande exclusion, Dr. Patrick Henry.

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