Jean-Louis Lemarchand

En ce début d’année électorale cruciale pour la France, la question de l’écart entre les élus et les électeurs n’a peut-être jamais été aussi présente dans les débats.

Les citoyens se reconnaissent de moins en moins dans l’action mise en œuvre par leurs élus et en premier lieu par ceux qui incarnent la représentation nationale, les députés. « La demande d’une Assemblée Nationale qui serait le miroir de la société s’exprime de plus en plus souvent », constate l’actuel président de l’Assemblée, Claude Bartolone.

Les statistiques connues, et analysées dans « Refaire la démocratie, dix-sept propositions », rapport de Claude Bartolone et Michel Winock (éditions Thierry Marchaisse), apportent un éclairage édifiant. Sur le long terme, il n’est pas contestable que les assemblées s’avèrent aujourd’hui plus démocratiques. Le suffrage universel masculin fut d’abord instauré lors de la Révolution inscrit dans la Constitution de l’an I et, aboli en 1815, restauré en 1848. Certes il fallut attendre 1945 pour voir reconnu le droit de vote aux femmes. Mais le droit de vote fut abaissé de 21 ans à 18 ans en 1974-une des initiatives majeures du septennat de Valéry Giscard d’Estaing- et l’âge minimum pour être élu a été récemment ramené de 23 ans à 18 ans (loi organique du 14 avril 2011) pour les députés (le plafond revenant de 30 à 24 ans pour les sénateurs).

Quelques avancées démocratiques sont venues concrétiser ces changements législatifs. C’est ainsi que les femmes étaient 155 à siéger sur les bancs du Palais Bourbon dans la dernière Assemblée élue en 2012, soit 27 % de l’ensemble de la représentation (elles n’étaient que 8 en 1958, 36 en 1981 et 107 en 2007). Reste que la France demeure pour la féminisation de son Assemblée, bien loin de la Suède, modèle en Europe (44,7 %).

La représentativité sociale de l’Assemblée prête davantage à critique, alimentant les discours de toutes les fractions politiques de l’échiquier. Un seul député est ouvrier dans l’Assemblée élue en 2012 forte de 577 élus ! Selon l’Insee (2014), les ouvriers représentaient environ 15 % de la population active. La chute de la représentation ouvrière est d’autant plus spectaculaire quand on se réfère à la situation en 1946, lors de la première assemblée de la IVème République -65 ouvriers- : il est vrai que le Parti Communiste comptait alors 150 députés.

L’écart entre le pays réel et la représentation nationale se révèle aussi par la surreprésentation des « élites »- 76 % des députés ont un niveau d’études supérieur à bac + 2 contre 8 % pour l’ensemble de la population- et des fonctionnaires- plus d’un député sur deux (55%) est issu de la Fonction publique. Dernier critère révélateur de ce mal français de la représentativité, l’âge moyen du député : il était dans l’actuelle législature de 54,6 ans (49,8 ans pour les nouveaux élus) quand il se situait à 49 ans en 1981 comme en 1958, années marquées par un fort renouvellement des élus. Enfin, force est de constater, relève le rapport parlementaire, que « les minorités issue des la diversité » sont très largement sous-représentées.

Quelles solutions mettre en œuvre pour faire en sorte que l’Assemblée Nationale soit le « miroir » de la société française ?

La commission qui s’est réunie de novembre 2014 à septembre 2015, émet un certain nombre de propositions visant à renouveler les élus (non-cumul réel des mandats, modification du mode de scrutin en instaurant une part de proportionnnelle…). Le chemin est long assurément. En premier lieu, il faudrait que la politique dans son sens le plus large et le plus noble –la gestion des affaires de la cité, d’après les Grecs du siècle de Périclès- ait un pouvoir d’attraction auprès de tous et pas seulement auprès de ceux qui veulent « faire carrière ». La désaffection actuelle tient au discrédit de la politique qu’attestent avec constance les sondages depuis une bonne vingtaine d’années.

Au sujet de Jean-Louis Lemarchand

Journaliste économique ayant effectué sa carrière dans la presse écrite (AFP, Les Echos, l’Express, La Tribune, La Revue de l’Energie) et la presse d’entreprise (Vivendi-Universal, Caisse d’Epargne), auteur (en collaboration) d’ouvrages sur l’énergie (Biocarburants ; 5 questions qui dérangent ; Le dernier siècle du pétrole : la vérité sur les réserves mondiales, tous deux aux Editions Technip).

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CITOYENNETE, Le Magazine

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