Oublier le fiasco de Copenhague où en 2009 les pays de l’ONU avaient échoué à s’engager sur un accord-climat devant prendre la suite en 2012 de l’accord de Kyoto (1997) sur la réduction des gaz à effet de serre. Cet objectif a été atteint au Bourget le 12 décembre à l’issue de la COP 21. Il suffisait de voir l’émotion de l’ensemble des participants après douze jours de tractations acharnées et de nuits blanches pour mesurer le soulagement des 195 pays participants.

L’accord « universel » salué par tous, à commencer par la France, pays organisateur et animateur de ce marathon diplomatique, est-il pour autant « historique » ? Dans la grande tradition onusienne, le texte de quelque 30 pages a été adopté sans vote, l’absence d’opposition valant agrément (qui ne dit mot consent). Il est vrai que tous les sujets qui fâchent ont été « balayés sous le tapis », c’est-à-dire purement ou simplement abandonnés ou glissés dans les annexes du texte général.

L’accord de Paris doit pour entrer en vigueur en 2020 être ratifié par une majorité qualifiée des pays de l’ONU – un ensemble comptant pour 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la planète- et il est prévu que les Etats signataires pourront s’en retirer si tel est leur bon plaisir. Où se trouve alors l’aspect « contraignant juridiquement » vanté à la tribune par le président de la COP 21, Laurent Fabius ? Le texte officiel ne comprend aucun engagement chiffré précis sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre cette limitation du réchauffement de la Terre à la fin du 21ème siècle. Il n’est nullement question en particulier d’engagement sur les réductions des GES ni sur les financements assurés par les Pays du Nord (les développés, selon la terminologie classique) en faveur des Pays du Sud (les ex en voie de développement) pour faciliter leurs efforts en faveur de cette grande cause environnementale planétaire.

Faut-il pour autant se lamenter ? La conférence de Paris a affiché un objectif global qui va au-delà des espérances émises il y a peu de temps encore. L’accord retient qu’il faut contenir le réchauffement à la fin de ce siècle « bien en deçà de 2°C » par rapport à l’ère préindustrielle, quand le mandat donné aux négociateurs de la COP 21 était de parvenir à un accord sur un maximum de 2 °. Les Etats se sont même engagés à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5° ». L’évolution est notable. Un pas a été fait en direction des pays insulaires qui craignent simplement de disparaître si la montée des eaux se poursuit. Reste qu’il va falloir accélérer le mouvement dans la lutte contre le réchauffement : la température moyenne de la planète a déjà gagné 1° C , à la fin 2015, par rapport à la période de référence. A ce rythme-là, le « gain » serait en 2100 de 3 °C !

Du côté des satisfactions pour les écologistes, on peut également relever que les pays du Nord ont réaffirmé leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars/an d’ici 2020 pour aider les pays du Sud, précisant qu’il s’agissait d’un « plancher ». Autre point positif : les Etats devraient tous les cinq ans réviser leurs contributions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pourrait-on dès lors affirmer avec Greenpeace que l’accord de Paris « relègue les énergies fossiles du mauvais côté de l’Histoire » ? Les réticences des géants de la planète sont encore vives. La Chine n’est pas près d’abandonner le charbon bon marché pour la production d’électricité, les Etats-Unis –où les climato-sceptiques tiennent le Congrès- et les pays pétroliers du Golfe n’entendent pas alléger le poids du pétrole dans le bouquet énergétique.

« Pas parfait mais équilibré », les termes employés par Pékin et les 77- représentant les pays du Sud- résument assez bien le sentiment général recueilli après la COP21. Personne n’est sorti vaincu de cette confrontation planétaire à huis clos. Et c’est en cela peut-être que Paris 2015 se révèle porteur d’espoir. Qui sait si une mécanique vertueuse, une révolution énergétique tranquille n’aura pas finalement été enclenchée au Bourget ? En dehors des grandes déclarations et des petits arrangements, plus de 150 pays ont publié leurs engagements nationaux, sorte de charte morale qui pourra toujours leur être rappelée. Et, ce qui pourrait être finalement le plus déterminant pour le futur de notre planète, chacun aura assisté à la mobilisation de la société civile, économique et financière en faveur du changement énergétique et climatique.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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