Guy-Patrick Azemar

Une étude commanditée par la Métropole de Lyon met en lumière la diversité et la nécessaire complémentarité des logiques d’innovation.

Comment soutenir une dynamique d’innovation au sein d’une métropole urbaine pour améliorer le bien-être de ses habitants et la vitalité de ses entreprises ? De quelle façon entretenir cette dynamique dans la durée, en s’appuyant sur les initiatives locales et/ou en attirant des talents nouveaux sur le territoire ? En regard de ces questions, et des enjeux qu’elles font ressortir, les collectivités urbaines doivent sortir d’une vision historiquement limitée qui considère le terme « d’innovation » comme un synonyme d’invention ou de recherche et développement (R&D), en particulier dans le domaine technologique.

En effet, la notion renvoie à des réalités de plus en plus variées, reflétant elles-mêmes les transformations profondes de la société. D’une part, les finalités de l’innovation tendent à s’élargir ou à se multiplier : les initiatives sociales, culturelles, les projets citoyens ou environnementaux ont des visées qui dépassent les objectifs de compétition ou de croissance et visent généralement des formes d’innovation non-technologiques (nouveaux modèles économiques ou d’organisation, nouveaux usages, etc.). D’autre part, de nouveaux processus d’innovation se développent. Ces modes opératoires originaux, tels que les logiques d’innovation ascendantes (à partir des usages), ouvertes ou partagées (co-création), s’appuient sur l’émergence de lieux de coopération singuliers (plateformes coopératives, fab labs, espaces de co-working, etc.).

D’où la nécessité d’élargir la compréhension des logiques d’innovation, tant au niveau des contenus que des manières de faire. Dans le but de clarifier et d’enrichir sa propre stratégie dans ce domaine, la Métropole de Lyon a commandité une étude sur le sujet à une équipe projet menée par Geoffroy Bing, de l’agence Nova 7, et Nicolas Nova du Near Future Laboratory. Les résultats de cette étude sont présentés dans un document publié en avril 2015. Après avoir rappelé les tendances lourdes de l’innovation, les auteurs proposent une typologie distinguant – sans prétention à l’exhaustivité – huit modèles stratégiques d’innovation :

L’innovation frugale. Fondée sur le principe “faire plus avec moins” en réponse à des besoins essentiels non satisfaits, cette stratégie prend le contre-pied de l’innovation issue de dispositifs de R&D souvent longs et coûteux, en remettant au goût du jour les principes d’ingéniosité, d’accessibilité et de diffusion de l’innovation au plus grand nombre (dont les marchés peu solvables).

L’innovation par intrapreneuriat. Ce modèle recouvre l’ensemble des démarches de management entrepreneurial visant à instaurer l’esprit d’entreprise au sein d’une organisation déjà existante.

L’innovation par optimisation algorithmique. Il s’agit ici de remplacer autant que possible les actions réalisées via des agents humains par des algorithmes informatiques et leur puissance de calcul – exploitée par exemple dans l’analyse de données (Big Data).

L’innovation technologique par la R&D. C’est le modèle standard d’innovation, fondé sur la réalisation systématique de travaux de création en vue d’accroître la somme des connaissances disponibles et de pouvoir les employer pour de nouvelles applications.

L’innovation par l’usage. Cette stratégie d’innovation ouverte s’appuie sur une compréhension fine des pratiques des individus, soit en observant les usages existants pour imaginer des produits ou services mieux adaptés (user-centered design), soit en observant des produits ou services créés par des utilisateurs avancés (innovation ascendante).

L’innovation open source. Né dans le contexte de la création logicielle et du Web, l’open source est un mouvement qui repose sur l’accès libre et le partage en vue de créer des produits dérivés de programmes informatiques. Au-delà du domaine du numérique, le terme désigne le processus d’amélioration collaboratif d’un produit au sein de communautés où chacun peut contribuer.

L’innovation par crowdsourcing. Autre modèle d’innovation ouverte, le crowdsourcing – ou externalisation par les foules – permet de produire de nouveaux produits, services, contenus ou idées en sollicitant la contribution d’une grande quantité d’individus, en particulier via une plateforme en ligne.

L’innovation par le modèle économique. Un modèle économique (ou business model) décrit les principes selon lesquels une organisation créé, délivre et capture de la valeur. L’innovation consiste ici, pour l’organisation, à ajuster un ou des paramètres de son modèle jusqu’à trouver la bonne combinaison lui permettant de se développer. (par exemple en s’ouvrant à de nouveaux marchés, en se dotant de nouveaux outils, etc.)

L’innovation sociale. Cette stratégie vise à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et des usagers.

Chacun de ces modèles fait l’objet d’une fiche descriptive détaillée comportant des illustrations (exemples d’applications pratiques, études de cas…). Comme le soulignent les auteurs de l’étude, les différents logiques d’innovation ne s’excluent pas les unes les autres. Bien au contraire, beaucoup d’innovations de rupture combinent par exemple innovation technologique, innovation de business models et innovation sociale : c’est le cas notamment d’entreprises emblématiques telles que Blablacar, Uber ou AirBnb. Chaque modèle d’innovation développe une relation plus ou moins proche avec le territoire, la technologie, la recherche, les usagers. C’est la diversité de ces relations et de leurs modalités de mise en œuvre qui constitue aujourd’hui un enjeu stratégique. En ce sens, une « métropole innovante » se définit avant tout par sa capacité à soutenir le déploiement d’une pluralité de logiques et de lieux d’innovation ayant vocation à s’interféconder.

Liens web : http://www.grandlyon.com/metropole/bienvenue-a-la-metropole.html

Cliquer pour accéder à Modeles%20Innovation%20-%20120515.pdf

Au sujet de Guy-Patrick Azémar

Guy-Patrick Azémar Ethnologue de formation, Guy-Patrick collabore à de nombreuses publications. Ses spécialités : développement durable, énergies, environnement, ethnologie de l’entreprise, vulgarisation des savoirs.

Catégorie(s)

VILLE & URBANISME

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