Lors d’une réunion à Bercy, vendredi 12 juin 2015, où AIDES, ATTAC, Coalition PLUS, ONE France et Oxfam France étaient conviés, le ministre français des Finances, Michel Sapin, a indiqué que la France souhaitait exempter de la TTF européenne les titres étrangers et n‘a donné aucune information claire sur la taxation du trading à haute fréquence. C’est donc une TTF européenne au rabais que la France a soutenu le 18 juin, à la réunion des ministres européens des finances.

Ce jour-là, les 11 pays souhaitant instaurer une taxe européenne sur les transactions financières (TTFE) doivent aboutir à un accord sur les actions. La question des dérivés, demandant plus de temps, serait reportée à la réunion des ministres des finances du 14 juillet prochain. Or Michel Sapin risque de défendre une taxe à minima sur les actions, à l’exemple de la taxe française sur les transactions financières qui ne rapporte que 780 millions d’euros par an. Le ministre a indiqué aux associations qu’il souhaitait taxer uniquement les actions émises par les 11 pays membres et exempter les transactions sur actions étrangères. Problème : selon l’Institut allemand de recherche économique, exempter les actions étrangères priverait la France d’1,2 milliard d’euros par an, soit la moitié des recettes espérées sur les actions seules. Michel Sapin maintient, par ailleurs, le flou sur la taxation du trading à haute fréquence.

Pourtant, ces transactions hyper spéculatives représentent, à elles seules, entre 21 et 45 % des volumes sur les actions de la bourse de Paris (2). « Le ministre martèle qu’il veut taxer tous les produits de la finance à taux bas, comme demandé par le Président de la République en janvier (3). Pourtant, il soutient cette semaine à Bruxelles l’exemption de 70% des transactions sur les actions, celles portant sur titres étrangers », déplore Khalil Elouardighi de Coalition PLUS.

Une opportunité manquée pour sauver des vies

Les associations AIDES, ATTAC, Coalition PLUS, ONE France et Oxfam France rappellent qu’une TTF européenne est nécessaire pour lutter contre la spéculation et lever les ressources manquantes à la riposte contre le grandes urgences mondiales, telle les luttes contre le changement climatique et les pandémies. C’est une solution unique qui s’avère d’autant plus indispensable que les Etats, à un mois de la Conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement et à six mois du Sommet Climat à Paris, n’ont toujours pas respecté leurs promesses de financement au Fonds Vert pour le climat et au Fonds mondial contre les grandes pandémies. « Sans fonds, la conférence d’Addis-Abeba et le sommet sur le climat présidé par la France seront des échecs. Michel Sapin n’a plus le choix : lors des prochaines réunions des ministres des finances, le 18 juin et le 14 juillet, il doit instaurer une TTF rapportant au moins 24 milliards d’euros par an et convaincre ses partenaires européens de la consacrer à la lutte contre le changement climatique et contre les grandes pandémies », rappelle Alexandre Naulot d’Oxfam France.
Si la France et les autres pays européens respectaient leurs engagements financiers, 21 millions de malades du sida pourraient continuer à vivre et 50 millions de personnes ne seraient pas condamnées à mourir de faim d’ici 2030, en raison du réchauffement climatique. Des vies sont en jeu. Une TTF large et ambitieuse peut les sauver.

De leur côté, les écologistes estiment qu’à 5 mois de la COP 21, le moment est venu de s’engager de manière forte et exemplaire vers la mise en place de la taxe sur les transactions financières pour le 1er janvier 2016.

« En accueillant la COP 21 en décembre, la France porte une responsabilité historique dans la réussite de ce rendez-vous sans nul doute décisif pour l’avenir de l’humanité. C’est pourquoi l’implication du Président de la République doit être totale en vue d’entrainer ses partenaires dans son sillage, et conserver toute sa crédibilité dans les négociations internationales en décembre » explique EELV. Ce parti rappelle « qu’une taxe ambitieuse sur les transactions financières pourrait – en plus de limiter les ravages de la spéculation – rapporter chaque année 36 milliards d’euros sans peser sur les ménages. Cette manne précieuse servirait pour une partie à l’aide publique au développement -notamment dans la lutte contre le sida – et le fonds de solidarité destiné aux pays en développement pour qu’ils opèrent leur transition énergétique ». La TTF répondrait ainsi à l’urgence climatique comme à une nécessité démocratique. « La question financière sera justement l’une des clés du succès dans la perspective d’un accord mondial, ambitieux et contraignant sur le climat. L’injustice climatique dont sont aujourd’hui victimes les pays du Sud -les plus vulnérables – face aux pays du Nord – largement responsables de la situation actuelle – implique de débloquer des financements additionnels afin de permettre aux populations les plus pauvres de s’adapter aux conséquences néfastes et quotidiennes du dérèglement climatique ».
EELV réclame donc un positionnement clair et inconditionnel de la France afin que la taxe sur les transactions financières voit enfin le jour.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ECONOMIE

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