Une récente Note du Conseil d’analyse économique (CAE) met en évidence la nécessité de promouvoir l’égalité des chances à travers le territoire, aussi bien dans les zones à forte attractivité que dans celles moins dynamiques.

Les deux auteurs Philippe Askenazy (1) et Philippe Martin (2) insistent sur l’intérêt qu’il y a à accompagner la concentration d’activité, qui permet de réaliser des gains de productivité, par une lutte contre la congestion. Parallèlement, indiquent-ils, « il importe de promouvoir l’égalité des chances des individus par une meilleure répartition de l’accès au soin, de la formation et par une réduction des freins à la mobilité ».


Comment concilier les objectifs d’équité territoriale et de croissance macroéconomique ?

Les enseignements de la nouvelle économie géographique préconisent de ne pas entraver la concentration dans l’espace des moyens de production, puis de distribuer les fruits de la croissance à travers le territoire. Les auteurs plaident en faveur d’une stratégie permettant de favoriser l’émergence de pôles de croissance capables de rivaliser avec les métropoles mondiales, tout en insistant sur le rôle des autorités publiques pour assurer (ou rétablir) l’égalité des chances territoriale en matière d’éducation, d’accès à l’emploi et de santé, la concentration spatiale des activités de production pouvant par ailleurs bénéficier indirectement aux territoires défavorisés en solvabilisant le système de transferts sociaux.

Production et revenu : des dynamiques différentes au niveau territorial.

Même si la croissance diffuse moins que par le passé vers les régions moins développées, les inégalités interrégionales de revenu disponible n’ont cessé de diminuer en France depuis trois décennies. Malgré des dynamiques de l’emploi hétérogènes (les grandes agglomérations semblent avoir mieux résisté que les petites à la crise de 2008),
on constate une convergence des taux de chômage entre grandes régions et bassins d’emploi.

Les gains économiques à la concentration spatiale des activités.

La concentration spatiale des activités de production et de recherche d’un secteur donné permet d’augmenter la productivité et donc la croissance de long terme, mais une trop grande spécialisation rend les territoires vulnérables à des chocs sectoriels.
Les grandes métropoles bénéficient des gains d’agglomération sans en avoir les risques du fait d’une structure économique diversifiée. Il importe alors de concentrer les investissements publics – logement, transport, universités – dans les zones d’emploi et départements où les effets de congestion sont les plus forts.

Donner des chances aux individus sur tout le territoire.

Dans les zones peu denses, le coût du foncier constitue un atout pour attirer des activités peu sensibles aux effets d’agglomération. Mais il est nécessaire de donner aux individus de ces territoires les mêmes chances que ceux des grandes agglomérations à l’école, en apprentissage, à l’hôpital, vis-à-vis de l’emploi et de lever les freins à la mobilité.NOTES :

Huit recommandations de politiques publiques pour concilier croissance macroéconomique et égalité des chances sur le territoire

Recommandation 1. Réorienter la politique du logement sur les zones dites de tension (très denses).

Recommandation 2. Réorienter les investissements de transport public sur les problèmes de congestion des grandes agglomérations plutôt que de créer de nouvelles lignes de TGV.

Recommandation 3. Une évaluation indépendante permettrait de quantifier les effets des pôles de compétitivité et leur hétérogénéité. Clarifier les objectifs des pôles de compétitivité, en les concentrant sur la productivité, l’innovation et la compétitivité. Ne pas hésiter à réduire leur nombre.

Recommandation 4. Évaluer les implications géographiques des exonérations de cotisations sociales et crédits d’impôt assis sur la masse salariale afin de déterminer dans quelle mesure une concentration de ceux-ci sur les plus bas salaires peut aider les territoires défavorisés.

Recommandation 5. Fluidifier le parc locatif social en utilisant des indicateurs de tension transparents pour guider la péréquation entre les offices HLM et allouer les subventions entre les territoires, et en activant des surloyers en fonction de la durée d’occupation et des revenus. Refondre les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les rendre progressifs sur les résidences principales des actifs.

Recommandation 6. Lever les restrictions à l’entrée dans le secteur des auto-écoles qui fonctionne aujourd’hui comme un oligopole.

Recommandation 7. Pour limiter la reproduction des inégalités territoriales de PIB dans le financement par les entreprises de l’apprentissage, fixer au niveau national une dotation que chaque apprenti apporte à son centre d’apprentissage.

Recommandation 8. Renverser la logique actuelle d’affectation des moyens en fonction de la consommation et donc de l’offre médicale, par une affectation du financement de la santé en fonction des besoins des populations et en s’appuyant sur une décentralisation au niveau des Agences régionales de santé.

Notes

(1) CNRS-ENS-École d’économie de Paris et CEPREMAP, membre du CAE.

(2) Sciences Po Paris et CEPR, membre du CAE.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ECONOMIE

Etiquette(s)

, , , , ,