L’histoire de Place Publique, premier site d’information citoyenne sur internet, est le reflet d’une évolution : celle de la presse indépendante à travers les réseaux en ligne. Près de 20 ans après sa création, la rédaction de Place Publique estime essentiel le projet de structurer le paysage des médias citoyens autour de valeurs et de projets communs .

Des internautes de plus en plus informés et actifs

Avec la maturation des usages et la professionnalisation des technologies, la toile est désormais un espace de référence majeure, pour le plus grand nombre. Une vingtaine d’années d’existence ont vu émerger des sites en ligne de qualité et des moyens d’échanges de plus en plus sophistiqués. De ce fait, le temps long, la durée, la réflexion, la concentration, ont pris position sur la toile, accompagné d’outils de partage et de systèmes d’alertes facilitant l’organisation de projets, de débats et d’actions dans des délais rapides. De plus, sur Internet, les médias d’idées avec des vrais dossiers, commencent à marquer leur territoire. Régulièrement alimentés, ils deviennent des référents des accompagnateurs, offrant aux discussions, aux dialogues, les moyens de se maintenir en forme, sur la durée. Ils offrent aussi des labels de garantie, patinés par le temps et l’expérience. Ainsi, Internet n’est plus seulement le lieu du zapping, du temps rapide. Si ce travers existe encore chez de nombreux utilisateurs, ce n’est plus la règle générale. Les visiteurs sont de plus en plus amenés à s’arrêter sur tel ou tel site, soit parce qu’ils s’y abonnent, soit parce qu’ils y trouvent l’espace qui leur convient pour s’informer, réfléchir, partager, agir.

Des acteurs d’internet de plus en plus qualifiés

Dans l’univers des réseaux, le panel de personnes plus ou moins qualifiées, plus ou moins informées, a considérablement augmenté du fait de ces croisements de compétences. Dans cet espace du partage, de pair à pair (peer to peer), les citoyens avertis et bénévoles se retrouvent dans des blogs, ou sur des sites associatifs. Leur relation au savoir et à l’information est variée. La révolution du world wide web a permis l’émergence d’une sorte de « foule intelligente », capable de gérer des interactions entre savoirs disséminés et individus à distance.
Ces individus-citoyens ont acquis avec le temps une légitimité à s’exprimer sur ces sujets. On trouve aussi, à mi-chemin du professionnel et de l’amateur, au sein des associations, dans les networking, dans les réseaux en ligne, des internautes non-journalistes mais « relais d’opinion » et pourvoyeurs d’informations triées, susceptibles de lancer des pistes de réflexion, capables de recueillir du savoir, d’acquérir une petite expertise et de la diffuser.

Ces réseaux ne sont plus réservés à des spécialistes du web. Une simple expérience numérique suffit désormais à piloter un site ou un blog. Ces autodidactes, étudiants qualifiés, retraités de la recherche, passionnés, ont su se composer un réservoir d’outils de diffusion capables d’animer et de relayer des thématiques que la presse, soumise à la logique des « sujets vendeurs » n’est plus en mesure d’assurer au plus grand nombre. Quels que soient leurs motivations, des millions d’internautes, prêts à faire don de leurs compétences à la cause, ne demandent pas mieux que de collaborer et de donner du temps disponible en apportant des idées et témoignages précieux.

La toile: des difficultés à s’y retrouver

Prudence toutefois. On trouve sur les réseaux en ligne le meilleur comme le pire. D’où la nécessité d’avancer avec précaution dans ce que d’aucuns appellent « la jungle d’internet ». Autre obstacle, la surabondance d’informations qui ne permet pas d’avoir une bonne visibilité des acteurs les plus pertinents. D’où l’importance de qualifier les sites références ou médiateurs. Les relais d’information citoyens ont plusieurs devoirs relevant de l’éthique journalistique : mettre en évidence les initiatives citoyennes que la grande presse laisse de côté, assurer le tri de l’information, rapporter les idées nouvelles, remplir la fonction de lanceurs d’alertes, assurer une fonction critique à l’égard des médias dévoyés, promouvoir des débats citoyens et lancer des campagnes aussitôt que les libertés et la démocratie sont menacées .

Les médias citoyens : une nécessité politique

Dans de nombreux pays, le pacte démocratique est malmené, quand il n’est pas tout simplement bafoué ou interdit. Ici et là, des révolutions pleines d’espoir et des démocraties détournées ou confisquées. Risque de captation par les extrêmes, qu’ils soient politiques ou religieux, menace des puissances financières, persistance des dictatures militaires, le monde libre est souvent démuni face à ces réalités. Dans un monde où ce qui affleure, c’est la perte de sens des choses et de l’histoire, penser l’avenir, détecter les mouvements porteurs de richesses, est une nécessité. Il est utile de rendre compte des grandes questions qui font craindre à certains l’apocalypse et à d’autres imaginer l’avenir radieux.

On ne fait jamais assez pour défendre les principes de la démocratie. Du fait qu’elle exige beaucoup, la démocratie reste fragile et jamais acquise. La démocratie montre sa fatigue. Pourtant le modèle démocratique reste bien l’horizon des gens. Mais cet horizon doit être constamment éclairci, amélioré, vitalisé, soutenu. Le pacte démocratique demande à être constamment renforcé. Cela implique la mobilisation des opinions et le renforcement d’une presse éthique.
Les Français sont, au plan européen, les plus inquiets sur leur démocratie et leurs représentants. C’est un fait, ni la démocratie représentative, incontestablement érodée et qui a tendance à se constituer comme une catégorie de citoyens à part, ni ce qu’on appelle la démocratie participative avec ses accents populistes, ne suffisent à garantir le combat pour le bien commun. L’enjeu est de redéfinir une dialectique capable de redéfinir les justes proportions pour que le débat public tienne davantage compte de l’énergie, des ressources de la société civile, de leur force de propositions, de leur capacité de démonstration et d’expérimentation, ce que nous appelons « les initiatives citoyennes »

Structurer le paysage des médias citoyens

Pour toutes ces raisons et obligations, Place Publique s’est associé à l’initiative engagée par David Eloy, rédacteur en chef d’Altermondes, Malek Khadraoui, journaliste, fondateur d’Inkyfada.com (Tunisie), Philippe Merlant, journaliste, fondateur de Reporter Citoyen ( et ex-cofondateur de Place Publique) , Edwy Plenel, co-fondateur et président de Mediapart, afin de renouer avec les fondamentaux historiques du métier. Comme le soulignent les signataires de l’initiative « les médias citoyens sont en pleine effervescence. Leurs acteurs sont multiples, mais isolés. Il est essentiel que ce paysage se structure et se reconnaisse».
Depuis près de 20 ans, Place Publique, premier site internet d’information (créée en 1996 par Yan de Kerorguen (actuel rédacteur en chef), Philippe Merlant, Guy-Patrick Azemar et Sophie Reinauld, maintient, à travers ses « Observatoires », son « Magazine » et sa « Base de données », une logique de veille des nouveaux relais d’influence et des nouveaux canaux de l’intermédiation sur internet (initiatives citoyennes, blogs experts, sites spécialisés, médias sociétaux, associations de chercheurs, clubs de passionnés..).

Une histoire qui fait de l’association, la pionnière de la presse citoyenne internet mais qui témoigne aussi d’une constance dans notre action. Cette longévité est assez rare sur Internet. Une histoire riche d’initiatives locales, d’engagements politiques, de débats, d’indignations, de mises en alerte humanitaires… et pleine de rencontres. Une histoire témoin de l’entrée dans le XXIème siècle. Place-Publique, a ainsi permis à de nombreux jeunes de se former à l’information « citoyenne » grâce aux « emplois jeunes » et à se familiariser avec les outils numériques. Plusieurs années passées à explorer le champ des possibles à travers les milliers d’informations « citoyennes » relayés dans la base d’initiatives, le magazine, les agendas, les fils infos, les forums mais aussi les conférences de rédaction ouvertes..

Pour Place Publique, le combat de la presse citoyenne s’apparente à celui de la révolution sociétale. Avec toujours, en bandoulière, cette conviction que l’action est la soeur du rêve. Et avec comme programme, la lucidité.

Place Publique au cœur de l’information prospective et citoyenne

Notre ambition n’a pas changé. Place Publique continue à être à l’écoute de tous ceux qui bougent. Notre vocation : Apporter des visions de société qui permettent à chacun d’être davantage acteur de sa vie; Créer une pleine place aux idées et au terrain en donnant la parole aux penseurs du temps qui passe, aux avant-gardes, aux mondes ouverts, aux chercheurs dans les labos, aux praticiens qui inventent des solutions économiques et sociales, aux associations engagées dans le développement durable, aux entreprises qui innovent, aux contre-pouvoirs. L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare. Anticiper est la condition de l’action.

A travers notre magazine et notre base de données, nous continuons de promouvoir la belle idée d’une place publique en actes qui redonne envie de faire de la politique et de consolider le pacte démocratique

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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