Le traitement des problèmes sociaux connaît actuellement une révolution à l’échelle mondiale. Les outils de finance sociale conçus pour aider les services publics sociaux à améliorer leurs prestations, font aujourd’hui l’objet de toutes les attentions.

Un rapport remis par Hugues Sibille, représentant français de la Taskforce internationale sur l’investissement à impact social constituée en juin 2013 par le G8 fait le point sur ce sujet montant. Elaboré par 29 personnalités du monde de la banque, du capital investissement, de l’entrepreneuriat social, d’agences publiques, d’administrations, de milieux académiques et d’organisations internationals, il considère que le traitement de besoins sociaux non ou mal satisfaits en France dans les conditions actuelles du marché et des politiques publiques, implique de mieux articuler les innovations sociales et financières. Que représente ce nouveau mode de financement? Quels sont les acteurs qui, dans ce domaine, apportent des réponses? Qu’en pensent-ils?

La finance sociale désigne la mobilisation de capitaux privés pour atteindre des objectifs prioritaires et spécifiques, dont l’impact est mesurable grâce à un processus continu d’évaluation. Cet investissement peut être réalisé dans tout type juridique d’organisation, associations, fondations ou entreprises d’utilité sociale. Elle offre la possibilité aux investisseurs de financer des initiatives sociales innovantes au profit de la société. Elle fournit aux organismes communautaires la possibilité d’avoir accès à de nouvelles sources de financement afin de concrétiser leurs idées. Parmi ces nouvelles formes de financement innovant se trouvent les Social Impact bonds (SIB), un contrat basé sur l’obligation de résultats.

« Les SIB sont une forme non traditionnelle d’obligations émises par l’Etat sans taux d’intérêt fixe mais sur une période prédéterminée par laquelle l’Etat s’engage à payer pour l’amélioration significative des résultats sociaux ( comme une réduction du taux de délinquance) pour une population définie. » (Définition par le Groupe Pilote. Etude prospective « Comment encourager la philanthropie privée au service du développement ?». Mai 2012.

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Un contrat est négocié selon lequel le gouvernement s’engage à payer un taux de rendement sur le capital investi en contrepartie de meilleurs résultats sociaux. En vertu de ce principe, l’intermédiaire contacté par le gouvernement recueille des fonds auprès d’investisseurs privés ou des fondations à vocation sociale. Il peut s’agir de personnes fortunées et de fiducies de bienfaisance ou encore d’investisseurs davantage en quête de profit. La plupart des projets se concentrent sur les problèmes sociaux qui se posent sur le long terme : absentéisme, aide médicale aux plus agés, inalphabétisme, exclusion scolaire, justice pour les jeunes, récidives, réduction du taux d’homicide, services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, sans-abris. Mais la tendance est d’élargir le concept des SIB à des domaines comme l’éducation ou la santé. Les principaux bénéficiaires sociaux sont les populations les plus fragiles : les jeunes, les exclus sociaux, les handicapés, les immigrés.
En France, cette problématique intéresse encore peu d’acteurs. Mais le mouvement prend forme sous l’influence de personnalités et entités concernés par le financement social. Tels : Finansol, Nicole Notat et son équipe, Hugues Sybille et le Comité consultatif sur l’investissement à impact social pour la France, Carole Delga, Secrétaire d’Etat à l’Economie Sociale et Solidaire, SB Factory, Sandra Desmestre (Cabinet Michel Sapin), Crédit coopératif, BNP Paribas, Conseil stratégique ( cabinet du Premier ministre), André Dupon, Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux), Antonella Noya, OECD, Béatrice de Durfort, Centre Français des Fonds & Fondations , Bernard Giraud, Livelihoods (Fonds d’investissement Danone), Blanche Segrestin, Ecole des Mines de Paris , Christian Schmitz, Solidarité internationale pour le développement et l’investissement (SIDI) , Claude Leroy-Thémèze, DG Trésor , Elise Depecker, Avise , Finansol, Geneviève Ferone, Prophil, Agence Française de Développement (AFD), Fondation Grameen Crédit Agricole, Caisse des dépôts , Comptoir de l’Innovation, Jean-Michel Severino, Investisseurs & Partenaires , Laurence Mehaignerie, Citizen Capital , European Venture Philanthropy Association (EVPA), Bpifrance, Impact Partenaires, Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International, Groupe SOS, Comptoir de l’Innovation , PhiTrust, Société d’Investissement de France Active (SIFA), Mandarine Gestion

Prospective: que pensent les experts du social impact bond?
“Le développement des Social impact bonds demandera des années. Comprendre les impacts et leurs mesures va prendre du temps. A l’heure actuelle, aucun des programmes pilotes n’est encore arrivé à son terme. Il est ainsi difficile de mesurer l’efficience de telles approaches”. David Hutchinson, Directeur de Social Finance
“C’est un tout nouveau instrument financier, donc il n’y a pas forcément encore de barrières, mais c’est vraiment une nouvelle façon de travailler”. Alicia Helbitz. Directeur de la communication Social Finance.
« Il n’y a jamais eu de moment plus opportun pour repenser le rôle des marchés de capitaux dans la résolution de problèmes sociaux persistants. A une époque où nos villes et nos états font face à des déficits budgétaires croissants, des Social Impact Bonds, sont capables de fournir une opportunité pour le secteur privé, à but non lucratif, et pour le public, en permettant de collaborer et d’attirer des capitaux tant desires”. “ Si les experiences sont payées de success, les “social impact bonds “ seront les meilleures vois d’accès aux marches financiers pour les organisations qui ne font pas de profits” . Tracy Palandjian, PDG de Social Finance Inc.
“Nous pensons que ces investissements ouvriront la voie à de nouveaux instruments permettant aux pouvoirs publics de lever des capitaux provenant du secteur privé”. Lloyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs.
“Le principal attrait de ce type d’obligations, est qu’elles sont progressistes sur le plan social et conservatrices sur le plan fiscal”. George Overholser, fondateur de Third Sector Capital Partners, un cabinet de conseil financier à but non lucrative.

 « L’outil s’inscrit pleinement dans une recherche d’efficacité des dépenses sociales. Ce n’est pas la délivrance du service qui est ici financée, mais sa performance qui est mesurée. » Caroline Lansing-Heben. Chargée de mission Centre d’analyse stratégique.

 « Si une structure qui intervient en milieu carcéral fait baisser le taux de récidive, elle recevra une prime lui permettant de rembourser l’obligation. Il y a de quoi nous inspirer, en adaptant l’idée à la culture française. » Jean-Louis Bancel, président du Crédit Coopératif.

 « Le lancement réussi des Social impact bonds (SIB) est très prometteur. Le premier SIB permet par exemple à des investisseurs de percevoir des intérêts payés par l’Etat, calculés en fonction de la réussite de programmes de réinsertion d’anciens prisonniers. Ainsi, plus l’Etat économise sur le coût de la réincarcération, plus l’investisseur est rémunéré (jusqu’à 7,5% de rendement annuel) ». Serge Raicher, président de l’EVPA, European Venture Philanthropy Association

«Il nous faut abandonner l’idée de vouloir financer des projets en espérant qu’ils réussissent. L’avantage des «Social impact bonds» est que, si la banque et les entreprises mandatées présentent les résultats attendus, nous payons, sinon, nous ne payons pas.» Jay Gonzalez . Service des Finances et de l’Administration du Massachusetts .

 “ Ce serait « une grave erreur » que d’encourager les investisseurs à faire des bénéfices privés au lieu de faire porter au gouvernement ses responsabilités sur de tels sujets. En effet, si les gouvernements ne connaissent plus de risques sur les projets sociaux (en cas d’échec des projets, ils n’ont pas à rembourser le prêt), ils peuvent avoir tendance à se déresponsabiliser sur des projets très importants pour la société”. Mark Rosenmann, expert, professeur d’université à Cincinnati.

 Comme il est de tradition, la France est plus encline à théoriser sur la question qu’à expérimenter. “La principale critique faite à l’encontre des Social Impact Bonds concerne la moralité de la chose. Est-il éthique que certaines organisations réalisent puissent espérer une rémunération sur des crédits destinés à des projets sociaux au centre duquel se jouent des destins humains ? Les bénéfices réalisés ne devraient-ils pas être automatiquement réinvestis dans d’autres projets sociaux ? Telles sont les questions de société que soulève le phénomène des SIB”. TnP Consultants, un cabinet de conseil indépendant en stratégie opérationnelle et management (in site : labanqueresponsable.com)

 “Une chose est sûre: les porteurs de projets à impact social cherchent des financements pour mener des projets dans des domains où la finance s’assèche. La question est de savoir quels types de produits financiers peuvent apportre des solutions? Dans ce panel de solutions, le Social impact bond est envisagé comme un outil parmi d’autres. Mais personne n’a idée de ce que peut coûter un tel instrument en France, car il est très éloigné des traditions de financement existantes. La puissance de l’état providence en France et la timidité des initiatives de financement social par le privé font que l’outil parait de prime abord peu adapté à la situation française. La voie la plus adaptée aux SIB se trouve du côté des territoires pour des programmes à l’échelle locale de petite ampleur. Dans les pays anglo-saxons, le financement philanthropique est très puissant. Les partenariats privé-public sont monnaie courante. Marion Vallet-Moison, co-fondatrice de SB Factory (interview)

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

ECONOMIE, ETUDE

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