La ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie compte créer 100.000 emplois sur trois ans en relançant les chantiers de l’économie verte. La loi sur la transition énergétique attendue à l’été fournira un cadre pour accélérer la montée en puissance.

Retrouvant vingt deux ans plus tard, dans le gouvernement de Manuel Valls, le ministère de l’Environnement rebaptisé en Développement durable, Ségolène Royal va devoir mettre en musique la transition énergétique. Un projet de loi devrait être présenté dès juillet prochain en commission à l’Assemblée nationale, conformément aux promesses de Matignon.

La partition prévoit de « créer 100.000 emplois en trois ans », a affirmé la ministre en présentant, le 25 avril dernier, le détail de son programme 2014-2017. Après l’échec de la fin 2013 pour inverser la courbe du chômage et la priorité pointée par François Hollande et Manuel Valls pour relancer l’emploi, l’enjeu est capital. Pour atteindre son objectif, Ségolène Royal a présenté vingt sept chantiers qui vont devoir être ouverts ou approfondis afin de relancer la croissance verte. C’est beaucoup… presque trop pour que l’inventaire ait la valeur d’un engagement précis.

Mais frustrée par sa mise à l’écart des responsabilités nationales pendant de nombreuses années, Ségolène Royal déborde d’ambition. S’agissant des créations d’emplois, nul doute qu’elles seront au centre de ses préoccupations. Elle ne part pas, d’ailleurs, d’une page blanche. La deuxième conférence environnementale qui s’est tenue les 20 et 21 septembre 2013 a permis d’établir une feuille de route pour la transition écologique qui comprend notamment un important volet sur l’emploi. C’est maintenant à sa mise en œuvre que la ministre durable va devoir s’attacher.

Un vivier d’emplois à géométrie variable

Jusqu’à présent, l’économie verte a fait l’objet de nombreuses projections démontrant son potentiel. Sur la base des travaux de l’association négaWatt qui prévoit un développement massif des économies d’énergie et des énergies renouvelables entre 2012 et 2050, le Centre international de recherches sur l’environnement et le développement (CIRED) estime à 240 000 le nombre emplois (en équivalent temps-plein) qui pourraient être créés d’ici à 2020, et 630 000 d’ici à 2030.

Pour sa part, reprenant un scénario de l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), l’Agence pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe) table sur « près de 317.000 créations d’emplois d’ici à 2030, 800.000 d’ici à 2050 ».

En réalité, ces projections sont fragiles. Elles dépendent des prix des hydrocarbures, et par là de l’environnement géopolitique. Déjà en 2010, le Conseil d’orientation pour l’emploi dans son rapport sur « croissance verte et emploi » soulignait que « le volume des emplois induits dépend de manière cruciale de la valeur des énergies fossiles : avec un baril à 120 dollars, le nombre des emplois induits créés grimperait à 465.000 environ tandis qu’avec un baril à 40 euros, l’effet devient négatif ».

Par ailleurs, tout choix qui permet de créer des emplois dans un secteur peut aussi en détruire ailleurs : ainsi, l’étude du CIRED considère qu’une action volontariste en faveur des énergies renouvelables pourrait créer 335.000 emplois, mais en détruire 116.000 dans les secteurs du gaz et de l’électricité. Ce qui n’empêche pas de mettre en place des passerelles avec des formations adéquates.

En outre, les projections doivent sans cesse être réactualisées. Les années de crise ont ralenti le passage à un nouveau paradigme, plus vert. Ainsi, la droite a reculé sur l’introduction de la taxe carbone, la gauche a été tenue en échec sur l’application de l’écotaxe, deux mesures issues du Grenelle de l’environnement.

La montée en puissance du gaz et des huiles de schiste, la stabilisation du prix des hydrocarbures, les dispositions réglementaires limitant le recours à l’éolien terrestre et l’échec d’une production nationale de panneaux photovoltaïques face à la concurrence chinoise… furent d’autres facteurs qui ont ralenti la progression vers la transition énergétique. Tout comme le débat sur la charge pour le consommateur de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) destinée entre autres à financer les énergies renouvelables.

Aussi, dans un rapport de janvier 2014, la Cour des comptes constate que si des résultats positifs ont déjà été obtenus pour progresser vers une économie plus verte, les objectifs 2020 seront difficiles à atteindre compte tenu des efforts d’investissement considérables à consentir.


Des effets déjà perceptibles de la croissance verte

Selon le rapport de l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte rendu public en février 2014, les différentes activités qui sont concentrées sur l’environnement et l’écologie comprenaient plus d’un million d’emplois verts (en équivalent temps plein) en 2011. Soit une augmentation de 6,4 % par rapport à 2010 et de 2,9 % par an en moyenne entre 2008 et 2011.

Et si on élargit l’analyse à l’ensemble des professions « verdissantes », c’est-à-dire qui sont impactées par une démarche en faveur du développement durable, entre 3,7 millions et 4,1 millions d’emplois sont à ce jour concernés dans l’Hexagone, répartis entre 66 et 73 professions différentes recensées par l’Observatoire.

Le potentiel de croissance verte dans tous ces secteurs est loin d’être épuisé. Ségolène Royal a insisté sur le secteur du bâtiment avec la rénovation thermique des logements, la construction de systèmes de transports collectifs utilisant des matériels plus performants, le recours à des méthodes d’agriculture plus économes en énergie …

La ministre veut mettre en place de nouveaux modes de financement pour les travaux d’économies d’énergie, réformer la formule de calcul des tarifs d’électricité pour les stabiliser, consolider les avancées dans la construction de parcs éoliens mener de front la réforme de l’écotaxe et celle du système ferroviaire, promouvoir l’économie circulaire et « reconquérir la qualité de l’air ».

« L’enjeu environnemental est un enjeu démocratique », a insisté l’ancienne candidate à l’élection présidentielle. Et aussi un enjeu économique, qui peut être compatible avec un défi écologique. Des emplois dépendent de la façon dont il sera relevé.