L’hypnose peut faire éclater de rire à défaut d’endormir. En prenant un Feydeau de la meilleure plume et en mettant une pression étonnante sur les formidables comédiens du Français, Zabou Breitman pousse la mise en scène de ce « Système Ribadier » dans les étoiles. Sacrée soirée.

Ah! ce « Système Ribadier ». Une trouvaille, une machine à rire identifiée
vers la fin du 19è siècle. Époque dite belle. Le professeur Charcot, en la
Salpétrière à Paris, soignait alors des malades par l’hypnose. Une sacrée
aventure qu’un auteur comme Georges Feydeau -là en compagnie d’un autre auteur de théâtre, Maurice Hennequin- ne pouvait rater. L’hypnose possède un potentiel de tromperies, de quiproquos qui ne peuvent que fasciner un large public. Surtout quand Feydeau, ici sculpté par Zabou Breitman, offre un vaudeville survitaminé.

L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère. La bourgeoise et veuve Angèle,
qui avait découvert que son premier défunt de mari, Robineau, la trompait
allègrement – il écrivait toutes ses fredaines dans des carnets –, reste sur
ses gardes depuis son nouveau mariage avec Ribadier. Ce dernier, autant coureur que son prédécesseur, utilise à l’insu de son entourage -et donc de sa femme- une méthode spectaculaire pour ses escapades extra-conjugales : il hypnotise Angèle… C’est tellement simple ! Merci M. Charcot…

Mais Feydeau sait pimenter le propos. Il fait revenir chez la chère Angèle
l’amoureux toujours transi de la maîtresse de maison. Ce Thommereux qui avait préféré « l’exil » pour ne pas faire ombrage à son ami disparu … Robineau. L’auteur ajoute le ‘business man’ Savinet, autre cocu de l’histoire, et n’oublie pas -parce qu’on est chez les bourgeois- la femme de chambre, l’homme à tout faire et, surprise de la mise en scène, la présence d’un petit chien très cabotin, savant et drôle !

Tout ces partis-pris accélèrent le mouvement des comédiens. Zabou Breitman a mis clairement la pression sur la rapidité du jeu, sur le comique de situation. Sur le plateau, ce sont des courses folles ou des échanges vifs que l’on déguste
avec plaisirs.

La scénographie pleine de surprises et d’astuces (le grand portrait du défunt Robineau n’est autre que la figure de l’auteur, Feydeau !) est signée du talentueux Jean-Marc Stehlé, hélas décédé quelque temps avant la première
représentation. La folle mise en scène de Zabou Breitman lui doit beaucoup.

En créant deux espaces, un intérieur, bourgeois bien sûr, et un extérieur quand
les fenêtres s’ouvrent sur le quartier du théâtre du Vieux Colombier à Paris,
Stehlé a ajouté une autre dimension à ce qui aurait pu rester un théâtre en
chambre. Ici les amants ont une issue de secours et le petit chien (très savant)
peut y prendre l’air. Ce Feydeau est un vrai bijou.

Jusqu’au 5 janvier 2014 au Théâtre du Vieux Colombier/Comédie Française (75006 Paris. Tél : 0144398700/01). Avec : Martine Chevalier, Christian Blanc, Laurent Stocker, Julie Sicard,Nicolas Lormeau, Laurent Lafitte.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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