« La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs … » Tout le monde connaît la chanson mais connaît-on aussi bien la mer ?

On connait mal la mer : insuffisance, ignorance…
Sait-on ce que recèlent les fonds marins, ce que promettent les algues, ce qu’entrainent les vagues ? Paradoxalement, on en apprend bien plus sur la surface des planètes lointaines comme Mars ou Venus que sur les entrailles de la notre. Qui sait que le point le plus profond de la « planète mer » se situe dans la fosse des Mariannes à moins 11 034 mètres ?
_Pourtant, les abysses forment le plus grand habitat de La Terre. Bien qu’elles représentent les deux tiers de la superficie planétaire, les zones profondes des océans – entre 200 et 6000 mètres – demeurent pratiquement inconnues. L’homme n’a exploré que 5% des océans. Ils restent encore pleins de secrets et de mystères. Eh oui, la mer est la grande absente des systèmes éducatifs. « La mer pour les français, c’est ce qu’ils ont dans le dos lorsqu’ils regardent la plage » disait le navigateur Eric Tabarly. Ce « monde du silence », cher à Cousteau « le Français le plus célèbre du monde » fascine par sa démesure mais ne se laisse pas facilement « aborder ».

Pour Jules Michelet, (« La mer ». Editions Hachette), « c’est par la mer qu’il convient de commencer toute géographie ». La mer façonne la terre. Compte tenu de l’étendue considérable des mers, il serait d’ailleurs plus juste d’appeler notre planète « Océan ». Ses dimensions exactes sont encore difficiles à connaître. Si la Méditerranée, mer intérieure familière depuis l’Antiquité, a été très vite mesurée et représentée, l’Atlantique, en revanche, est resté pour l’Europe occidentale un espace infini jusqu’à ce que Magellan, contournant l’Amérique, accomplisse le premier tour du monde.

La planète Thalassa n’est pas qu’un horizon, ni seulement une invitation au voyage vers Cythère, c’est aussi un puits d’inspiration pour la science, riche de futurs possibles. « La mer est la matrice de la création et nous avons sa mémoire dans le sang », note l’écrivain anglais Hillaire Belloc. Au début du XXème siècle, le Docteur Quinton mit en évidence l’analogie quasi parfaite qui existe entre notre plasma sanguin et l’eau marine (à la différence près de la concentration en chlorure de sodium). En réalité, au fond des océans se déroule une foule de choses, essentielles pour notre avenir. Et d’abord, la première des choses : la vie ! La vie vient de la mer. Elle représente le cadre de l’existence le plus primitif. Les 9/10èmes de l’évolution se sont déroulées sous l’eau. Les premières batéries sont nées dans l’océan.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir… » écrit Baudelaire. Miroir de notre futur? Certainement. Jamais la mer en effet n’a été autant courtisée par les chercheurs et les ingénieurs.

Chaque jour, les scientifiques font état d’une nouvelle technologie, d’une nouvelle découverte dont les applications étonnent ou questionnent. Certaines de ces recherches répondent à des problèmes essentiels : le réchauffement de la terre, les énergies alternatives, la crise alimentaire, la santé… La mer devient stratégique.

Il faut avouer : c’est fou ce que les océans sont actifs ! Ils stockent. Ils transportent. Ils échangent de la chaleur et des gaz avec l’atmosphère. Ils reçoivent les sédiments et rejets des rivières. Ils hébergent la biodiversité marine notamment microbienne. Leur rôle est essentiel pour la compréhension du climat. Les océans constituent un milieu qui régule le climat, intervient dans le cycle de l’eau et influe sur la composition de l’air que nous respirons.. La majeure partie de la chaleur solaire reçue par notre planète est emmagasinée dans les océans qui constituent un prodigieux réservoir de chaleur. Préserver l’océan mondial est donc un enjeu écologique majeur.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, les océans sont au centre des défis que l’humanité doit relever. De nombreuses disciplines scientifiques sont concernées. Biologie, chimie, physique, climatologie, ingénierie mais aussi sociologie des populations. Qu’il s’agisse de l’impact des énergies marines renouvelables comme les courants ou des ressources minérales qu’on trouve du côté des grandes failles qui craquellent la croute terrestre, qu’il s’agisse des flotteurs dérivants, des observatoires sous-marins et autres technologies pour sonder les profondeurs, ou bien des recherches sur les algues ou le dessalement de l’eau de mer, ou encore des projets d’habitat marins, les océans jouent et joueront un rôle primordial dans notre équilibre climatique, pour notre santé, notre alimentation.

Et peut-être à la clé, une nouvelle économie. Ces défis sonnent comme des priorités si l’on souhaite préserver de façon raisonnée les ressources de la planète. Car, on le sait, les défis sont toujours doubles. Il y a le défi des risques nécessaires à prendre pour faire avancer la recherche et faire progresser l’humanité. Il va de pair avec le défi de la précaution et de la vigilance ; ne pas engager d’actions irréversibles contre la biodiversité ou le climat, par exemple, freiner ou stopper des pratiques contraires à l’environnement.

Eh oui, l’homme n’a pas toujours chéri la mer. Il l’a aussi meurtri. « L’océan ne s’est jamais autant dégradé que ces cinq dernières années. Pourtant, les scientifiques ont apporté suffisamment de preuves sur le rôle vital des océans et sur la nécessité d’en assurer la préservation. Il devient donc urgent de sensibiliser chacun, adulte et enfant, au rôle qu’il peut jouer individuellement et collectivement pour une meilleure gestion de l’océan. Tel sont les grands enjeux du XXIème siècle !

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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