« 41% de nos docteurs sont étrangers. Qu’ils choisissent de travailler ensuite en France, d’aller à l’international ou de retourner à l’étranger, ce sont les meilleurs ambassadeurs de notre culture. Ne cherchons pas à compliquer l’accès de nos chercheurs et docteurs à l’emploi» a déclaré le 27 juin Geneviève Fioraso à la Cité des Sciences.

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se réjouit de l’abrogation de la circulaire Guéant du 31 mai 2011 et du 12 janvier 2012. C’est en effet, une des premières mesures qu’elle a prise le 31 mai 2012, conjointement avec Manuel Valls, le ministre de l’intérieur, et Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. « La France est le quatrième pays au monde pour l’accueil d’étudiants étrangers. C’est un très grand enjeu pour son rayonnement et le dynamisme de son économie. C’est également un instrument puissant de coopération. Le texte antérieur avait fait beaucoup de mal à notre image. Il avait mis dans des situations impossibles des jeunes très brillants, rejetés par un pays qu’ils aiment. Il était impératif d’opérer un profond changement d’orientation » déclarait-elle dans le Monde (20/06/2012).

La circulaire Guéant exigeait plus de rigueur des préfets et un contrôle approfondi des demandes de changements de statuts d’étudiant en master à celui de salarié.

«C’est long pour obtenir un avis favorable de la préfecture. J’ai un ami algérien qui était major de sa promotion à Montpellier dans le domaine des capteurs et qui était pris chez Renault. Comme ça a trop tardé, Renault a embauché quelqu’un d’autre » témoigne Abderrahmane Abed, un étudiant en master de robotique. « La priorité donnée au réexamen des dossiers déposés depuis le 1er juin 2011 « était le point principal de nos discussions avec les interlocuteurs des trois ministères » s’est félicitée Fatma Chouaïeb, une étudiante HEC marocaine, porte-parole du collectif 31 mai qui a été créé pour lutter contre la circulaire Guéant. « Il y a environ 300 personnes qui sont sous le coup de ce texte, mais ce chiffre est loin de refléter la réalité », a-t-elle ajouté (1).

La tension semble s’être apaisée.

Geneviève Fioraso a assuré que «  la durée de la procédure ne devra pas dépasser deux mois. Une attention particulière sera portée aux demandes de premières expériences professionnelles, en tenant compte des recommandations fournies par les chefs d’établissement supérieur sur le niveau d’études ».

Les associations étudiantes réclament à présent la révision du décret du 6 septembre 2011 relevant le niveau des conditions de ressources imposées aux étudiants internationaux qui souhaitent poursuivre des études en France : il faut qu’ils puissent justifier de 640 à 770 euros mensuels contre 440 euros auparavant. Des négociations auront lieu durant l’été avec les présidents les universités et responsables des grandes écoles.

A. Abed a fait son master 1 et 2 robotique au LIRMM de Montpellier et termine son stage au laboratoire TIMC-IMAG à Grenoble sur la détection d’aiguilles en phase chirurgicale dans l’opération du cancer de la prostate. « Nous avons même obtenu des brevets » ajoute-t-il fièrement. Il va poursuivre sa thèse dans ce laboratoire d’excellence (Labex CAMI) de 200 personnes rattaché à l’Université Joseph Fourier. L’université grenobloise qui cherche à attirer d’excellents élèves en thèse est impliquée également dans trois Masters Erasmus mundus : sismologie (MEEES), Nanosciences-Nanotechnology et BioHealth Computing, un master qu’elle coordonne depuis 2011. « Mon expérience au cours de ce master BHC a été très bonne aussi bien durant notre séjour à Barcelone qu’à Grenoble. L’équipe des relations internationales de l’UJF nous a aidé à trouver un logement en résidence universitaire et à obtenir plus facilement les visas » témoigne Deepanwita Bose, une étudiante de l’université SRM, la première université privée indienne. « J’avais déjà obtenu un master en biotechnologie en Inde mais pour apprendre davantage il fallait que je vienne en Europe. Et j’ai passé un examen très sélectif pour être admise ». Les cours sont dispensés en anglais et elle apprend le français. Elle termine son stage de Master 2 au Laboratoire Prométhée en rapport avec l’Institut Albert Bonniot et l’Institut de BioPathologie de l’Hôpital Michallon de Grenoble. « J’espère poursuivre ma thèse en biologie du cancer et mon postdoc en France mais il faut d’abord que je trouve le financement» ajoute-t-elle, conquise par cet environnement scientifique de pointe et par la France.

« La France, c’est le meilleur système pour les étudiants étrangers »

A. Abed lui aussi espère obtenir l’une des dix bourses doctorales attribuées par l’UJF. Champion d’Algérie de karaté en 2006, il faisait partie des dix étudiants sélectionnés en master en systèmes électroniques complexes dans l’un des meilleurs instituts techniques d’Alger. Il a choisi de préparer un deuxième master en robotique car cette spécialité de pointe n’existait pas en Algérie. « Après avoir comparé la situation des étudiants au Canada, aux Etats-Unis et en Europe, j’ai choisi la France car c’est le meilleur pays pour faire ses études » estime-t-il. Et puis, il parle le français. Il a d’abord postulé auprès d’une université qui lui a donné un avis favorable. Muni de cette attestation favorable et d’une attestation de ressources (relevé bancaire), il a fait sa demande de visa grâce au Campus France d’Alger. « Il faut pouvoir justifier de 6000 euros par an. Pour rassembler cette somme, il faut s’endetter auprès de sa famille, des amis, des collègues. Une fois arrivés en France, nous avons un visa temporaire de trois mois pour faire les papiers de carte de séjour pour un an. C’est difficile de trouver un travail »dit-il mais, l’an prochain, il espère être chargé de cours à l’UJF.

Pour Faezeh Gerayeli, une jeune femme iranienne arrivée en France un mois après son mariage pour entrer en Master 2 biologie-santé à l’UJF, les démarches sont les mêmes. Mais le dossier a été encore plus complexe à monter pour cette étudiante sortie 2ème de la meilleure université technique de Téhéran. « Il m’a fallu 30 à 45 jours pour obtenir le visa et j’ai raté le début des cours à l’UJF (en anglais) mais j’ai tout de même réussi les examens avec 13,5 de moyenne au prix d’un travail acharné». Ses économies et celles de son mari, iranien lui aussi et qui achève sa thèse d’économie à Grenoble, ont fondu. Cependant, à l’issue de son stage de Master 2, elle est admise en thèse au laboratoire TIMC-IMAG avec une bourse doctorale à l’UJF. « Je voudrais faire mon post-doc en France et travailler ensuite dans le domaine de la recherche en biotechnologies médicales, éventuellement au sein d’une entreprise » dit-elle.

Décrocher un statut de chercheur en CDI avec renouvellement de visa les deux premières années, tels sont les objectifs immédiats de ces étudiants étrangers au « parcours d’excellence ». Les restrictions budgétaires actuelles font que même les post-doc français peinent à trouver des postes dans les laboratoires de recherche au point que certains décident de partir à l’étranger. « Nous manquons de docteurs en France », déplore Geneviève Fioraso, qui en tant que députée de l’Isère connaît bien la situation des thésards en contrat CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la REcherche) . « J’ai l’intention de faire reconnaître et revaloriser le titre de docteur dans les entreprises mais également dans l’administration d’Etat ou du territoire, à l’image de ce qui se fait en Europe »annonce-t-elle.

(1) Le Nouvel Observateur, 05/06/2012