C’est au moment où tout le monde part en vacances qu’on éprouve le plus durement le sentiment de solitude. Aujourd’hui 4,8 millions de personnes sont seules en France. Loin de reculer, la solitude a progressé de 20% depuis 2010 et s’étend à des populations jusqu’ici épargnées par le phénomène.

Selon un sondage Mediaprism, 45% des jeunes âgés de 18 à 35 ans affirment se sentir « seuls » souvent ou occasionnellement. Parmi eux, 42% affirment que cette solitude est « subie », soit un jeune sur cinq. 89% d’entre eux ont déclaré se sentir « fatigués », 54% « frustrés », 52% « déprimés », 45% « seuls » et 29% « exclus ». Si les jeunes en situation de précarité sont les plus touchés, les jeunes issus des classes moyennes et socialement insérés en souffrent également.
L’étude révèle également que les réseaux sociaux comme Face Book n’aident pas à lutter contre cette solitude. Les jeunes interrogés affirment avoir en moyenne 7 amis, dont 4 à 5 sur lesquels ils peuvent compter. Par contre, ils disent avoir 178 amis sur Facebook, mais ne communiquent qu’avec 12% d’entre eux. 55% des jeunes considèrent d’ailleurs qu’internet « favorise la solitude ». Autre catégorie éprouvant ce sentiment d’isolement: les jeunes mères vivant en milieu urbain.

Sensibilisée aux problèmes d’exclusion qui place la solitude au cœur de la question sociale, la Fondation de France qui affirme son engagement dans la lutte contre les Solitudes, a publié, fin juin 2012, les résultats de son second Rapport sur les Solitudes en France. Cette étude qui met en évidence le taux d’isolement relationnel, explore les processus qui conduisent aux ruptures des liens sociaux, et mesure l’impact de ce phénomène sur la vie des Français.
Heureusement, la montée des initiatives solidaires permet d’entrevoir une issue plus heureuse au phénomène de solitude

Ainsi, en Bretagne et en Pays de Loire, quatre projets concrets et innovants, soutenus par la Fondation de France témoignent des initiatives entreprises pour lutter contre l’isolement.

 Premier exemple à Saint-Brieuc. Dans une structure d’hébergement pour personnes fragilisées, des résidents ont transformé leurs cages d’escalier et leurs 16 paliers en musée d’art contemporain. Cette initiative est menée par l’ADALEA, une association constituée de différents pôles d’action dont l’un concerne le logement et l’hébergement. Ce pôle propose notamment « une maison relais » située à Saint-Brieuc offrant 18 logements autonomes, soit 25 places. Elles sont accessibles, sans condition de durée, à des personnes avec un faible niveau de revenus, rencontrant des difficultés d’accès ou de maintien dans un logement ordinaire. 6 places supplémentaires dites de « stabilisation » sont proposées aux personnes très isolées (anciens Sdf) nécessitant un suivi social continu.

Afin d’impliquer les résidents dans l’amélioration de leur lieu de vie et valoriser leurs capacités, l’ADALEA a lancé une dynamique collective autour d’une production artistique. Une visite de musée sur le thème de l’art contemporain est organisée avec les habitants. L’équipe du projet présente l’idée d’une création dans le bâtiment en laissant chacun exprimer ses idées. Encadrés par une artiste diplômée en arts plastiques, les résidents rénoveront et décoreront à la peinture les deux cages d’escaliers de la maison et leurs seize paliers. Ils ont répertorié dans un carnet de bord toutes les étapes de cette création collective. 16 thèmes ont été identifiés. Dans le cadre d’ateliers, les résidents s’entraînent désormais à la pratique artistique !
La réalisation artistique progresse depuis le 1er novembre 2011. Les résidents se retrouvent une journée tous les 15 jours autour de l’artiste afin de travailler sur les différents thèmes. L’œuvre achevée devrait être présentée en octobre 2012.

 A Nantes Métropole, ce sont les habitants des quartiers en ville qui s’investissent dans les pratiques agricoles pour rompre l’isolement social.

Ecos est une association œuvrant sur Nantes Métropole, qui a pour objet de développer et de promouvoir les activités et rencontres transdisciplinaires liées aux problématiques écologiques. Elle favorise la transversalité et la créativité en soutenant des projets questionnant et modifiant la relation à l’espace public. Par la création de son projet « EcoSphère – Agriculture participative », l’association souhaite répondre aux besoins « en jardin » des habitants (pour exemple : 4 ans d’attente pour une parcelle à Nantes ou à Rezé). Elle entend donner une place à l’agriculture urbaine et péri-urbaine, facteur de biodiversité, de lien social et de solidarité.

Le projet « EcoSphère » a pour objectif de favoriser l’agriculture urbaine en créant des interactions entre un environnement construit et un environnement végétal en devenir. Ce projet se matérialise par 3 axes complémentaires qui forment une chaîne reliant de multiples acteurs. Le premier axe est la conception et l’accompagnement de sites pilotes en agriculture urbaine : un jardin partagé au pied de l’immeuble du Clos Torreau, Nantes- Sud ; des jardins potagers hors sol dans le quartier du Breil et une serre mutualisée à Rezé. Ecos assure le lien entre les besoins identifiés des habitants, des associations et des institutions compétentes (service espaces verts de la ville de Nantes et Nantes Métropole – aménagement et politique de la ville).

Le deuxième axe du projet est la valorisation des productions locales des habitants. Création d’une cuisine nomade qui vient animer les fêtes de quartiers et prolonger le lien entre jardiniers et habitants.
Le troisième axe est la proposition d’outils collaboratifs permettant les échanges solidaires entre habitants (voir lien ci-dessous).

A la demande d’habitants et de professionnels, l’association prépare la création d’un restaurant éphémère de plein air et un livre de cuisine par les habitants et producteurs locaux. Ecos prépare de nouvelles actions dans le cadre de Nantes Capitale verte de l’Europe – 2013. Cet été, le programme « jardins partagés », récemment opérationnel, se poursuit avec la constitution d’un réseau de propriétaires mettant à disposition leurs terrains au bénéfice de jardiniers. L’effectif actuel de 6 propriétaires devrait passer à 20 en 2013. Une dizaine de jardiniers bénéficient aujourd’hui de cette mise en relation. Cet été, Vianney Cottineau continuera à rencontrer de nouveaux propriétaires qu’il mettra en relation avec de nouveaux jardiniers ! Pour la partie conseil, il passera le témoin à Lilia Chaslerie, conseillère en jardinage biologique.

 Dans le Maine et Loire (49) : des après-midi conviviaux favorisent le lien social et la mobilité des personnes âgées isolées de la commune des Rosiers sur Loire
Suite à l’obligation pour les communes de mettre en place un plan canicule pour les personnes âgées isolées, une enquête sur les besoins sociaux des retraités a été menée en 2010 par le CCAS des Rosiers sur Loire.

Les résultats, confortés par le recensement de la population 2010, montrent une population âgée grandissante et un grand nombre d’habitants âgés vivant seuls et souvent isolés socialement ou géographiquement. L’enquête a permis de faire émerger la question à l’origine du projet : Comment rompre la solitude des personnes âgées isolées tout au long de l’année ?

Le projet, issu des résultats de l’enquête menée de façon pluridisciplinaire (CCAS, représentants du CLIC, du Pays des Vallée d’Anjou, de la MSA et bénévoles retraités) répond à deux attentes exprimées : le développement du lien social et celui de la mobilité. La proposition du CCAS est la mise en place d’après-midi conviviaux offrant la possibilité aux personnes isolées de se retrouver au cours d’activités hebdomadaires diversifiées. Ces rencontres se veulent complémentaires de l’offre existante des « Clubs du 3ème Age », qui ne correspondent pas aux attentes de tous les retraités.

Animées par une professionnelle, les séances proposées visent à stimuler les capacités cognitives (mémoire), motrices (activités manuelles et physiques) et sociales. Le projet repose à la fois sur un groupe de bénévoles, qui aide au transport des personnes jusqu’au lieu d’activité, et sur des intervenants médico-sociaux (infirmières, aides soignantes) auprès des personnes isolées, prescripteurs de ces rendez-vous.

L’objectif visé est de lutter contre le sentiment d’isolement et parfois d’inutilité ressenti par les personnes âgées, tout en agissant pour favoriser la mobilité de celles-ci en dehors de leur domicile. Les porteurs du projet invitent ces Aînés à être acteurs et à oser : oser sortir, oser faire des activités nouvelles, oser s’exprimer, oser rire… Au fur et à mesure des séances, un groupe de 10 personnes fidèles s’est constitué. Ces participants ont retrouvé confiance en eux-mêmes en développant de nouveaux liens sociaux, dans la continuité des animations du jeudi.
De mai à décembre 2011, 23 rendez-vous hebdomadaires ont été organisés. En 2012, la volonté est d’inviter des publics extérieurs à chaque période de vacances scolaires (enfants, adolescents) en vue de multiplier les sorties sur la commune ou dans les environs (rencontres avec les écoliers du primaire, visite de la bibliothèque municipale, de la biscuiterie, visites culturelles, promenades et jeux en bord de Loire…).

Le projet s’est étendu en 2012 dans les communes limitrophes de Saint Martin de la Place (depuis mars) et de Saint Clément des Levées (lancement prévu en septembre). Une structure associative fédérant les animations des trois communes est en projet pour début 2013.

 A Angers : l’art et la culture favorisent l’intégration sociale et la rencontre des habitants dans des îlots de quartier pour lutter contre l’isolement.

Le Centre socioculturel Jacques Tati situé à Angers intervient dans les domaines de l’enfance, de l’adolescence et de la famille avec des actions d’animation culturelles. Le Centre propose : accueil, pôle d’animations jeunesse, loisirs, sorties en famille, ateliers thématiques et manifestations diverses dans le quartier classé Zone Urbaine Sensible de Belle-Beille. En 2010, le centre et les acteurs du quartier font le constat d’un manque de fréquentation de ces structures. Une étude menée auprès des habitants permet de mieux comprendre le phénomène d’isolement : des personnes souffrent de l’absence de relations quotidiennes et durables et ne participent guère aux manifestations culturelles.

En 2011, en partenariat avec les élus et les services de la ville d’Angers, le centre fait appel aux compagnies Crue et Eoliharpe pour recueillir le point de vue des habitants. De ce premier échange est né le spectacle « Quand les facteurs s’envolent », rendant compte de la vie du quartier telle qu’elle est perçue par ses habitants. Joué 17 fois, dans les structures, dans les cages d’escalier et en bas des immeubles, le spectacle a fait émerger le besoin de lieux de partage, permettant de lutter contre l’isolement. Le projet « cœurs de vie » est né pour approfondir cette question au travers d’une dynamique collective. Suite à une assemblée de quartier, un Cœur de vie pour chacun des sept îlots composant Belle-Beille, a été défini. Des bénévoles appelés « Grands Facteurs » et un salarié du Centre, accompagnent l’organisation d’évènements pour y favoriser les rencontres.
La matérialisation des « Cœurs de vie » (jardins, halls d’immeubles, places, etc.) est assurée par les habitants de l’îlot concerné, aidés par un plasticien, un jardinier, une couturière, etc. L’objectif est de laisser une trace physique pour identifier ces lieux et d’installer durablement ces créations comme points d’ancrage de lieux de vie en communauté. Ces créations seront inaugurées en septembre par les habitants.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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