Florence Hartmann a saisi mercredi 30 novembre 2011 le Rapporteur Spécial des nations Unies pour la liberté d’opinion et d’expression. Sa communication de 71 pages transmise avec les documents relatifs à l’affaire porte principalement sur la violation du droit à la liberté de transmettre des informations d’intérêt public et d’intérêt général.

Le 19 juillet 2011, la Chambre d’appel du Tribunal Pénal International pour l’Ex Yougoslavie (TPIY) avait confirmé la condamnation en première instance de Florence Hartmann pour outrage au Tribunal pour avoir divulgué ‘le raisonnement juridique’ de deux décisions confidentielles de la Chambre d’appel.

Dans son livre “Paix et Châtiment” (Flammarion, 2007) et son article “Vital Genocide documents concealed” (Bosnian Institute de Londres), elle démontrait que la Chambre d’appel avait inventé et s’était appuyée sur des normes de droit inexistantes pour classer confidentiels des documents qui auraient pu permettre de déterminer la responsabilité de la Serbie dans des crimes et dans le génocide pendant la guerre des années 1990 en Bosnie-Herzégovine.
Le Tribunal n’a jamais contesté la véracité et l’exactitude de ce que Florence Hartmann a écrit ni ne lui a reproché d’avoir pu violer son obligation de réserve en tant qu’ancienne porte-parole du TPIY. Florence Hartmann a été condamnée par le TPIY à une amende de 7000 €, un montant qu’elle a déposé sur un compte bancaire dédié en France en invitant le TPIY à demander l’assistance des autorités françaises pour recouvrer ces fonds aux fins de payer l’amende.

Alors que le Règlement de Procédure du Tribunal ne précise à aucun moment les modalités de payement des amendes, la Chambre d’appel a considéré que l’argent n’avait pas été versé et à commuer, le 16 novembre 2011, l’amende de 7000 € en une peine de prison de sept jours. Le mandat d’arrêt international émis le jour même mentionnait spécifiquement la France, le pays de résidence de Florence Hartmann, et les Pays-Bas, le pays sensé la conduire à l’Unité de Détention du Tribunal à la Haye.

En l’absence de toute instance supérieure vers laquelle se tourner pour contester une décision du TPIY, Florence Hartmann demande au Rapporteur Spécial des Nations Unies de d’établir que le jugement rendu par le TPIY à son encontre n’est pas conforme et viole les normes internationales relatives à la protection du droit à la liberté d’expression et que le maintien et l’exécution du mandat d’arrêt lancé contre elle constitue une continuation de la violation de ce droit.

Florence Hartmann entend également saisir très prochainement le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur l’indépendance et l’impartialité des juges et des avocats.

Dans une déclaration publiée le 30 novembre 2011, l’organisation international pour la défense de la liberté d’expression basée à Londres, ARTICLE 19, dénonce l’illégalité du mandat d’arrêt et « appelle tous les Etats, et en particulier les autorités françaises et néerlandaises, à ne pas devenir les complices de cette perversion de la justice international et à s’opposer à l’exécution de l’injonction du TPIY. » ARTICLE 19 souligne que les droits fondamentaux garantis par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) doivent prévaloir face au TPIY et rappelle qu’en vertu de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, les autorités françaises ainsi que celles des 46 autres pays signataires de la Convention Européenne sont dans l’obligation de vérifier la légalité des ordonnances du TPIY avant de les mettre à exécution.

(Voir, « Le Mandat d’arrêt à l’encontre de Florence Hartmann entame l’autorité morale du TPIY », http://www.article19.org/resources.php/resource/2883/fr/le-mandat-d%E2%80%99arr%C3%AAt-%C3%A0-l%E2%80%99encontre-de-florence-hartmann-entame-l%E2%80%99autorit%C3%A9-morale-du-tpiy)

La semaine dernière, Reporters Sans Frontières (RSF) a aussi demandé à la justice française de statuer sur le bien-fondé du mandat d’arrêt qui lui est soumis, et de se prononcer sur le fond de l’affaire conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). « La CEDH a souligné avec constance l’intérêt public de la couverture journalistique des affaires judiciaires, rappelle l’organisation. Il serait illogique et dangereux que la justice internationale y fasse exception », a indiqué RSF tout en dénonçant une condamnation indigne qui s’inscrivait en faux contre toute la jurisprudence internationale en matière de liberté d’expression.

(voir http://fr.rsf.org/mandat-d-arret-contre-florence-17-11-2011,41411.html)
Le Secrétaire Général de RSF et plusieurs personnalités françaises ont également publié, la semaine dernière, une tribune dans Le Monde appelant la France à « ne pas ajouter le déshonneur à l’injure » en mettant à exécution le mandat d’arrêt contre Florence Hartmann. « Lorsque l’incapacité à tolérer la critique pousse des juges à bouleverser l’ordre juridique international, c’est à la crédibilité de la justice internationale qu’ils portent atteinte, » ont-ils ajouté.
(voir Le Monde : http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2011/11/21/la-peine-de-prison-infligee-a-florence-hartmann-est-injuste-et-infamante_1606995_3232.html)

De son côté Place Publique n’a pas ménagé son soutien à Florence Hartmann depuis son inculpation en publiant nombre d’articles à son sujet.

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Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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