La France dispose de nombreux atouts de recherche pour bâtir une filière «énergies marines » estime Alcimed, une société de conseil et d’aide à la décision. Encore faut-il qu’elle prenne la mesure de l’enjeu et des moyens à consacrer.

Depuis la mise en place du Grenelle de la Mer, l’été dernier, on attendait des mesures concernant les énergies de la mer. Voilà qui est amorcé avec l’annonce par Nicolas Sarkozy d’installer des éoliennes off shore sur cinq sites en Bretagne et en Normandie. L’appel d’offre pour leur construction devrait être lancé dans le courant du mois de mai 2011. Comme le précise la sénatrice Gisèle Gautier, dans un rapport publié en janvier 2011 sur les énergies marines, cette filière représente un potentiel d’emploi non négligeable, et tout particulièrement dans des régions à redynamiser.

Les compétences françaises dans ce domaine sont consolidées par l’existence de grands groupes tels DCNS, STX, ALSTOM ou EDF. Les réseaux industriels, et en particulier les pôles de compétitivité Mer Bretagne et Mer PACA, constituent des centres de ressources importantes pour coordonner la mise en place de démonstrateurs associant l’ensemble des acteurs de la filière. L’IFREMER, acteur incontournable à renommée internationale, incarne l’excellence française dans les sciences de la mer. Enfin, les centres de formation, même s’ils requièrent la mise en place de programmes adaptés, ont le potentiel qui convient pour rendre pérennes les énergies marines renouvelables, souligne le Cabinet Alcimed.

Le marché mondial de l’électricité éolienne (sur terre et sur mer) connaît actuellement une période de développement important. Les prévisions indiquent une multiplication par 5 de la puissance installée dans le monde très rapidement (7200 MW installés à ce jour). L’éolien a connu le rythme de croissance le plus forte avec un taux de 30% par an en moyenne. Les experts estiment que cette ressource énergétique représentera 12% des besoins mondiaux en électricité d’ici 2020. L’éolien « offshore » offre des potentialités importantes mais les coûts d’installation et d’exploitation sont supérieurs à ceux des sites terrestres. Au large des cotes, les vents puissants et réguliers qui soufflent sur les océans garantissent un meilleur rendement. La puissance unitaire des machines proposées par les constructeurs, restée longtemps inférieure au MW, est aujourd’hui couramment de 2,5 MW et des prototypes de 5 MW sont en cours de réalisation. Bien mieux que les éoliennes terrestres dont la production annuelle d’électricité par MW installé se situe entre 2000 – 2500 MWh, les éoliennes offshore présentent de gros avantages. Sur mer, il n’y a pas de plaintes de riverains et l’impact paysager est acceptable.

Les éoliennes marines se sont multipliées dans les pays d’Europe du Nord car les conditions y sont très favorables. Jusqu’à 25 mètres de profondeur, les techniques de pose des éoliennes off-shore sont simples. Les inconvénients ? L’encombrement, et surtout l’ irrégularité de production. « Les parcs éoliens tournent environ un tiers de l’année et pas forcément au moment de pointes de consommation. La plus grande partie de la puissance installée (75%) se trouve en Europe, trois pays venant largement en tête : l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark avec respectivement environ 15 000, 5 000 et 4 000 MW. L’Allemagne mise sur la réalisation de grands parcs éoliens au large de ses côtes afin de produire 15% de ses besoins en électricité à l’horizon 2030. La Grande Bretagne qui possède le premier potentiel éolien d’Europe et les Pays-Bas sont également actifs dans la filière. Hors Europe seuls les Etats-Unis ont un parc significatif de 6 000 MW principalement localisé en Californie.

Mais la question se pose de savoir si le retard de la France dans l’éolien terrestre n’impactera pas le développement de l’énergie éolienne en mer, freiné par un manque d’investissement jusqu’à aujourd’hui. Alors que le Royaume-Uni possède d’ores et déjà une capacité installée de 1 200 MW au large des côtes britanniques, l’hexagone part de zéro. « La France sait investir tôt, développe une expertise poussée en amont, mais peine à structurer une filière industrielle, limitant dès lors les retombées économiques sur son territoire. Le défi est de sortir de ce schéma » commente Xavier Pinardon, responsable de mission au sein de l’activité Innovation et Politiques Publiques d’Alcimed.

Au-delà de l’éolien offshore, la France dispose également du deuxième potentiel d’exploitation de l’énergie hydrolienne en Europe avec un potentiel techniquement exploitable compris entre 2,5 et 3,5 GW de puissance installée.

Dans le domaine de l’énergie marémotrice, la France se positionne comme leader mondial avec l’usine de la Rance qui, avec une puissance de 240 MW, produit 550 GWh annuellement, soit 90 % de la production mondiale. Elle possède de réelles capacités là où tout reste à faire, soutient Alcimed.

Du fait des étendues marines françaises, et notamment en milieu tropical, la France possède aussi un potentiel élevé dans l’énergie thermique des mers dont le potentiel mondial est estimé à 10 000 TWh, ajoute Alcimed.

Reste l’énergie des gradients de salinité qui n’est que très peu développée à ce jour, mais qui représente un potentiel estimé à 1 600 TWh dans le monde. Sans oublier l’énergie des vagues

Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer, tout particulièrement dans les coordinations entre les acteurs de la filière et leur concentration géographique, les subventions aux programmes de recherche, l’orientation des programmes de formation, l’identification de sites propices à leur déploiement et leur acceptabilité sociétale.

« La structuration de la filière des énergies marines ne se fera pas sans le soutien des pouvoirs publics et il est indispensable que les acteurs publics à tous les niveaux de gouvernance s’impliquent afin que la France puisse s’imposer comme un leader industriel au niveau international », explique Xavier Pinardon. Le degré d’engagement des pouvoirs publics sera crucial pour l’exploitation économique de ces énergies. L’Etat détient de nombreux leviers pour soutenir la structuration de la filière autour de grands industriels et d’un réseau de PME : lancement d’appels d’offres ciblés, revalorisation du tarif de rachat, clarification de la réglementation régulant la gestion de l’espace maritime ou encore choix dans les dossiers de Grand emprunt (IEED, démonstrateurs, Equipex, etc.).

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Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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